Femmes en politique : trompe l’œil ou changement ?

26  novembre 2006 | par Catherine Achin , Sandrine Lévêque

Après le vote en 2000 d’une loi inédite sur la parité et au moment où, pour la première fois dans l’histoire de la République française, une femme semble être en mesure d’être investie par un parti majoritaire pour l’élection présidentielle, la question de la place des femmes dans la vie politique apparaît comme un enjeu central du débat sur la modernisation politique et l’égalité des sexes. Après plus de dix ans de débats, deux changements majeurs peuvent être notés.

Il semble d’une part que l’on puisse désormais être « une femme en politique », c’est-à-dire valoriser des qualités réputées féminines pour « faire de la politique autrement ». Pour autant, à tout moment, cette ressource peut être retournée contre celles qui en usent. Les arguments de douceur, de proximité ou de pragmatisme que l’on attribue aux femmes en politique se transforment alors en dénonciation de leur futilité et de leur incompétence. C’est donc moins le fait d’être une femme, que d’être implantée localement, ou de bénéficier du soutien d’un appareil partisan, qui détermine la réussite politique. Il y a d’autre part davantage de femmes en politique, au sein des partis comme dans les assemblées élues. Elles restent toutefois cantonnées pour la plupart à des rôles « féminins », qu’elles endossent elles-mêmes ou qu’on leur impose. Elles semblent de la même manière avoir intériorisé les normes structurant en profondeur un métier politique masculin.

Comment, à partir de cette situation contrastée, envisager l’avenir des femmes en politique ?

On peut se hasarder à deux types de scénarios.

Le premier, pessimiste, considèrerait ces évolutions comme débouchant sur une « Révolution conservatrice », ne remettant pas en cause les règles immuables du jeu politique. Les logiques sociales du recrutement seraient reproduites et le genre instrumentalisé au seul profit d’une élite féminine. Par ailleurs, la ressource de l’identité sexuée pourrait bien être déclassée par de nouvelles « ressources », vraisemblablement tout aussi éphémères et fragiles, comme l’origine ethnique par exemple. Les réactions anti-féministes suscitées par le contexte paritaire (résistances à l’application de la loi anti-sexisme ou à la loi sur le harcèlement, comités de défense des droits des pères, polémiques autour des chiffres de la violence faite aux femmes...), laissent craindre par ailleurs un « backlash » pour l’émancipation féminine. Enfin, rien ne garantit que les femmes politiques défendent en priorité les intérêts des femmes dans la société.

Le second scénario, optimiste, parierait sur un changement des représentations et des règles du jeu politique, sous l’effet de l’entrée massive et durable des femmes dans les assemblées, voire de l’une d’entre elles au sommet de l’État. On peut penser que la popularité de l’idée paritaire, conduira à terme les partis politiques à se concurrencer sur leur « bon usage » de la loi. En outre, les femmes entrées en politique grâce à l’obligation paritaire vont peut-être accumuler l’expérience politique nécessaire à la consolidation de leur carrière et du même coup se trouver en mesure d’imposer de nouvelles normes d’excellence politique. Cette normalisation de la présence des femmes sur la scène politique bouleverserait à la fois les manières de faire de la politique mais aussi les priorités de l’agenda politique dans un sens plus favorable à l’égalité des sexes.