Pour une économie plurielle et qualitative

23  avril 2007

Depuis de nombreuses années, sous l’impulsion de Jacques Robin, le GRIT tente d’attirer l’attention sur :

1. l’urgence de prendre conscience de la mutation informationnelle marquant l’avènement de l’économie immatérielle ;

2. la nécessité de « démocratiser et humaniser l’économie » par la mise en place d’une économie plurielle avec marché et non plus uniquement d’une économie de marché.

Il s’agirait de faire reconnaître la pluralité des principes et logiques d’actions économiques dans une « économie plurielle » avec des « monnaies plurielles ».

Pour René Passet, le fait de réduire drastiquement la place donnée à la seule économie "de" marché, en organisant une économie plurielle "avec" marché cohabitant avec une économie publique et sociale, constitue un modèle alternatif viable de développement économique et humain.

Pour André Gorz, « L’économie visible, dite formelle, n’est qu’une partie relativement réduite de l’économie totale (...) C’est dans cette autre économie que les individus se produisent humains ».

Ainsi, l’économie marchande pourrait être conciliée avec d’autres rationalités économiques, pour lesquelles des monnaies différentes seraient mises en circulation. Un espace de légitimité serait alors rendu à l’économie publique, l’économie domestique, l’économie sociale et solidaire ou l’économie de la gratuité.

Dans ce contexte, on ne pourra se passer d’un revenu suffisant inconditionnel d’existence, qu’André Gorz nomme aussi « revenu de citoyenneté (...) compris non pas comme la récompense ou la rémunération d’une activité, mais comme ce qui doit rendre possible des activités qui sont une richesse en elles-mêmes et une fin pour elles-mêmes ; il doit soustraire ces activités hors-marché et hors-mesure à toute évaluation et prédéfinition économiques. »

Tout aussi essentiel, le projet d’une monnaie électronique solidaire (SOL) affectée à l’économie sociale et solidaire est en cours. On peut faire cohabiter ainsi « une monnaie thésaurisable, à péremption longue, qui resterait le moyen d’échange et d’investissement pour le secteur du marché » (l’Euro), et « une monnaie non-thésaurisable, de consommation immédiate et de péremption courte » (le SOL).

Dans cette perspective d’une économie plurielle, évaluer les richesses avec des indicateurs qualitatifs est absolument incontournable. C’est à quoi s’emploie Patrick Viveret, qui plaide pour « la nécessité de compter autrement et le droit de ne pas tout compter ». Au-delà du PIB, ces indicateurs entreraient dans l’évaluation d’un développement proprement humain.

Cette nouvelle culture de la gratuité et des échanges relationnels non-marchands à l’ère de l’information et de l’écologie exige aussi de nouveaux « biens communs », notamment informationnels.

Depuis 1998, Philippe Aigrain suggère « de reconnaître l’autonomie de la sphère informationnelle en la décrivant comme un écosystème social, avec ses espèces (d’information, d’échanges d’information, et de mode de production d’information) et dans chaque espèce une plus ou moins grande diversité d’individus. (...) La limitation des biens communs musicaux et filmiques est très temporaire. Mais elle suscite une profonde frustration des usagers, qui organisent la circulation des œuvres par partage sur les réseaux pair à pair. Certains peuvent le regretter, mais nul ne doit s’abuser sur le sens de cette situation : elle signale seulement une immense demande vis-à-vis de la création de biens communs informationnels. »

Défendre la non-brevetabilité de biens communs informationnels permettrait une économie de la connaissance, fondée sur le libre accès et l’échange des savoirs, effective et non plus théorique. C’est une clé essentielle de la définition du monde que l’on souhaite pour demain.

(extraits du mémoire de Claire Souillac "Du concept d’INFORMATION à l’ÈRE DE L’INFORMATION" 09/2004).

Breves