Éducation et société : vivre s’apprend

22  novembre 2006 | par Rédaction Transversales

Revue de la psychologie de la motivation, N°41 - 2006.

Au sommaire :
-  Armen Tarpinian, L’avenir de la vie sur notre planète ;
-  Sacha Goldman, Collegium International éthique, scientifique et politique ;
-  Edgar Morin, Ce que nous savions déjà... ;
-  Jean-Pierre Dupuy, Urgence et lucidité ;
-  Michel Rocard, À l’aube d’une ère nouvelle ;
-  Déclaration universelle d’interdépendance ;
-  Stéphane Hessel, Le rôle du Conseil des Droits de l’Homme ;
-  Jean-Claude Carrière, Est-ce le dernier acte ?

Ce numéro, comme le précédent dont il est la suite, rassemble des textes issus du souci de sortir l’humanisme des proclamations d’intentions et de principes ; de lui ouvrir des voies et le doter d’outils d’humanisation. Ce terme, soyons clairs, désigne le processus évolutif qui peut nous conduire, individuellement et collectivement, à travers des apprentissages et non des exhortations et des sermons, au déploiement de ce qui fait l’humain : à savoir, la qualité du lien dans toutes ses nuances, allant de la cordialité et la tolérance à l’amitié et l’amour ; la lucidité de l’esprit qui est connaissance de soi et force du jugement dégagé des préjugés. Cela appelle à des formes d’éducation et de co-éducation, qui ne sont pas toutes à inventer, permettant de constituer un programme de réflexion, d’expérience et de formation à la fois « spirituel » et « politique », sans lequel ces mots restent facilement des coquilles vides, et l’humanisation un chemin sans repères. On le sait, en France, plus qu’en d’autres pays d’Europe, malgré bien des instructions officielles et la pratique même de beaucoup d’enseignants, la représentation dominante demeure que l’école est un lieu de transmission de connaissances intellectuelles, et, au mieux secondairement, un lieu d’apprentissage de la vie. Aux élèves de s’adapter au système - ce que beaucoup font, mais souvent à quel prix ? - et non au système à s’ouvrir à la réceptivité réelle des élèves, à leur rythme d’apprentissage, à comprendre les blocages, leurs causes et leurs remèdes. Cet aspect de l’éducation est entièrement négligé dans la formation des adultes qui ne l’ont pas non plus reçu durant leur parcours d’élèves.Il en résulte que les apprentissages fondamentaux de connaissance de soi et de relation à autrui ne sont pas traités, ou de seconde main, alors qu’on en demeure toute sa vie les élèves. Entre les solutions urgentes et la sédimentation patiente, l’éducation à la vie constitue le chemin mitoyen. Cela se comprend mieux si l’on donne un exemple : qui ne voit que les solutions politiques globales touchant aux questions graves de l’environnement ne sauraient être fécondes sans une éducation à la responsabilité personnelle qui dépasse le niveau de l’information. Insistons. Les connaissances et les outils existent et ont fait leurs preuves. Mais ils attendent d’être intégrés, officiellement validés, généralisés. Leur négligence, nous l’avons souvent écrit, coûte cher aux personnes et à la société (Cf.Revue N° 21, Le dialogue ; N° 28, L’art de la paix ; N°31, Education et humanisation ; N° 36, L’école en chantier...). Ces apprentissages visant à répondre aux besoins fondamentaux des individus ne sont pas séparables des besoins de l’espèce humaine. La sagesse des uns assure la survie de l’autre : de l’humanité dans son parcours ambivalent de solidarité et d’hostilité, d’intelligence et d’aveuglement. La vraie question, aujourd’hui, est de savoir si l’humanité parviendra à articuler à temps... le temps de l’urgence qui appelle des solutions politiques et celui, lent, de l’évolution des mentalités, de la maturation psychique. A parer aux dangers les plus menaçants, écologiques et sociaux, à ouvrir des voies et se donner à temps les outils nécessaires pour mieux vivre et survivre.

L’avenir de la vie sur notre planète

Urgence et lucidité nous disent Jean-Pierre Dupuy et les auteurs du Collegium que nous sommes heureux de retrouver dans notre dossier, L’humanité face à son avenir, consacré de nouveau au « Collegium International éthique, scientifique et politique ». Une première présentation en avait été faite dans notre revue N°32, en 2002, sous le titre, L’appel de Bled. Nous voulons de tout cœur remercier Sacha Goldman, cheville ouvrière du Collegium, d’avoir permis la réalisation de ce dossier.

Les textes présentés nous alertent en effet de nouveau sur l’état de marche du monde et la nécessité de promouvoir la conscience de notre interdépendance planétaire. Edgar Morin ouvre ce dossier avec un texte, pétri à la fois d’inquiétude et de sagesse, sur les aveuglements de l’âme humaine. Jean Claude Carrière nous offre en fin de dossier une contribution de dramaturge et, avec les autres auteurs, nous dit, nous crie les risques que nous courons, l’abîme vers lequel l’espèce humaine avance en aveugle, sans canne et sans chien. Dire et comprendre, dans toute leur complexité, les causes du risque vital que nous courons peut déboucher sur une utopie créatrice : celle non pas, dangereuse, de vouloir créer un monde idéal, mais celle qui peut inspirer une vraie orientation, un bon sens à nos actions individuelles et collectives. Et nous aider à construire un art de vivre qui revitalise le sens le plus profond du dessein politique : apprendre à vivre ensemble, et, à cette fin, apprendre aujourd’hui à maîtriser les fabuleux - et dangereux - progrès de la science par un surcroît de conscience et de sentiment de dette envers l’avenir de la vie sur notre planète. Il est urgent de réagir, d’agir, le temps presse...Mais non sans prendre acte de ce que nous dit Michel Rocard, homme d’action cité en exergue par Jean-Pierre Dupuy : « La première urgence est de prendre le temps de penser » Lucidité et action, comme éducation et politique, ne se laissent pas en effet sans danger séparer. Aujourd’hui plus que jamais, où l’immaturité humaine individuelle et collective, qui est à la source du mal, emprunte des voies et trouve les armes les plus destructrices pour s’exprimer. Où l’intelligence qui brille dans les sciences du monde extérieur demeure aveugle ou borgne sur les fausses motivations qui nous animent et les conséquences qu’elles entraînent. En réalité entre lucidité et urgence, éducation et société, les ponts restent largement à construire, dont les piliers sont la « Coopération » (ce qui manque le plus à l’école), et l’« Interdépendance » assumée entre les nations (ce qui manque le plus dans l’approche politique des problèmes vitaux auxquels l’humanité doit faire face). Rien d’exhaustif dans ce qui est proposé dans ce numéro, tant sont nombreuses les recherches et les pratiques, riches et validées par l’expérience, auxquelles d’ailleurs, pour partie du moins, les auteurs renvoient. Toutes ensemble, elles constituent des fondations pour une culture commune qui donne à l’espèce humaine la capacité et la détermination consciente de s’accomplir, d’éviter le chaos et le silence éternel dont elle a émergé, et où elle pourrait, par inconscience, retourner bien avant que le soleil ne s’éteigne

Site de la Revue de la psychologie de la motivation

A voir à lire