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Quoi de neuf en physique ? (10/08)

Le 1er  octobre 2008 par Jean Zin


-  Le LHC arrêté jusqu’au printemps !
-  Hawking parie contre la découverte du boson de Higgs au LHC
-  Les mini trous noirs
-  Une interview d’Aurélien Barrau sur les mini trous noirs
-  Un test possible pour la théorie des cordes ?
-  La décohérence prise sur le vif

-  Un attracteur au-delà de l’univers visible
-  Un "magnétar"

-  Les noeuds de lumière de monsieur Hopf
-  Des supraconducteurs magnétiques

-  Des GPS pour naviguer dans le système solaire


Brèves du mois : physique - climat - biologie - santé - technologies

Revue des sciences 10/08



cosmologie, astronomie, physique quantique



- Le LHC arrêté jusqu'au printemps !

A peine démarré (en retard) déjà en panne et pour longtemps ! Non seulement le LHC est d'un coût démesuré mais il est aussi d'une complexité extrême (et contrairement au biologique, la complexité technique fragilise l'ensemble), de plus, comme il consomme trop de ressources électriques il ne peut marcher l'hiver pour ne pas pénaliser le chauffage électrique des populations ! D'aucune autre entreprise on ne supporterait un tel retard à l'allumage, ni l'immobilisation d'un tel investissement pendant si longtemps...

Un incident s'est produit le vendredi 19 septembre à la mi-journée, pendant la mise en service (sans faisceau de particules) du dernier secteur du LHC (le secteur 3-4) pour une exploitation à 5 TeV. L'incident a provoqué une forte fuite d'hélium dans le tunnel.

Le secteur devra être réchauffé pour que les réparations puissent être effectuées. Cela implique un arrêt d'au minimum deux mois du fonctionnement du LHC.

- Hawking parie contre la découverte du boson de Higgs au LHC

Depuis 20 ans, Stephen Hawking clame que quelque chose ne va pas avec le Higgs. En 1995, il a d'ailleurs publié un papier dans lequel il estimait qu'on pourrait bien ne jamais observer le fameux boson. Lors d'une récente interview donnée à la BBC, il a même révélé qu'il avait parié 100 dollars sur l'absence de découverte du Higgs au LHC !

Ses travaux sur les trous de vers et les trous noirs virtuels (apparaissant et disparaissant dans le vide comme les paires de particules virtuelles) lui indiquent depuis 20 ans que ces deux étranges objets exercent une forte influence sur les particules dites scalaires. Si le boson de Higgs est bien de cette nature, alors, explique Hawking, il devrait, à cause de cet effet, être en pratique inobservable au sein des collisions entre particules élémentaires. Le boson de Higgs ne serait donc observable que s'il n'est pas une particule scalaire élémentaire mais composite, comme c'est le cas d'une autre particule scalaire, le pion, formé de deux quarks.

- Les mini trous noirs

S'ils existent, ces minis trous noirs nouveaux venus, pourraient être produits au LHC et fournir la clé de la gravitation quantique comme de la grande unification...

Comme on l'a déjà laissé entendre, au fur et à mesure qu'un mini trou noir se rapproche de la masse de Planck, on peut le considérer comme l'ultime particule élémentaire, celle où toute la physique des hautes énergies, toutes les particules et les forces s'unifient avec l'espace-temps.

- Une interview d'Aurélien Barrau sur les mini trous noirs

Un trou noir s'évaporant ne devait donc pas nécessairement disparaître complètement et une « relique » stable pouvait exister. Cette possibilité n'était pas nouvelle et elle a des implications importantes, en particulier parce que la matière noire, ou tout du moins une fraction de celle-ci, est peut-être constituée de mini trous noirs de Gauss-Bonnet fossiles, produits lors du Big Bang. Ces reliques sont des effets de pure « gravité quantique » (ou étendue) : elles ne sont pas attendues en relativité générale usuelle. Elles ont aussi leur mot à dire sur le célèbre paradoxe de l'information des trous noirs. Si, en effet, les trous noirs s'évaporaient complètement en suivant la loi de Hawking, ils violeraient nécessairement l'unitarité de la mécanique quantique qui est l'un des théorèmes les plus fondamentaux de notre physique...

- Un test possible pour la théorie des cordes ?

Pas vraiment compris, sinon que la théorie des cordes fait des prédictions sur l'entropie des trous noirs en rotation rapide, prédictions qui conforteraient enfin la théorie par un fait expérimental, ce dont elle manque cruellement...

Aujourd'hui, Andrew Strominger vient d'attaquer le problème des trous noirs en rotation, mais non supersymétriques, comme ceux tapis au cœur des galaxies ou dans des systèmes binaires. Lui et ses collègues Monica Guica, du Laboratoire de Physique Théorique et Hautes Énergies (LPTHE, universités Pierre et Marie Curie, et Denis Diderot), Thomas Hartman et Wei Song, sont parvenus à retrouver la formule de Hawking-Bekenstein (HB) dans le cas de trous noirs en rotation dit extrêmes parce qu'atteignant des vitesses proches de celle de la lumière. Techniquement, pour un trou noir en rotation dit de Kerr, de masse M et de moment cinétique J, on a alors la relation J= GM2.

Il se trouve que l'une des conséquences de la seconde révolution de la théorie des cordes a été la découverte d'une extraordinaire correspondance entre les équations de la théorie de cordes en 10 dimensions et celles, plus classiques, d'une théorie en 4 dimensions et en espace-temps plat. Selon une conjecture mise en avant par un brillant théoricien argentin, Juan Martín Maldacena, et qu'aucun des très nombreux tests théoriques n'a infirmée jusqu'à aujourd'hui, à chaque solution de la théorie des cordes doit exister une solution correspondante dans une classe particulière de théories utilisées pour décrire les interactions dans le modèle standard de la physique des particules, les équations de Yang-Mills. Il s'agit en fait d'une théorie connue sous le nom ésotérique de théorie de Yang-Mills supersymétrique N=4 conforme.

Dans le cas présent, les chercheurs ont utilisé une variante de la conjecture de Maldacena pour décrire la physique d'un objet à 4 dimensions, comme les trous noirs extrêmes, à partir d'objets vivant en deux dimensions que l'on appelle des champs conformes. Magiquement, là aussi, il est possible de retrouver le formule de HB mais il y a mieux ! Selon Strominger et ces collègues, ce qui se passe dans le disque d'accrétion de trous noirs quasiment extrêmes, comme le bien connu GRS 1915+105, devrait être connecté par la dualité qu'ils ont découverte avec ces champs conformes dans un monde en deux dimensions.

- La décohérence prise sur le vif

Une équipe française a pu « photographier » des photons glisser d'un état quantique fragile vers un état classique stable. Le fameux paradoxe du chat de Schrödinger se retrouve ainsi mis en images.

L'idée de base de la décohérence est qu'un système quantique ne doit pas être considéré comme isolé, mais en interaction avec un environnement possédant un grand nombre de degrés de liberté. Ce sont ces interactions qui provoquent la disparition rapide des états superposés.

Des chercheurs du CNRS/ENS/Collège de France ont réussi à « photographier » des photons en train de glisser d'un état quantique superposé vers un état classique en passant par une succession d'étapes intermédiaires. Ils ont ainsi réalisé le premier film de la décohérence. Pour ce faire, ils ont fabriqué une « boîte à photons » isolée de l'environnement au sein de laquelle les corpuscules de lumière sont préservés de toute interaction pour un temps suffisamment long (plusieurs dizaines de millisecondes) permettant de déterminer leur état quantique et d'étudier leur évolution.

L'état du système quantique est ensuite matérialisé sous la forme d'une figure géométrique (voir l'image), appelée fonction de Wigner, les états « normaux de la lumière » apparaissent comme des pics positifs au-dessus du plan de la figure. A l'inverse, les états superposés apparaissent comme des oscillations négatives sous le plan de la figure. Les mesures réalisées montrent que ces oscillations s'effacent progressivement, illustrant ainsi la transition d'un état superposé vers un état macroscopique « classique ».

Cette avancée, publiée dans la revue Nature du 25 septembre, ouvre la voie à la manipulation et au contrôle de la décohérence. La maitrise du phénomène permettra de conserver plus longtemps les propriétés quantiques de la lumière ; une nouvelle étape vers l'ordinateur quantique.


- Un attracteur au-delà de l'univers visible

Face au mouvement d'ensemble de plusieurs centaines d'amas de galaxies, mis en évidence après l'analyse des mesures du rayonnement fossile fournies par WMap, un groupe d'astrophysiciens est parvenu à cette conclusion stupéfiante : ces vastes structures subiraient l'attraction de matière existant au-delà de l'Univers visible.

Kashlinsky et ses collègues étaient en train d'effectuer des statistiques sur les mesures de l'effet SZ sur 700 amas de galaxies, dont le célèbre Bullet Cluster, lorsqu'ils ont découvert, à leur grand étonnement, qu'il semblait au contraire exister une direction préférentielle dans laquelle un grand nombre d'amas se dirigeaient !

Le catalogue d'amas de galaxie utilisé incluant des objets situés jusqu'à 6 milliards d'années-lumière, c'est presque la moitié de l'Univers observable qui a ainsi été sondé. Un nombre important d'amas montrent en mouvement apparent vers une région de la sphère céleste dont la taille angulaire est de 20° et qui se trouve entre les constellations du Centaure et des Voiles. Or, la vitesse d'ensemble de ces amas est constante sur au moins un milliard d'années-lumière et elle est de plus de 3 millions de kilomètres par heure, ce qui indique que ce véritable « courant d'amas de galaxie » doit se poursuivre au-delà du cosmos visible !

Les astrophysiciens l'ont appelé un « courant noir » (dark flow en anglais) car son origine physique doit être située dans une partie de l'Univers au-delà de l'horizon cosmologique, c'est-à-dire d'une région dont nous n'avons encore reçu aucun photon.

- Un "magnétar"

Des astronomes ont découvert un des plus bizarres objets célestes qui a émis 40 flashes en lumière visible avant de disparaître à nouveau. Il s'agit probablement d'un chainon manquant dans la famille des étoiles à neutrons, le premier cas décelé d'un objet possédant un champ magnétique étonnamment puissant ayant montré une forte et brève activité en lumière visible.

Le candidat le plus probable pour cet objet mystérieux est un "magnetar" situé dans notre propre galaxie de la Voie lactée à environ 15 000 années-lumière en direction de la constellation du Petit Renard. Les magnetars sont de jeunes étoiles à neutrons possédant un champ magnétique un milliard de milliard de fois plus fort que celui de la Terre.


- Les noeuds de lumière de monsieur Hopf

Deux physiciens de la célèbre université de Santa-Barbara sont parvenus à une bien étrange conclusion en partant des travaux d'un des grands mathématiciens à l'origine de la topologie, Heinz Hopf. Les équations de Maxwell gouvernant les phénomènes électromagnétiques autoriseraient la formation de véritables nœuds de lumière !

Ils exposent une conclusion surprenante, issue d'une analyse mathématique profonde des célèbres équations du champ électromagnétique, découverte vers 1865 par James Clerk Maxwell.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, ces équations possèdent des solutions correspondant à des faisceaux de lumière s'entrelaçant pour former des séries d'anneaux complexes ressemblant aux anneaux olympiques. En réalité, ce sont les lignes de champs électriques et magnétiques qui adoptent ce genre de configurations stupéfiantes.

Tout comme les récents travaux sur l'invisibilité, eux aussi basés sur une analyse puissante des équations de Maxwell, ce résultat magique prouve que même dans des domaines apparemment bien défrichés, nous ne sommes pas à l'abri de magnifiques surprises...

- Des supraconducteurs magnétiques

Le transport du courant électrique dans un conducteur est associé au déplacement des électrons. Les collisions entre ceux-ci et les ions du cristal causent de la résistance et libèrent de la chaleur. Dans les supraconducteurs à basse température, les électrons s'assemblent par paire, ce qui leur permet, grâce à la mécanique quantique, de synchroniser leur mouvement avec celui des atomes et d'occuper le même état quantique. Alors que les électrons dans l'état normal peuvent être vus comme des marcheurs sur une place publique à l'heure de pointe, dans l'état supraconducteur, les paires d'électrons sont comme des couples des danseurs qui tournent ensemble, sans collision, au rythme de la musique.

L'électron a une charge mais aussi, comme un minuscule aimant, un moment magnétique qu'on appelle «spin». Dans le supraconducteur, les paires d'électrons sont formées d'électrons de spin opposé, ce qui annule le moment magnétique du couple. Lorsqu'on place le matériau dans un fort champ magnétique, on force les spins à s'orienter selon le champ. Habituellement, ce renversement brutal brise les paires et détruit la supraconductivité. De nouvelles façons de voir suggèrent toutefois que ce n'est pas nécessaire; si la supraconductivité et le magnétisme tendent à s'éviter, ils ne s'excluent pas toujours. Selon Michel Kenzelmann, «la supraconductivité et le magnétisme sont comme deux groupes de prédateurs qui luttent pour le même territoire.»

Dans l'expérience rapportée dans la revue Science, les scientifiques ont refroidi un monocristal de CeCoIn5, un métal composé de cérium, de cobalt et d'indium, à une température de moins 273,1 degrés, une température près du zéro absolu. À leur grand étonnement, ils ont alors découvert que le magnétisme et la supraconductivité coexistent et disparaissent en même temps lorsqu'ils chauffent l'échantillon.

Cette découverte est extraordinaire: l'ordre magnétique existe exclusivement quand cet échantillon est dans l'état supraconducteur. Dans ce cas unique, magnétisme et supraconductivité ne se concurrencent pas. C'est plutôt la supraconductivité qui génère l'ordre magnétique.

- Des GPS pour naviguer dans le système solaire

Un juriste spécialiste de l'espace propose d'installer des émetteurs de type GPS sur un grand nombre de corps du système solaire, de la Lune jusqu'aux astéroïdes, pour bâtir un système de navigation spatial. Précisément décrit, son système ne manque pas d'idées.




Brèves du mois : physique - climat - biologie - santé - technologies

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