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Nouvelles de la vie (12/08)

Le 1er  décembre 2008 par Jean Zin


-  L’intelligence de l’homme due à des neurones plus performants
-  La polyvalence insoupçonnée de nos gènes
-  Chez les Homo erectus, les bébés avaient déjà la grosse tête
-  Vers une interdiction de la recherche sur les grands singes ?
-  Triplement du nombre d’espèces menacées au Brésil
-  Premier clonage réussi de souris congelées !
-  L’ADN du mammouth laineux reconstitué
-  Les premières tortues sans carapace ?
-  Les fourmis stériles sont moins agressives
-  Plus il fait chaud, plus les tiques s’attaquent à l’homme


Brèves du mois : physique - climat - biologie - santé - technologies

Revue des sciences 12/08



évolution, génétique, biodiversité, éthologie, anthropologie, neurologie



- L'intelligence de l'homme due à des neurones plus performants

D'autres animaux pouvant épisodiquement se servir d'outils primitifs, on a pu attribuer avec quelques raisons l'humanité de l'homme au langage mais aussi au développement de ses neurones miroirs, à sa néoténie ou tout simplement à ses capacités cognitives, largement sociales, imputées en général au néocortex alors que nous devrions peut-être nos performances à de nouveaux types de neurones, avec amplification du signal et connectivité multipliée, qui nous seraient vraiment spécifiques et augmenteraient radicalement la rapidité de traitement et la capacité de faire des liens entre phénomènes. C'est un changement important de point de vue, qui exige donc confirmation mais pourrait avoir une grande portée.

Lorsque la chercheuse calcule la valeur relative, c'est-à-dire le pourcentage du néocortex frontal par rapport à la totalité des hémisphères, l'homme tombe de son piédestal. Son néocortex préfrontal occupe entre 36,4% et 39,3% du volume cérébral total, chiffre comparable à ceux calculés chez les orangs-outangs (36,6 à 38,7%) ou chez les gorilles (35 à 36,9%) ! L'homme n'a donc pas un néocortex frontal surdimensionné, comme on l'a longtemps dit et répété. «Les capacités cognitives humaines couramment attribuées à un «avantage frontal» seraient plutôt dues à deux autres facteurs, estime l'anthropologue, des différences microstructurelles des zones corticales et une interconnectivité plus riche

Pour 177 cellules pyramidales, un seul message entrant déclenche, par une réaction en chaîne, l'excitation d'une centaine de neurones ! Un phénomène jamais observé chez un mammifère.

Autrement dit, il existerait des supercellules pyramidales capables de déclencher une avalanche de réactions à partir d'une seule stimulation, faisant du néocortex une machine ultra-efficace. «Cette propriété n'a été retrouvée, pour le moment, ni dans les cellules de rat, ni chez le singe», affirme Gabor Tamas. Ce serait une propriété intrinsèque des microcircuits humains, mise en évidence surtout dans les échantillons provenant de la zone frontale du néocortex

«Il semble qu'elle amplifie le signal entrant. Elle aide ainsi le cortex à transmettre les plus longues séquences d'information. Elle a une voix très forte, si elle a quelque chose à dire, tout le monde l'entend !»

«Notre modèle montre que c'est la vitesse de transmission entre ces régions qui peut faire une différence cruciale entre deux cerveaux».

Les participants ayant obtenu les plus hauts scores de réussite ont utilisé le moins d'énergie pour leur cerveau. Comme si les meilleurs cerveaux étaient les plus économes.

- La polyvalence insoupçonnée de nos gènes

Encore de quoi remettre en cause profondément notre compréhension de la génétique, même s'il n'y a rien de vraiment neuf en dehors de l'ampleur de ce qu'on appelle l'épissage alternatif qui augmente considérablement la complexité génétique et semble condamner les approches réductionnistes. Les traitements génétiques se révèlent malgré tout efficaces pour corriger certains défauts génétiques, mais c'est la maîtrise des OGM qui en dévient beaucoup plus problématique. Dans le vivant, on ne peut juger que par le résultat qui seul compte.

Plus de neuf gènes sur dix seraient capables de produire des protéines distinctes aux rôles différents voire antagonistes. Leur expression varie d'un tissu à l'autre et même d'une personne à l'autre. Appelé épissage alternatif, ce phénomène était déjà connu, mais son ampleur inattendue vient d'être révélée par le travail de deux équipes américaines.

Chez les eucaryotes, les gènes sont interrompus par d'étranges séquences, les introns, qui ne contiennent pas d'informations sur la protéine à fabriquer. Les parties codantes, appelées exons, doivent être raboutées au moment de la lecture du gène par un mécanisme dit d'épissage. Une longue molécule d'ARN messager vient alors copier l'intégralité du gène, sans tenir compte des introns.

Il est apparu que, durant cette opération, la copie produite n'était pas toujours la même. Il arrive en effet qu'un petit morceau de code, inclus dans les exons, ne soit pas copié sur l'ARN messager. La protéine résultante est donc différente. C'est l'épissage alternatif, un mécanisme sous le contrôle d'un ensemble de molécules appelé spliceosome (en anglais, splice signifie épissage). Ces protéines sœurs, issues d'un même gène par des voies différentes, sont des isoformes.

Les généticiens ont d'abord pensé que le phénomène était rare. L'équipe américaine affirme que nous en sommes à 94%. Le joli mécanisme découvert chez les bactéries, par lequel un gène d'un seul tenant donne à chaque lecture la même protéine, n'est donc plus, chez un mammifère comme l'être humain, qu'une exception marginale...

Les chercheurs ont montré que la nature des isoformes produites dépend fortement du tissu. Ainsi, un même gène ne donnera pas la même protéine selon qu'il est présent dans une cellule du cerveau ou d'un muscle. Les effets de deux isoformes peuvent être très différents, voire contraires comme le soulignent les auteurs américains. Dans un même tissu, les isoformes peuvent changer au fil du développement embryonnaire et de la progression de la différenciation des cellules. Enfin dans une tumeur cancéreuse, les isoformes peuvent aussi être différentes de celles des cellules du tissu originel.

- Chez les Homo erectus, les bébés avaient déjà la grosse tête

D'après la forme du pelvis fossilisé vieux de 1,2 millions d'années découvert en 2001 en Ethiopie, des chercheurs affirment aujourd'hui que les femmes Homo erectus mettaient au monde des bébés qui avaient déjà une grosse tête.

La croissance du cerveau pendant la gestation serait ainsi comparable à celle des hommes actuels mais la croissance post-natale serait plus proche de celle des chimpanzés (le cerveau adulte des H. erectus étant plus petit que celui des H. sapiens).

Ces observations signifient que le développement d'humains dotés de gros cerveaux étaient déjà bien en place il y a 1,2 million d'années. Cela ne veut pas dire pour autant que l'enfance des Homo erectus était comparable à la nôtre. Différentes études, notamment de la croissance des dents, ont montré que ces ancêtres atteignaient beaucoup plus tôt la maturité et l'âge de la reproduction (estimé vers 15 ans) que les humains actuels (19,3 ans).

D'après l'étude du jeune sapiens découvert à Jebel Irhoud (Maroc), on estime par ailleurs que les hommes modernes qui vivait il y a 160.000 ans connaissaient une longue enfance comparable à la nôtre. Les chercheurs estiment donc globalement que le tournant s'est produit il y a entre 800.000 et 200.000 ans, à un moment où les avantages d'une enfance prolongée, permettant un développement plus important du cerveau, l'ont emporté sur les risques de cette période de fragilité et de dépendance aux adultes et sur les inconvénients d'une reproduction plus tardive.

Voir aussi Futura-Sciences.

- Vers une interdiction de la recherche sur les grands singes ?

Selon la proposition présentée cette semaine par la Commission européenne, les recherches sur les grands singes ne seront autorisées que si elles ont pour but la préservation de ces espèces en danger ou si une menace lourde de type pandémie de grippe menace la population et que rien ne peut remplacer des tests sur les grands singes.

La proposition de directive souhaite par ailleurs en finir progressivement avec la capture de primates à l'état sauvage et recommande donc de mener les recherches sur des animaux nés en captivité.

En Allemagne, un chercheur spécialisé en neurosciences risque de devoir arrêter ses recherches sur les macaques: Andreas Kreiter a appris le 15 octobre que sa licence -qui s'achève le 30 novembre- ne sera pas renouvelée par les autorités locales de Brême. L'année dernière le parlement local avait voté pour demander à l'Etat d'interdire les recherches de Kreiter. Ses travaux consistent à enregistrer l'activité des neurones des macaques lorsqu'ils exécutent des tâches précises.

- Triplement du nombre d'espèces menacées au Brésil

Progression de la déforestation de 2002 à 2008 :

627 espèces animales sont en voie de disparition au Brésil, soit trois fois plus qu'il y a quinze ans.

Parmi toutes ces 627 espèces, on dénombre 69 mammifères, 160 oiseaux, 20 reptiles, 16 amphibiens, 154 poissons et 208 invertébrés.


- Premier clonage réussi de souris congelées !

Une équipe japonaise a obtenu des clones de souris à partir d'animaux morts et congelés depuis une semaine, un mois... et 16 ans. La technique est nouvelle et prometteuse, d'autant que ces souris avaient été congelées sans traitement cryoprotecteur.

Les scientifiques ont utilisé plusieurs organes donneurs. Curieusement, les meilleurs résultats ont été obtenus avec les neurones. Aucune explication certaine n'est donnée mais les chercheurs avancent l'idée que les neurones résistent mieux à la congélation grâce à leur richesse en glucose.

Ce premier clonage à partir de tissus morts est un espoir de faire revenir à la vie une espèce disparue. Mais il reste mince car il faudra alors trouver une mère porteuse et le matériel génétique doit être intact. Ce n'est jamais le cas pour des organismes fossilisés ou même naturellement congelés dans le pergélisol, comme les mammouths. On peut aussi imaginer congeler dès maintenant des animaux d'espèces en voie de disparition.

- L'ADN du mammouth laineux reconstitué à 80%

Pour la première fois le matériel génétique d'un animal disparu a pu être reconstitué. Une première étape vers une possible (mais encore improbable) renaissance.

Ce matériel a pu être rassemblé, par une équipe internationale, à partir de plusieurs échantillons d'ADN extraits de poils de mammouths préservés dans le pergélisol. Bien qu'il y ait encore des pièces manquantes, Stephen Schuster (Pennsylvania State University, USA) et ses collègues sont convaincus que la séquence reconstituée du mammouth laineux est d'environ 80%.

Cet ADN nucléaire contient l'intégralité des informations nécessaires à la «fabrication» d'un mammouth. En théorie, du moins. Nature publie d'ailleurs une sorte de «recette» décrivant les étapes de la procédure à accomplir pour donner naissance à un mammouth viable. Si certaines semblent actuellement hors de portée technique (reconstruction synthétique de chromosomes, fécondation d'un ovule d'éléphant...), elles pourraient être envisageables demain.

Voir aussi Futura-Sciences.

- Les premières tortues sans carapace ?

Elle n'a pas de carapace mais possède déjà une structure osseuse qui rigidifie son ventre ; elle n'a pas de bouche en forme de bec comme les tortues actuelles mais une jolie rangée de dents. Agée de 220 millions d‘années, Odontochelys semistestacea -littéralement tortue à dents et à demi-carapace- est le plus ancien fossile connu apparenté aux tortues. Découvert dans le sud-ouest de la Chine, dans des sédiments marins datant de la fin du Trias, ce fossile a des caractères primitifs, comme ses dents et sa longue queue, qui pourrait en faire un ancêtre très ancien, un nouveau point de repère de l'évolution des tortues.

Selon Xiao-chun Wu, paléontologue au Muséum d'Ottawa (Canada), et ses collègues, le plastron, la partie rigide sous le ventre, les aurait protégées des prédateurs attaquant par en-dessous. La carapace supérieure et sa structure osseuse n'aurait évolué qu'ensuite, comme on l'observe aujourd'hui au cours du développement embryonnaires des tortues.

- Les fourmis stériles sont moins agressives

Alors que les fourmis les plus primitives peuvent se reproduire, ce qui crée des conflits avec la reine et leurs congénères, les fourmis les plus évoluées sont stériles ce qui réduit les conflits et permet des colonies beaucoup plus nombreuses. Un tel contrôle de la fertilité pourrait se retrouver dans d'autres espèces (y compris les humains où la fertilité pourrait baisser en fonction de la densité de la population) mais prouve surtout que la sélection naturelle n'opère pas tant au niveau de l'individu que du groupe ou de l'espèce, ce que Darwin avait déjà remarqué bien que cela semblait fragiliser sa théorie des mutations individuelles, ce qui n'est pas le cas mais entraîne notamment que la vieillesse, succédant à la transmission de ses gènes n'est pas pour autant laissée au pur aléatoire mais est assez finement contrôlée génétiquement, par sélection de groupe sur sa viabilité à long terme. Sinon la relation entre sexualité et agressivité n'est pas nouvelle en soi mais aurions-nous une plus grande sociabilité sans sexualité ?

"Les différentes espèces de fourmis présentent des niveaux différents de cette 'contrainte de reproduction', et nous croyons que ces niveaux fournissent une mesure du degré d'eusocialité de la colonie. Moins les ouvrières se reproduisent, plus les groupes deviennent unis."

L'existence de castes de fourmis stériles tourmentait Charles Darwin lorsqu'il a formulé sa théorie de la sélection naturelle, et il les a décrites comme la "seule difficulté particulière qui, à prime abord, m'est apparue insurmontable, et en fait fatale pour ma théorie". Si l'évolution adaptative s'effectue grâce à la survie différentielle des individus, comment des individus incapables de transmettre leurs gênes peuvent-ils évoluer et persister?

Darwin suggérait que, dans le cas des colonies de fourmis, la sélection naturelle ne s'applique pas uniquement à l'individu, parce que l'individu ne profiterait jamais de l'élimination de ses propres capacités de reproduction, mais aussi à la famille ou au groupe.

- Plus il fait chaud, plus les tiques s'attaquent à l'homme

En avril et mai 2007, printemps le plus chaud depuis 50 ans en France, une petite épidémie de rickettsiose a été rapportée dans le sud de la France. De même, pendant les étés très chauds en 2003 et 2005, les cas de fièvre boutonneuse ont augmenté. Didier Raoult et ses collègues ont vérifié expérimentalement l'effet de la hausse des températures sur la tique brune : à 25°C, elle préfère piquer les chiens, à 40°C elle montre une nette affinité pour l'homme. C'est sur la tique immature que la chaleur a le plus d'effet : or à ce stade elle ne démange pas encore et peut donc s'accrocher à la peau sans être remarquée.





Brèves du mois : physique - climat - biologie - santé - technologies

Revue des sciences 12/08