Le méthanol comme carburant de substitution ou pile à combustible

31  octobre 2005 | par Jean Zin

Personne ne parle du méthanol alors qu’il pourrait être le produit de transition entre énergie fossile et renouvelable selon le prix Nobel de chimie George A. Olah (interviewé par la revue EcoRev’, ecorev.org). Il y a deux façons de produire du méthanol, à partir du méthane ou par combinaison entre hydrogène et gaz carbonique.

Le méthanol (CH3OH) est un alcool obtenu généralement à partir du méthane (CH4). Le méthane, c’est ce qu’on appelle le gaz naturel ou le biogaz (ou le GNV pour les véhicules) qui se dégage dans tous les processus de dégradation de la matière organique en anaérobie (marais, rizières, élevages, termites, etc). Il y a émission de 535 millions de tonnes de méthane par an dans l’atmosphère (70% d’origine humaine), ce qui participe pour 1/4 à l’effet de serre, ce n’est donc pas négligeable. La durée de vie du méthane dans l’atmosphère n’est que de 12 ans alors que le CO2 dure en moyenne plus de 50 ans, mais une molécule de méthane absorbe 23 fois plus de rayonnement qu’une molécule de dioxyde de carbone. C’est ce qui rend les libérations massives de méthane si dangereuses, pouvant mener à l’emballement du réchauffement climatique. Ceci pour situer le méthane entre énergie fossile et énergie renouvelable. Les réserves actuelles de gaz naturel sont limitées et pourraient atteindre leur pic d’ici 30 ans, donc peu de temps après le pétrole, sauf que "de larges réserves d’hydrate de méthane sont également présentes dans les régions sub-arctique et sous la mer au niveau des plaques continentales". Certains mettent en doute la faisabilité de leur exploitation, voire soulignent leur dangerosité car "en exploitant les hydrates du fond des mers, il est très probable que l’on ferait remonter de grandes quantités de méthane dans l’atmosphère (cela équivaudrait à exploiter du gaz naturel avec des fuites énormes)". Ce sont des problèmes à résoudre mais si le réchauffement climatique devait libérer ce gaz "naturellement" il deviendrait vital de puiser avant autant qu’on peut dans ces réserves ! Le méthane c’est aussi une énergie renouvelable d’origine biologique, bien qu’à un moindre degré, mais dont la récupération et la consommation aurait cette fois un impact positif assez rapide sur l’effet de serre.

Liquide à température ambiante, le méthanol est bien plus facile à stocker que l’hydrogène et son utilisation massive ne nécessiterait pas d’investissements lourds en infrastructures. En effet, bien qu’il soit un peu acide naturellement, le méthanol constitue un bon carburant pur ou mélangé à l’essence traditionnelle. Il peut également être utilisé seul dans des piles à combustible (DMFC, Direct Methanol Fuel Cell) utilisables pour les téléphones ou PC portables, les voitures électriques, etc. Dans ce type de pile qui arrivent sur le marché, le méthanol est directement oxydé en présence d’air pour produire de l’électricité en donnant de l’eau et du CO2. La pureté du méthanol permet de ne produire ni oxydes d’azote, ni oxydes de soufre, pas plus que de gaz organiques réactifs, polluants majeurs des moteurs automobiles. La quantité de CO2 produite est environ divisée par deux en comparaison de ce que l’on obtient classiquement dans les moteurs à combustion. Le méthanol peut aussi servir à transformer l’hydrogène en carburant plus maniable. En effet, l’hydrogène étant le gaz le plus léger c’est celui qui prend le plus de place et qui est le plus difficile à transporter (avec des risques de fuites sinon d’explosion). Il serait donc plus avantageux de transformer en méthanol liquide l’hydrogène produit par de l’électricité renouvelable (solaire, éoliennes) en le combinant avec du CO2. Avec ce procédé de recyclage du CO2, le méthanol devient une énergie renouvelable sans impact significatif sur l’effet de serre. Le méthane, qui manque déjà aux USA, ne peut constituer une véritable alternative qu’à pouvoir exploiter les gisements sous-marins d’hydrate de méthane, alors que le méthanol restera toujours utile pour transformer l’hydrogène en carburant. Que ce soit à partir d’énergie fossile, comme carburant moitié moins polluant, ou bien à partir d’hydrogène combiné avec du gaz carbonique pour stocker les énergies renouvelables, le méthanol a de bonnes chances de s’imposer comme un substitut au pétrole. Il ne s’agit pas de prétendre que le méthanol serait une énergie idéale et une solution durable qui nous épargnerait un choc brutal et une réduction drastique de nos consommations, seulement qu’il est préférable au pétrole et au charbon avec de fortes probabilités qu’il constitue l’énergie de transition entre énergies fossiles et renouvelables. C’est du moins l’opinion de Georges A. Olah, opinion contestée par d’autres spécialistes qui pensent que le gaz naturel est aussi en voie d’épuisement rapide et les gisements marins non exploitables...