Dossiers

Jacques Robin


Hommage à Jacques

par Joël de Rosnay

Jacques vient de nous quitter, mais il restera toujours parmi nous, dans notre groupe, dans nos pensées, dans nos actions. Jacques Robin était un être hors du commun. Non seulement visionnaire, humaniste, engagé dans la vie de la société, mais aussi et surtout un homme chaleureux, pétri d’émotion, de sensibilité et qui savait faire rayonner autour de lui respect, admiration et sens profond pour les êtres et pour la vie.

On connaît sa carrière atypique. Industriel politiquement engagé, européen convaincu, créateur d’associations, homme de réflexion, écrivain, président d’organismes associatifs et de centres d’études. Certes, il a été tout cela, mais pour moi, le Jacques Robin que j’ai connu, dès la fin des années 70 dans le Groupe des Dix qu’il avait créé, était un « passeur » de connaissances, un « catalyseur » d’intelligence collective, un « inspirateur » qui savait détecter les talents et conduire ceux qui travaillaient avec lui à aller jusqu’au bout d’eux-mêmes, propulsés par son intelligence, son exigence et par la confiance qu’il mettait en nous. Inspirateur et animateur du Groupe des Dix, Jacques n’a jamais cessé d’aiguillonner les réflexions des membres de ce groupe : scientifiques, politiques, philosophes, médecins, grands chercheurs... Grâce à lui, de nombreux livres sont nés des échanges croisés et des réflexions communes qui ont constitué la base du fonctionnement de ce groupe divers, fait de personnalités complémentaires. Une véritable mine de créativité et d’inspiration pour beaucoup d’entre nous, capables de confronter nos idées à celles des autres, grâce à la motivation que Jacques savait faire naître et maintenir pour l’ensemble des participants

C’est surtout de l’homme dont je voudrais maintenant parler car il a influencé ma vie de responsable scientifique et aussi d’écrivain. Je voudrais personnaliser l’influence profonde et durable de Jacques par ces cinq expressions : l’écoute, l’ouverture, la tolérance, l’anticipation et la synthèse.

L’écoute : Jacques a su intégrer les informations que chacun d’entre nous était capable de lui apporter dans nos disciplines, dans nos métiers. Il avait du respect pour les idées et contribuait aux débats par une critique constructive, jamais condescendante. Il ne parlait pas en expert, en professionnels de la médecine ou de l’industrie pharmaceutique, voire du monde politique qu’il connaissait si bien. Il savait tenir la place de celui qui souhaite aller plus loin avec les autres. Il était aussi une source d’informations d’une densité telle que je me demandais souvent comment il faisait pour lire tant de livres, d’articles de journaux, pour regarder tant d’émissions de télévision ou d’écouter la radio, sans avoir besoin d’utiliser des moteurs de recherche sur Internet, des newsletters d’information sélective ou des journaux citoyens. Certes, il utilisait Internet, surtout au cours de ces dernières années, principalement pour la messagerie, mais pas tant pour s’informer. Et pourtant à chaque réunion individuelle ou collective il posait régulièrement ce type de questions « Que pensez vous de l’article de tel scientifique ou philosophe ? », « Quels sont vos commentaires sur la déclaration de tel homme ou femme politique ? ». « Voilà ce que j’ai lu et la lettre ouverte que je compte envoyer au journal Le Monde à ce sujet ». Et puis il nous tendait un livre, annoté à toutes les pages, qui venait évidemment de sortir et dont nous n’avions pas encore entendu parler, sur la psychologie des comportements, l’évolution biologique, les nanotechnologies, le développement durable ou la société de l’information. « Tu connais cet auteur ? Qu’est-ce que tu en penses ? ». Alors que je croyais être bien informé, je restais souvent stupéfait par ses connaissances, repartant d’ailleurs avec le livre généreusement offert et qu’il me laissait emporter pour le lire à tête reposée. Tout en attendant, bien entendu, mes commentaires par téléphone ou email !

L’ouverture. Tous les sujets le passionnaient. Quand il ne comprenait pas bien certains développements scientifiques récents, notamment sur la biologie de synthèse ou les cellules embryonnaires, Il me téléphonait pour me demander de lui expliquer les termes compliqués. Et aussitôt, quand il avait compris, il ajoutait ses informations personnelles, sa vision humaniste, puis il rediffusait cette information dans son réseau, vers ses autres correspondants habituels, sur lesquels il testait ses idées ou ses réactions. Jacques a toujours fait preuve d’une grande ouverture d’esprit à la transdisciplinarité, à la systémique, à la relation entre les évolutions anthropologiques, politiques et sociales. Il était souvent exaspéré par le manque d’ouverture des politiques traditionnels face aux développements scientifiques, techniques et écologiques. Et, en même temps, sidéré par le manque de réactions de ces grands décideurs sur les urgences planétaires concernant l’énergie et l’information.

La tolérance. C’était une des qualités premières de Jacques Robin. Aucune idée à rejeter. Aucune expression, même virulente parfois, hors de son contexte, ou abrupte, ne devait être négligée, voire même sous-estimée. Sur le plan philosophique, religieux, politique et même idéologique, chaque réflexion avait sa place, au plan humain, national ou international. Certes il s’opposait à toutes les formes d’intégrisme scientifique ou religieux. Certes, il combattait les idées reçues, la suffisance, la culture des « cultivés », stérile, où le paraître l’emporte sur l’être. Mais il était toujours constructif, nous aidant à surmonter les oppositions. Non pour trouver des consensus mous ou quelques formas de syncrétisme vide, mais plutôt pour définir des nouvelles voies d’exploration en commun sur les grands thèmes de société et les tendances scientifiques majeures de notre époque.

L’anticipation. Comme Gaston Berger, Jacques Robin était un vrai prospectiviste. En tant qu’industriel et politique il a toujours su réfléchir au long terme. A penser le monde de demain. A l’impact des sciences et technologies sur l’homme, les entreprises et la société. Il a inspiré nombre de conférences ou chapitres de nos livres. La prospective de Jacques était pragmatique, concrète, constructive. Loin des théories des experts manipulant les simulations sur ordinateur il se concentrait toujours sur l’humain, le lien social, la valeur ajoutée naissant de la relation humaine et de la connaissance plutôt que sur la seule croissance matérielle destructrice de l’environnement. Il avait compris l’importance de la société de l’information relayant la société de l’énergie. Il commençait souvent ses interventions par la description de la lente évolution de l’homme pour assurer sa propre survie grâce à l’agriculture, puis la conquête accélérée de l’espace matériel et immatériel, suite à l’exploitation incontrôlée des ressources énergétiques et du développement des moyens de communication. Il a su exprimer de manière brillante ces idées dans le livre qu’il a publié avec Laurence Baranski : « l’Urgence de la métamorphose ».

La synthèse. L’esprit de Jacques était clair. Il savait penser intelligemment l’interdépendance des grands sujets, s’imbriquant dans plusieurs dimensions. Il avait une capacité hors du commun à relier des niveaux de complexité généralement maintenus séparés par les spécialistes. Entre la complexité du vivant, celle de l’écosystème ou du système économique, par exemple. Il nous incitait à aller explorer ces chemins désertés par beaucoup de philosophes et, en tout cas, par les politiques. Quant deux ou trois personnes s’exprimaient, soit dans le cadre du Groupe des Dix, soit dans le cadre de réunions du Grit-Transversales, il aimait particulièrement relever des points de vue différents et faire la synthèse des thèmes proposés afin d’aller plus loin, en prévision d’un article collectif, d’une conférence débat, ou peut-être du chapitre d’un nouveau livre.

Jacques est parti. Mais les groupes, les associations et les réseaux qu’il a créés demeurent et vivent. Les liens tissés entre nous, grâce à lui, sont très forts. Sa pensée continuera à se développer et à s’enrichir à travers nos réflexions, nos échanges, nos actions. Passeur, catalyseur, relieur, éclaireur : merci Jacques de nous avoir montré le chemin. Nous allons continuer sur les voies que tu as tracées.



Jacques Robin

le 19 août 2007  par Edgar Morin

Jacques Robin, né en 1919, nous a quitté le 7juillet 2007.

Il fut un des êtres remarquables qui donne confiance en l’humanité. Comme a dit Hervé Serieyx « c’est merveilleux une vie aussi justifiée que celle de Jacques ».

Il fut à la fois, inséparablement un esprit interrogatif et un authentique citoyen de la planète terre, militant de la cause de l’humanité.

Esprit interrogatif, il fut, à partir de sa formation médicale et de son souci politique, spontanément porté à questionner notre destin.. Il mit en pratique la formule de Heidegger « questionner fait voler en éclats la mise en boîte des sciences dans des disciplines séparées ». Son questionnement l’amena à consacrer sa vie à chercher l’intelligibilité et la compréhension dans la confrontation et la reliance entre les savoirs disciplinaires.

C’est dans ce sens qu’il créa en 1967 le groupe des dix, avec Robert Buron, Henri Laborit, le cybernéticien Jacques Sauvan, le psychanalyste Jack Baillet, l’économiste René Passet, moi-même, et à ce groupe participèrent diversement Henri Atlan, Joël de Rosnay, Jacques Attali, Michel Rocard, et bien d’autres. Les rencontres mensuelles du groupe étaient suivies avec passion par ses participants. Ils avaient le bonheur de s’entr’enseigner les uns les autres, et de féconder leurs savoirs dans l’échange. Le projet à l’origine naïf de donner à la politique une base scientifique se mua en une réflexion itinérante sur les sciences et sur les grands problèmes historiques de notre temps. Les activités du groupe s’achevèrent en 1976, non par étiolement, mais parce que Jacques quitta son appartement en se séparant de son épouse. Le contact resta très présent et très vivifiant entre les membres du groupe.Par la suite Jacques Robin continua son œuvre de rassembleur et communicateur : il fonda le Cesta en 1982 ; puis le GRIT (groupe de réflexion inter et transdisciplinaire) et il fut l’animateur de Transversales Science culture, dont le titre exprime bien la mission, et qui publia un bulletin, organisa de multiples colloques et réunions.

Le développement de ses connaissances l’amena à comprendre que selon l’expression du président Correa (Equateur) nous sommes beaucoup plus à la charnière d’un changement d’époque qu’à une époque de changements. Convaincu que l’essor de l’informatique contribuait puissamment à « changer d’ère », c’est sous ce titre qu’il publie en 1989 (Seuil) un livre où il évoque les transformations multidimensionnelles en même temps que les menaces de plus en plus globales qui pèsent sur la planète.IL reprend et amplifie la problématique dans le livre qu’il rédige avec Laurence Baranski « l’urgence de la métamorphose » (Des idées et des hommes 2007) où ils examinent les diverses mutations en cours (démographiques, écologiques, techniques et aussi la mutation de vie). Ils arrivent à la conclusion que la transformation personnelle et la transformation sociale sont irréductiblement liées.

Jacques Robin a gardé jusqu’à sa fin son enthousiasme juvénile. Il s’émerveillait des travaux et livres qui indiquaient quelque innovation féconde dans la connaissance ou la société, et il s’empressait de communiquer ses découvertes à ses amis. Sa générosité intellectuelle était sans bornes : il aimait disséminer ses connaissances et ses vérités d’homme de cœur et d’espérance. Le mot d’humanisme a été décrié dans les obscures années structuralistes où avaient disparu le sujet et l’histoire. Quel beau mot pourtant qui signifie le souci de l’humain autant individuel que social et planétaire et qui dans toute sa plénitude a été assumé par Jacques Robin.

Edgar Morin

Article publié dans Le Monde du 18 août.


Bibliographie

le 17 août 2007  par Rédaction Transversales


-  Avenir de la médecine en France, (en collaboration avec B. Desplas), Delta Hachette, 1950

-  De la croissance économique au développement humain, Editions du Seuil, 1975

-  Le jaillissement des biotechnologies (dir. Pierre Darbon et Jacques Robin), Fayard, 1987

-  Changer d’ère, Editions du Seuil, 1989

-  Garantir le revenu livre collectif (coordination Gilles Gantelet, Jean-Paul Maréchal), introduit et conclu par Jacques Robin, Editeur GRIT, 1992

-  Quand le travail quitte la société post-industrielle, la mutation technologique méconnue, Editeur GRIT, 1996

-  Quand le travail quitte la société post-industrielle, le travail à l’épreuve des transformations socio-culturelles, Editeur GRIT, 1997

-  Sortir de l’économisme, une alternative au capitalisme néolibéral (dir. Philippe Merlant, René Passet, Jacques Robin), Editions de l’Atelier, 2003

-  L’urgence de la métamorphose, (avec Laurence Baranski, préface de René Passet, postface d’Edgar Morin), Editions Des Idées et Des Hommes, 2007


Un livre précurseur

le 3 août 2007  par Rédaction Transversales

Bien avant "Changer d’ère" (1989) qui reste d’une brûlante actualité, c’est dès 1975 que Jacques Robin se révélait un précurseur de l’écologie-politique avec "DE LA CROISSANCE ECONOMIQUE AU DEVELOPPEMENT HUMAIN" où il esquissait les principaux thèmes qui sont encore ceux du GRIT aujourd’hui, avec de très nombreuses mesures pratiques dont une bonne part restent aussi pertinentes plus de 30 ans après !

Nous avons mis un extrait de la préface de René Passet ainsi que la conclusion du livre (L’homme, l’espèce, et l’écosystème associé) en ligne à cette adresse :

http://grit-transversales.org/artic...

Les lignes de force de la société planétaire

1. Une stratégie à l’échelle du globe

2. La biologie et la société planétaire
-  la diversification des environnements,
-  le respect des rythmes biologiques,
-  et la limitation des situations hiérarchiques.

Le contrôle de la réorientation économique.

1. Des concepts à repenser.

Tout est à repenser dans les domaines, notamment, de la comptabilisation économique, du profit, de la liaison plan-marché, de la propriété et des finalités de gestion de l’entreprise.

2. Des entreprises à réformer.

3. Des questions brûlantes.
-  Quelle attitude adopter vis-à-vis des firmes multinationales ?
-  La progression vers la société planétaire nécessite-t-elle un ralentissement de la croissance économique dans les pays industrialisés, même en dehors de l’évolution de la crise actuelle ?
-  Comment équilibrer les relations entre les économies des nations industrielles et celles des pays sous-développés ?

4. Les niveaux d’organisation géographiques.

Le projet d’une civilisation nouvelle

1.L’éducation, clé de l’avenir

2. Pour la sauvegarde du monde futur

3. ... et pour sortir de l’impasse actuelle

Voies et moyens

C’est à une reconversion non seulement des forces de production et des rapports sociaux, mais de nos relations avec notre espèce et l’écosystème tout entier, que nous sommes appelés.

Pour conclure

Mais les faits sont têtus : faute d’en tenir compte, l’espèce humaine risquerait de ne reprendre sa marche vers la complexification qu’après de terribles épreuves.

Nos sociétés doivent faire plus que changer de dimension : elles ont à se reconvertir au développement d’une société planétaire, seule capable d’arbitrer entre les intérêts des sur- et des sous-développés, des individus et de l’espèce humaine, de cette espèce et de son écosystème tout entier.

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12 années de Transversales, 12 apports majeurs

le 2 août 2007  par Philippe Merlant

A l’occasion du dernier numéro de l’ancienne version, la revue transversales Sciences Cultures no 71 faisait le point des années passées.

A l’heure où Transversales Science Culture se transforme en revue trimestrielle et où son fondateur, Jacques Robin, passe le relais, un retour sur l’histoire de la Lettre s’impose. Une manière de montrer comment Transversales a su anticiper sur son époque, mais aussi traduire en actes ses avancées conceptuelles. Flash-back autour de douze idées clés.

La mutation informationnelle

Dès les premiers numéros, Jacques Robin souligne les caractéristiques de cette mutation et ses conséquences :
-  pour la première fois, les humains traitent la matière et les objets qu’ils fabriquent par l’intermédiaire de codes, de mémoires, de signaux, associés à des langages ;
-  les règles de l’échange des biens et services ne sont plus celles de l’économie énergétique ;
-  ces technologies se déploient en réseaux, elles bouleversent les notions de l’espace et du temps ;
-  couplée avec l’automatisation, l’informatisation permet de produire avec toujours moins de travail et de temps.

Pour mémoire

Survenant après les deux premières vagues des technologies informationnelles qui distribuent de moins en moins de pouvoir d’achat tout en produisant de plus en plus de richesses, la troisième vague risque d’entraîner les sociétés industrielles et post-industrielles vers l’implosion.” (Jacques Robin, éditorial, n° 30)

En action

• En 1996, Transversales impulse la création de Vecam, association de veille et de sensibilisation aux usages des NTIC, animée notamment par Véronique Kleck.

• Aujourd’hui, notre équipe travaille en étroite collaboration avec Place Publique, site Internet dédié aux initiatives citoyennes.

Le chaos et la pensée complexe

Empruntant aux idées d’Edgar Morin, Transversales promeut l’idée d’une “réforme de la pensée” qui répondrait à la complexité et à l’incertitude croissantes dans laquelle nous nous mouvons. Le n° 1 (janvier 1990) ouvre un débat sur le chaos, à la fois concept scientifique et nouveau regard sur les réalités économiques et sociales.

Pour mémoire

Ces pluralités de logiques, qui nous révèlent les interactions de la complexité de l’univers, sont un enrichissement. Les premières de ces logiques se bâtissaient sur un univers que l’on croyait construit. Les plus récentes s’adressent à un univers que nous savons en construction. Nous passons depuis deux ou trois décennies d’une “science des états” à une “science des processus” ; nous examinons du “devenir” plutôt que de “l’étant”, et le plus fécond reste à venir !” (Jacques Robin, “Un premier débat sur le chaos”, TSC n° 1)

La critique de la technoscience

Dès l’éditorial du n° 1, Jacques Robin rappelle que la technoscience “asservit de plus en plus à ses propres objectifs la science moderne”. Cette analyse sera précisée au fil des numéros. Transversales en souligne les effets pervers dans deux domaines cruciaux : celui de la “fabrique du vivant”, dans lequel Henri Atlan et Jacques Testart dénoncent rapidement les dérives du “tout-génétique” ; et celui de l’information, où Joël de Rosnay et Philippe Quéau pointent les dangers du “révisionnisme numérique”.

Pour mémoire

Dans la technoscience actuelle, non seulement la science est asservie à la technique, mais elles le sont l’une et l’autre à l’impératif catégorique de la société post-industrielle : maximiser la production, la consommation et l’information afin d’accumuler toujours plus de capital...” (Armand Petitjean et Jacques Robin, “La technoscience en question”, TSC n° 4)

Conscience et responsabilité

Dès ses premiers numéros, Transversales se penche sur les processus cognitifs et les découvertes concernant le fonctionnement du cerveau. Dans le n° 7, en exposant la théorie du “darwinisme neuronal” de Gérard Edelman, Armand Petitjean lance un débat sur la conscience : “Sans la conscience humaine, ni l’infini du monde, ni notre finitude n’auraient le moindre sens”. Trois numéros plus loin (juillet-août 1991), le même Armand Petitjean fait découvrir le philosophe allemand Hans Jonas et son Principe Responsabilité.

Pour mémoire

Que veut dire prendre conscience que nous sommes parvenus à une césure de l’histoire humaine, qu’un chapitre nouveau a commencé qui adresse des requêtes entièrement nouvelles à l’éthique ? Auparavant, l’éthique traitait des rapports à l’autre homme... A présent, nous avons une relation de responsabilité à l’égard de la nature.” (Hans Jonas, cité par Armand Petitjean, “Pour une éthique de la responsabilité”, TSC n° 10)

De l’écologie à l’écosophie

Dans l’édito du n° 1, Jacques Robin souligne que l’écologie fait émerger un défi majeur : “La biosphère, système complexe et autorégulé, ne peut être livré aux activités inconsidérées des humains sans une lourde menace sur les régulations de notre planète”. Le n° 4 distingue et approfondit les trois approches fondamentales de l’écologie : scientifique, politique et mentale. Et Félix Guattari propose une vision systémique de leur articulation : l’écosophie.

Pour mémoire

Une écosophie, c’est-à-dire une perspective incluant les dimensions éthiques et articulant entre elles l’ensemble des écologies scientifiques, politiques, environnementales, sociales et mentales, est peut-être appelée à se substituer aux vieilles idéologies qui sectorisaient de façon abusive le social, le privé et le civil, et qui étaient incapables d’établir des jonctions entre le politique, l’éthique et l’esthétique.” (Félix Guattari, “Vers une écosophie”, TSC n° 2)

En action

• En 1992, Transversales participe au sommet de Rio sur le développement durable.

• Depuis deux ans, notre équipe est associée aux Etats généraux de l’écologie politique (EGEP), initiative de partenariat entre les Verts français et les nouvelles forces civiques et sociales.

Travail et revenu

Dans le n° 10, René Passet plaide en faveur d’un “revenu européen de citoyenneté”. Une idée à laquelle André Gorz se rallie progressivement : dans le n° 25, il affirme qu’il n’y aura pas de dépassement de la société salariale “si la production de société durant le temps libre ne l’emporte pas sur celle du temps de travail payé, c’est-à-dire si le temps libre ne devient pas effectivement le temps social dominant qu’il est déjà virtuellement”.

Pour mémoire

S’agissant de la répartition, les formes actuelles du progrès technique interdisant d’en isoler la productivité propre à chaque facteur, ne permettent plus d’en faire la contrepartie de sa rémunération. La part du revenu social s’accroît ; celui-ci débouche sur la question du revenu garanti.” (René Passet, “Economie de ou avec marché ?”, TSC n° 8)

De la production de soi à la transformation personnelle

La remise en cause de la valeur-travail comme ciment du lien social fait surgir la question du temps libéré. Mais que faire de ce temps “si nous n’acceptons pas qu’il devienne temps vide ou temps marchandisé ?”, s’interroge Jacques Robin dans l’éditorial du n° 28. André Gorz et Roger Sue se penchent sur cette question de la “production de soi”. Progressivement, le débat s’élargit : face aux risques de marchandisation de tous les aspects de la vie humaine, Transversales affirme que la question de la transformation personnelle devient une question politique.

Pour mémoire

En nous ouvrant aux autres, à l’altérité sous toutes ses formes, nous répondons, autant qu’il est en nous, aux injonctions de la conscience qui, transcendant les individus, les cultures et les âges de notre histoire, oppose aux pulsions prédatrices de notre ego sa règle d’or : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”, nous dirions aujourd’hui : comme différent de toi.” (Armand Petitjean, “L’évangile d’Edgar Morin : oui à sa fraternité, non à sa perdition”, TSC n° 22)

En action

• En 2001, Transversales engage un travail sur l’articulation entre transformation personnelle et changement collectif.

Economie et monnaies plurielles

Dès le n° 1, l’éditorial de Jacques Robin annonce : “Le marché n’est qu’une composante de l’économie, à ne pas confondre avec la finalité que l’on veut nous “servir” avec le thème de “l’économie de marché”.” Le n° 36 pose la question des monnaies plurielles. Une question qui sera approfondie au fil des numéros, tout comme celle du tiers secteur d’utilité sociale et écologique, avec la collaboration régulière de Guy Aznar, Alain Caillé, Jean-Louis Laville, Roger Sue (co-auteurs, avec Jacques Robin, du livre Vers une économie plurielle, en 1997), Alain Lipietz et Dominique Méda.

Pour mémoire

L’incapacité du marché à répartir les richesses produites en abondance par la machine informatisée, la dérive de la monnaie en instrument de spéculation, la dégradation accélérée de l’environnement par l’industrialisation : tout montre que cette économie de marché qui s’étend sans cesse nous entraîne dans sa propre contradiction - jusqu’à sa perte ?” (Jacques Robin, éditorial, n° 27)

En action

• En 1995, Transversales appuie le lancement d’un “appel européen pour une citoyenneté et une économie plurielle” (AECEP).

• La revue est aujourd’hui associée au débat sur la richesse et les monnaies lancé autour de la mission de Patrick Viveret.

• Elle coorganise des rencontres-débats sur l’économie coopérative avec le CJDES (Centre des jeunes dirigeants et acteurs de l’économie sociale).

Europe : pour un projet de civilisation

Dans son édito du n° 1, Jacques Robin exprime sa préférence pour une Europe “conçue comme un acte pluriel” et capable de proposer “un projet de civilisation favorisant dans une citoyenneté européenne les diversités et les autonomies”. Au fil des ans, la revue affine sa vision d’une construction politique de l’Europe, seule capable de s’opposer à sa réduction au simple rôle de laboratoire du modèle néo-libéral.

Pour mémoire

Il ne tient qu’aux forces sociales et politiques qui mettent en avant la construction en Europe d’une société démocratique, sociale, écologique, responsable, de lutter en faveur de leurs objectifs : l’Union européenne prévue par le Traité ne ferme pas la porte à de tels projets ; faut-il qu’ils soient portés sans défaillance.” (Europe 99, “L’Union européenne, pour quoi faire ?, TSC n° 18)

En action

• En 1992, Transversales suscite la création d’Europe 99, associant œuvrant en faveur de la construction d’une citoyenneté européenne et animée notamment par Valérie Peugeot.

Un autre monde est possible

Dans le n° 11, Armand Petitjean souligne la nécessité d’ouvrir le Sommet de la Terre, organisé à Rio, à la voix des peuples du tiers-monde. Deux numéros plus tard, Jean Chesneaux souhaite que la société civile internationale en émergence s’affirme comme “force démocratique mondiale qui devrait participer à la gestion des affaires de la planète conjointement avec les Etats”. L’idée d’une “autre mondialisation” est en germe. Elle ne cessera de se préciser au fur et à mesure que la contestation de la mondialisation néo-libérale s’affirmera.

Pour mémoire

Il faudra plusieurs décennies pour “organiser” des conditions équitables des échanges entre grands ensembles géopolitiques dans une perspective de coopération mondiale et non de guerre économique. (...) Dans la complexité du monde actuel, uniformiser par le libre-échange ces ensembles, c’est enfoncer les pays les plus faibles et renforcer les plus forts.” (Jacques Robin, éditorial, n° 24)

En action

• Transversales figure parmi les fondateurs d’Attac et participe au Forum social mondial de Porto Alegre (janvier 2001, janvier 2002).

• En octobre 2001, la revue co-organise les Rencontres de Bled (Slovénie) en vue de mettre en place une instance éthique mondiale.

Pour une citoyenneté active

Dans le n° 6, Anne-Brigitte Kern s’interroge : “Où en sommes-nous de la démocratie ?”. Progressivement, Transversales souligne la nécessité d’une démocratie “plurielle”, associant à sa forme classique, représentative, des éléments de démocratie participative et délibérative. Ce renouveau suppose l’émergence d’une citoyenneté active, sur le plan local comme au niveau mondial, ainsi qu’une évolution de notre rapport au pouvoir.

Pour mémoire

Pour que les gens participent, il faut qu’ils aient la conviction, constamment vérifiée, que leur participation ou leur abstention feront une différence. Et cela n’est possible que s’il s’agit de participer à la prise de décision effective, qui affecte leur vie. (...) L’évolution technologique permettrait l’organisation de vastes débats publics auxquels les experts, contrôlés démocratiquement, soumettraient par exemple les options possibles, les arguments essentiels pour chacune, leurs implications et conséquences respectives.” (Cornelius Castoriadis, entretien avec Anne-Brigitte Kern, TSC n° 7)

En action

• A trois reprises (1991, 1993 et 1997), Transversales est associée aux Rencontres de Parthenay, organisées par le maire de la ville, Michel Hervé, sur la citoyenneté active.

• La revue est aussi à l’origine de l’appel “Pour une charte de la citoyenneté”, lancé le 20 octobre 1993.

Art et mutations

Dès sa création, la lettre affirme que sa “transversalité” ne réside pas seulement dans le décloisonnement des disciplines, mais concerne aussi le traditionnel clivage entre science et culture. Dans le n° 3, Anne-Brigitte Kern appelle de ses vœux de nouvelles rencontres entre artistes, scientifiques et techniciens. De numéro en numéro, Transversales tente de tisser une toile en ce sens. Jusqu’au n° 64 où Gérard Paquet affirme que “les artistes doivent être des passeurs, des défricheurs, des inventeurs de formes et de mondes”.

Pour mémoire

Une spécialisation de plus en plus poussée a tendu à séparer la science de la culture, séparation qui est la marque même de ce qu’on a appelé la “modernité” et qui n’a fait que concrétiser le clivage sujet-objet qui se trouve à l’origine de la science moderne. (...) La transdisciplinarité cherche à la dépasser en recomposant l’unité de la culture et en retrouvant le sens inhérent à la vie.” (communiqué final d’un colloque de l’Unesco, décembre 1991, cité par Basarab Nicolescu, “L’actualité et l’enjeu de la transdisciplinarité”, TSC n° 14)

En action

• Transversales travaille aujourd’hui en partenariat avec Mains d’œuvres, lieu associatif et culturel situé à Saint-Ouen (93).

• La revue suit également le projet “Planète émergences” initié par Gérard Paquet.


L’urgence de la métamorphose

le 30 juillet 2007  par Jacques Robin, Laurence Baranski

Ce dialogue marque la naissance de l’ouvrage L’urgence de la Métamorphose, dernière publication de Jacques Robin, co-écrit avec Laurence Baranski.

A travers ce livre, Jacques Robin souhaitait proposer aux lecteurs une synthèse actualisée de la pensée qu’il avait développée et enrichie tout au long de sa vie, à travers ses rencontres, ses échanges, ses lectures, ses actions et expériences. Il souhaitait que cet ultime témoignage soit un ouvrage de vulgarisation s’adressant au plus grand nombre puisque les décideurs et autres dirigeants restaient sourds à ses appels lucides et pragmatiques. Il espérait qu’en resituant l’ensemble des idées - qu’ils avaient agitées et nourries tout au long de ces années -, dans l’aventure de l’univers et de l’humanité, leur véritable ancrage et leur raison d’être, elles nous toucheraient avec plus de force. Et que nous prendrions véritablement conscience de l’urgente nécessité de transformer nos manières d’être et de faire ; que nous serions enfin prêts à revoir radicalement la manière dont nous concevons les activités humaines sur la Terre.

Voilà comment Jacques Robin présentait cet ouvrage lors de ses interventions publiques, au printemps 2007.

***

Expliquer l’urgence de la métamorphose

Les difficultés de notre intervention sont liées à deux facteurs :

-  d’une part le discours, inévitablement linéaire, s’oppose à notre pensée qui est complexe, transversale et transdisciplinaire, tout comme il s’oppose à la réalité, tissée d’interdépendances et de connexions multiples.

-  d’autre part, ma conviction se renforce qu’il nous faut inscrire la conscience humaine dans ce que nous pouvons nommer « l’aventure de l’univers ». Mais cette dernière représentation est extrêmement difficile à intégrer. Il nous est individuellement et collectivement difficile d’imaginer et de garder présent à l’esprit que nous évoluons en ce moment même dans un univers qui compte plus de mille milliards de galaxies, un univers constitué d’une énergie noire encore difficile à comprendre, avec des neutrinos, particules élémentaires, qui parviennent en permanence jusqu’à nous et nous traversent de manière incessante ; que dans cet infiniment grand et cet infiniment petit dont nous ignorons tout ou presque, nous ne sommes que les maillons d’une chaîne, celle de l’humanité, qui a débuté il y a des centaines de millions d’années.... ; et qu’il est de notre responsabilité de continuer à tisser cette chaîne pour offrir un futur à nos enfants et leurs descendants... Tentons pourtant cette explication.

Le constat dramatique

Dès qu’on observe les niveaux écologiques et sociaux de notre planète le constat est alors dramatique :
-  
au niveau écologique, le vivant présent sur la Terre, la planète elle-même et sa Biosphère se trouvent en danger mortel. Les équilibres climatiques sont rompus. De nombreux penseurs comme Ale Gore dans son film Une vérité qui dérange ou encore Nicolas Hulot dans son texte de la Fondation pour la nature et l’homme font part de façon irréfutable d’une dégradation rapide de la Planète Terre.

-  au niveau social les dégâts sont tout aussi importants. Les sociétés occidentales sont malades : la consommation des richesses est devenue l’objectif principal de la vie ; l’argent-roi domine ; la qualité de vie est rompue ; la marchandisation de toute chose et le profit immédiat prédominent dans nos actions.

-  au niveau sanitaire, l’aggravation des pandémies (en premier lieu le sida) ne cesse de s’étendre.

Bien plus, les structures économiques, sociales et culturelles actuelles des sociétés humaines les plus riches fabriquent la précarité et la pauvreté. Les déséquilibres se cessent alors de se creuser entre les possesseurs de revenus et les démunis.

Mais le plus grave est que la marche accélérée de nos sociétés vers toujours plus de Croissance quantitative (mesurée par le seul PIB) referme sur nous le piège le plus redoutable de notre époque : plus cette croissance est recherchée par les différents pays du monde, plus les transformations climatiques et les pollutions globales se développent avec l’aggravation de l’envoi de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. « L’économique », tel que nous le concevons aujourd’hui, détruit « l’écologique ». Il s’oppose au vivant. Il est mortifère. (et son coût, s’il est encore temps d’agir, est prééminent : si l’on voulait simplement stabiliser la situation en employant le même mode de production et de consommation d’aujourd’hui, l’économiste Nicholas Stern fixe à 5 500 milliards d’euros le prix à payer pour compenser la perte de richesse au réchauffement climatique.)

Face à ce constat, trois propositions

Avant de présenter ces propositions, il me paraît indispensable de revisiter l’aventure de l’humanité à partir d’une grille de lecture de l’évolution d’Homo Sapiens. Cette « grille » décrit succinctement les 3 ères au cours desquelles s’est successivement forgée sa situation d’aujourd’hui. Elle s’appuie sur le fait que les homo sapiens ont construit leur imaginaire symbolique et leurs organisations sociales en fonction de l’environnement matériel et naturel dans lequel ils vivaient, et de la manière dont ils pouvaient agir sur cet environnement. Elle met en évidence que notre univers symbolique d’aujourd’hui (sous-entendu la manière dont nous pouvons imaginer l’organisation de la société et notre rapport à la vie) est « en retard d’une ère » sur la manière dont il est possible de concevoir aujourd’hui les rapports entre les humains, et entre les humains et leur environnement. A l’heure de notre entrée dans l’ère de l’information, notre imaginaire est sous-développé.

Un préalable : intégrer la grille de lecture des 3 ères

L’émergence de l’homo sapiens a eu lieu il y a 300.000 à 400.000 ans. Trois ères se sont donc succédées :

-  d’abord l’ère de la survie et de l’adaptation ; pendant quelques 200.000 à 300.000 ans, Homo Sapiens acquiert un langage articulé, il développe son imagination et une pensée symbolique, il enterre ses morts et s’adapte progressivement à l’environnement ;

-  puis il y a 12.000 ans, après la dernière glaciation, grâce à sa maîtrise de sources de plus en plus puissantes d’énergie (de l’énergie musculaire à l’énergie nucléaire), Homo Sapiens développe un ère que l’on peut nommer l’ère de l’énergie. Il développe des moyens de se déplacer dans l’espace (les transports), et améliore de façon exceptionnelle son environnement au service de son confort. Cependant ces percées s’opèrent avec violence (les guerres pour gagner ou préserver les territoires) et créent d’immenses inégalités entre les possesseurs et les démunis de ces énergies. Les échanges et leur régulation prennent une place de plus en plus importante dans la vie quotidienne. C’est au cours de cette ère qu’émerge la société de marché

-  enfin il y a 50 ans seulement nous sommes entrés dans l’ère de l’information, ce dernier mot étant entendu comme « une grandeur physique maîtrisable » et non pas comme une simple communication entre les humains. En stockant et computant des données informationnelles, Homo Sapiens crée l’informatique, la robotique, les biotechnologies. Et nous voilà aujourd’hui inventeurs de produits comme l’internet, la téléphonie mobile, les nanotechnologies, la biologie de synthèse et la biométrie. Ces « produits » et les possibilités qu’ils offrent, tant d’un point de vue des relations entre les humains, que dans le champ médical ou scientifique, nous placent dans une situation inédite.

Mais il y a bien plus important : cette ère de l’information tourne le dos au processus de création et de répartition des richesses comme cela se produisait dans l’ère de l’énergie. Plaquer les mécanismes de l’économie de marché et son credo du « toujours plus », issue de l’ère énergétique, à l’ère de l’information, est une aberration et un non sens qui nous conduit à la catastrophe.

Trois propositions pour « un nouvel art de vivre » ensemble sur la planète

Première proposition : nous voici contraints de tourner radicalement dos à l’économie de marché.

René passet, qui signe avec générosité la préface de L’urgence de la métamorphose, le souligne depuis longtemps : notre système économique actuel est en contradiction totale avec « les lois » de la nature, ses régulations, et les conditions de ses équilibres. Il nous conduit à notre perte par épuisement des ressources naturelles, production de déchets envahissants, et du fait des effets pervers que l’ont voit apparaître sous forme de pollution en tous genres.

Nous devons réguler l’orientation que nous donnons à l’économie. Il s’agit d’instaurer une économie plurielle, afin de permettre des développements locaux ou par secteurs d’activité adaptés aux besoins réels des humains. Et il s’agit, dans le même temps, de fixer un revenu inconditionnel suffisant associé à la fixation d’un revenu maximum.

L’idée d’une telle économie plurielle, évidemment assortie de monnaies plurielles, nous place au cœur du problème :

-  d’une part cela nous conduit à créer de la monnaie, à la battre à des niveaux décentralisés selon des zones d’échanges locaux. Or les esprits des gouvernants, même ceux des plus favorables à la décentralisation, ne sont malheureusement pas encore prêts à envisager un tel niveau de décentralisation pourtant indispensable ;

-  d’autre part, un tel renversement suppose parallèlement une nouvelle appréciation des richesses (comme le propose depuis longtemps Patrick Viveret) avec des indicateurs qualitatifs (alphabétisme, santé, mesure du stress...) et non plus avec le seul PIB quantitatif qui mesure le « combien » et en aucune façon le « comment », « l’état » (sous-entendu des humains, des sociétés humaines, et de leur environnement)

Ces propositions économiques relèvent d’un « réformisme radical », tel que le formulent René Passet et André Gorz. Appliquées dans l’ère de l’information (qui est aussi celle de la possibilité de reproduction des biens à des coûts très faibles, de création de richesse en utilisant des modes de créativité immatérielle qui n’utilise qu’une quantité minime de labeur et optimise l’intelligence collective...) elles nous orientent vers une économie de la gratuité. Mais cette idée heurte toujours de nombreux esprits pour qui la gratuité est synonyme de « sans valeur »...

La deuxième proposition est culturelle

Cette proposition passe d’abord par la reconnaissance et le respect des diverses humanités. Elle propose un nouvel « art de vivre » dans lequel le partage et l’écoute des autres conduisent à une recherche permanente de la non-puissance et à la curiosité en action de toute connaissance.

Elle suppose l’abandon de la concurrence acharnée permanente qui secrète tous les comportements hiérarchiques agressifs et irrespectueux.

Elle suppose également d’apprendre à dissocier les notions de travail et d’activité au quotidien.

Cette proposition invite à l’utopie fraternelle, à la jubilation et même à la contemplation. Bien entendu, elle s’oppose par là à la violence qui grandit partout dans le monde attisée par des conduites religieuses et patriotiques inconsidérées.

La reconnaissance et l’expression de nos diversités ne pourront être qu’assorties, c’est heureux, d’un brassage et d’un métissage généralisés à la fois biologique et culturel. Cette voie constitue le seul véritable chemin pour sortir de la violence gratuite qui se déchaîne avec son lot dramatique de tortures et de meurtres qu’ils soient condamnées par la justice des hommes et quasiment légalisés au nom de l’intérêt des puissants déguisé en intérêt général.

La troisième proposition est de nature organisationnelle

Nous devons faire évoluer les institutions nationales et supra-nationales afin de permettre la participation de tous à la vie de et dans la cité. En ce sens, il est clair que nous devons avancer vers l’instauration d’une démocratie participative. Les processus participatifs sont à articuler au niveau local (les quartiers, les bassins d’emploi, départements, régions, pays...) ainsi qu’au niveau national, européen et mondial. Ces processus sont liés à la notion générale de citoyenneté mondiale. Sur ce thème, Edgar Morin et Anne Brigitte Kern, auteur de Terre Patrie, ont apporté un précieux éclairage...

Si jusqu’à présent les transformations économiques et sociales ont échouées, c’est en grande partie parce qu’une transformation sociale ne s’est pas accompagnée d’une transformation personnelle et réciproquement. Ainsi, les évolutions que nous préconisons et jugeons indispensables supposent que nous soyons en capacité de faire évoluer, individuellement et collectivement, nos comportements, attitudes, croyances, convictions. Cela suppose travail sur soi et des remises en question, notamment sur le sujet du pouvoir et de son exercice. Ce qui nous ramène à la proposition d’ordre culturel : ainsi, l’évolution organisationnelle est indissociable d’une évolution des mentalités.

Pour y parvenir à associer ces deux niveaux d’évolution, nous avons à mieux comprendre « le psychique humain » c’est-à-dire les domaines de la conscience, du conscient et de l’inconscient. Damasio et Derek Denton soulignent notamment que notre conscience est formatée en tout premier lieu par nos émotions et nos sentiments. Nous devons prendre en compte ces propositions, y compris dans le domaine politique, plus largement dans celui de la prise de décision. Ces propositions nous conduisent à relativiser ce que notre raison du moment considère comme une vérité intangible, et nous invitent inévitablement à accéder à un degré supérieur d’humilité et de sagesse ce dont nous avons urgemment besoin. Mais nous comprendre nous-mêmes, uniquement en nous observant fonctionner, sera insuffisant. C’est dans l’univers que nous devons nous projeter : comprendre l’univers pour mieux nous comprendre nous même est aujourd’hui un impératif. Depuis Epicure et Aristote, en passant par Newton et Einstein, puis la physique quantique, bien d’autres que nous ont abordé ces perspectives et ont tenté de comprendre l’aventure de l’univers. Aujourd’hui, nous sommes sommés d’agir au plus vite et de faire bouger à la fois nous-mêmes et notre Humanité dans la conscience de l’immense aventure de l’univers, peut-être même « des univers ».

Comment mettre en œuvre ces propositions ? La phase de transition

Ces propositions économiques, culturelles et organisationnelles ne sont pas que des « mots », ce ne sont pas des concepts vides de sens. Elles peuvent trouver leur vitalité que si nous le décidons. Cet avenir, « autre », est entre nos mains.

Il reste à inventer mais tous les prémisses sont là. Il existe de multiples expérimentations alternatives qui se déploient partout dans le monde et qui s’étendent en dépit de la culture dominante qui tente de les étouffer : ainsi le commerce équitable, les banques écologiques et le micro-crédit qui vient de valoir le prix Nobel à Muhammad Yunus... Des expériences monétaires ont par ailleurs déjà été effectuées avec ce que l’on appelle les monnaies affectées et les monnaies fondantes. Le projet « Sol » en est une illustration concrète.

Cette phase de transition nous conduira à aller de « l’ancien » vers du « nouveau » radicalement différent. Il s’agit bien, non pas d’une révolution ou d’une rupture, mais d’une métamorphose. Ou, comme la définit Edgar Morin dans la post-face qu’il nous a fait l’amitié de nous offrir, « d’une révolution qui se révolutionnerait elle-même ».

Cette période de transition est délicate. Elle devra se nourrir de l’énergie et des intelligences des acteurs de la transformation, de ces citoyens déjà à l’œuvre partout sur les 5 continents. Elle ne pourra être conduite que par des animateurs ayant dépassés les jeux de pouvoir sclérosants d’aujourd’hui, des individus réellement conscients de l’importance de l’écoute et du dialogue dans les relations humaines à tous les niveaux. Des personnes responsables et conscientes que c’est bien l’avenir de l’humanité qui est en question.

En synthèse...

La nécessité d’un tel bouleversement multifactoriel commence à être deviné par les responsables et les opinions publiques mondiales. Aussi des interrogations se font jour comme nous l’avons souligné plus haut : Al Gore, Alderiahomane Sissako, Nick Stern.

D’autres penseurs bâtissent des paradigmes comme Michel Onfray ou Nicolas Hulot. D’autres enfin comme le talentueux Jacques Attali dans son dernier ouvrage « Une brève histoire de l’avenir » avance lui aussi des notions de gratuité, d’accès généralisé aux savoirs, de naissance de l’intelligence universelle ; mais pour lui ces ouvertures sont liées à la condition expresse de contrôler l’économie de marché, ce qui, nous le savons, est impossible.

Notre livre L’Urgence de la métamorphose se propose au final de nous débarrasser de l’économie de marché en introduisant une économie plurielle avec un revenu inconditionnel généralisé ; l’accélération du métissage entre les humains ; l’apprentissage d’un « art de vivre ensemble » avec une véritable attitude de non-puissance.

Pour se faire, il propose autant le partage des richesses redéfinies par des marqueurs qualitatifs dans le cadre d’une véritable démocratie participative, que le développement de l’écoute et du respect des autres. Il veut ainsi contribuer à l’émergence indispensable, et qui, nous l’espérons, se produira, d’une écologie politique et humaine à l’échelle planétaire. »

***

La mort et la sensation de l’infini...

Jacques Robin avait souhaité que la question de la mort soit abordée en conclusion de l’ouvrage. La mort que l’on cache et tente d’oublier, de nier, dans nos sociétés occidentales ; la mort qui fait pourtant partie intégrante de la vie et qui est indissociable du processus de métamorphose, cette mort/renaissance qui ouvre à de nouveaux possibles. Il avait également souhaité que cette conclusion s’ouvre sur une perception qui lui était chère plus il se rapprochait lui-même de la fin de sa vie : la sensation de l’infini. Voici cette conclusion :

« C’est bien l’intuition de la nécessité d’inscrire l’aventure humaine dans celle, stupéfiante et beaucoup plus vaste, de l’univers, qui nous a guidés dans cet ouvrage. Plus que jamais les êtres humains ont aujourd’hui à mobiliser leur intelligence et leur sensibilité pour inventer et définir de nouvelles formes d’organisations économiques et sociales, dans un processus de co-évolution avec l’environnement planétaire. Y parvenir implique de s’affranchir des modèles du passé et d’oser s’engager dans une métamorphose qui donnera aux termes humanité, démocratie, richesses, culture, valeurs.. une nouvelle réalité. L’urgence est réelle. Les futurs probables sont étonnants tout autant que prometteurs.

Evidemment, et en dépit de ces nouvelles perspectives inédites, la condition humaine restera marquée par les cycles de la vie. Tout particulièrement par celui qui va, pour chacun de nous, de la naissance à la mort. Nous avons à apprendre à intégrer ce cycle, tout comme nous acceptons l’alternance du jour et de la nuit, ou encore celle des saisons. C’est un fait, la mort peut apparaître réellement angoissante. Vieillir, ressentir son corps nous échapper, devenir de moins en moins contrôlable. On peut comprendre le refus de s’abandonner sereinement à cet ultime lâcher prise, cette plongée dans l’inconnu, qui plus est dans l’ignorance de la trace que nous laisserons réellement auprès de nos proches, de nos relations, de l’environnement qui fut le nôtre. Mais le fait d’être en vie n’est-il pas tout autant surprenant ? Et parfois même angoissant, tant nous sommes ignorants des processus que sont la vie, la pensée, la conscience ? Notre existence individuelle est éphémère, elle s’inscrit dans un espace-temps très réduit. Mais celle de l’humanité, à laquelle nous participons, s’exprime sur une plus grande échelle. Entre étoiles et molécules, il est urgent de nous sentir parties prenantes de cette aventure du vivant. Il est de notre responsabilité d’entrer véritablement dans le mouvement de la vie, apaisés, en acceptant la part d’énigmes. Il nous appartient d’apprendre à vivre ensemble, dans l’ici et maintenant, animés d’une tension à la fois curieuse et joyeuse.

En ce 21ième siècle, dans les sociétés occidentales, il est clair que nous faisons l’inverse. Nous capitalisons les biens et l’argent ce qui nous donne l’impression illusoire de maîtriser la vie. Nous nous assurons contre tout par peur du risque de la perte. Nous sommes à l’affût des recettes commerciales sensées nous assurer la beauté et la jeunesse permanentes. Nous nous acharnons à prolonger la vie par tous les moyens techniques à notre disposition. En reconnaissant à chaque être humain le droit de vivre et de mourir dans la dignité [1], l’Homo que nous sommes témoignera sans aucun doute d’une plus grande appropriation de sa dimension sapiens. Cette reconnaissance ira bien au-delà d’un apaisement des personnes en fin de vie et des mourants. Elle influera sur les sociétés dans leur ensemble et leur permettra de franchir un pas vers plus d’humanité, et certainement vers plus de joie et de bonheur sur Terre. N’est-ce pas là notre objectif commun ? Car pourquoi s’accrocher tant à la vie si ce n’est pour espérer plus de bien-être et de liberté ? Nous devons agir dès aujourd’hui en ce sens.

S’agissant du pire, s’il n’est pas certain, il n’est pas non plus à exclure. Au stade où nous en sommes, l’Homme peut devenir un loup pour l’Homme encore plus qu’il ne l’est aujourd’hui, il pourrait également devenir bionique ou cloné, ou encore laisser la responsabilité de la conduite de son existence à des nano-machines incroyablement intelligentes, mais déshumanisées. L’histoire nous montre que tout ce que l’humanité a pu faire, elle l’a fait, des Droits de l’Homme à la bombe atomique, de l’aide humanitaire aux génocides. Est-ce parce que nous savons aujourd’hui qu’il y a un certain nombre de choses à ne plus faire, en premier lieu l’agression de la biosphère, que nous ne les ferons plus ? Rien n’est moins sûr et l’avenir nous le dira. Il est entre nos mains.

Au regard de l’aventure humaine qui est la nôtre, à la croisée des chemins possibles, la pensée de l’aventure de l’univers peut nous rapprocher de la sérénité et de la sagesse. Elle rejoint le souhait d’Arthur Koestler exprimé dans ce message, et rédigé avant son suicide avec sa compagne qui l’avait suppliée de l’accompagner : "Je voudrais que mes amis sachent que je les quitte en pleine sérénité avec le fragile espoir qu’il existe un "au-delà sans visage", au-delà de l’espace, au-delà du temps, au-delà de la matière, échappant à toute prise de notre intelligence".

Inscrire notre conscience dans l’aventure de l’univers permet de vivre des instants de plénitude intemporelle au cours desquels il est possible d’accéder à la joie de la pensée cosmique et d’approcher la sensation de l’infini. Pierre Hadot, professeur au Collège de France, parle, dans son ouvrage Le voile d’Isis, « d’une extase océanique » [2]. Cette pensée peut donner aux humains, et particulièrement aux plus jeunes, la légèreté, l’envie et la force de continuer de s’émerveiller, de poursuivre toujours plus consciemment l’aventure humaine, et peut-être même de se laisser aller au plaisir de réenchanter le monde. »


Un remarquable pédagogue

le 25 juillet 2007  par Armen Tarpinian

En fervent hommage à la mémoire de Jacques Robin, la Revue de Psychologie de la Motivation dont il était avec d’autres membres du GRIT un fidèle contributeur, propose la lecture de l’entretien réalisé en 1990, après la parution de son livre Changer d’ère. Ouvrant le N°10, intitulé Psychologie et politique, cet entretien s’enchaînait de façon très heureuse avec celui d’Edgar Morin paru dans le n°9 Du réflexe à la réflexion. L’un et l’autre confortaient de leurs riches apports l’orientation de la revue vers une approche de la réalité appréhendée dans toute sa complexité, incluant centralement les interactions entre monde intérieur et monde extérieur, individu et société, écologie mentale et écologie générale. Il s’en est suivi une collaboration fructueuse, notamment entre la revue Transversales et celle de la Motivation, dans le souci commun d’élaborer une culture qui traite de « l’être humain au complet ». Notre revue a accompagné et consacré deux dossiers (N° 32 et 41) à la naissance(2002) et à l’essor du Collegium International éthique, scientifique et politique dont il fut un des principaux initiateurs. L’ouvrage : Ecole : changer de cap. Contributions à une éducation humanisante, publié sous l’égide de la Revue et de l’Association Interactions TP-TS lui est pour beaucoup redevable.

La merveille est que la recherche passionnée d’intelligence et de compréhension de ce qui fait l’humain et de ce qui lui fait obstacle est aussi ce qui tisse au mieux l’amitié : disposition dont Jacques Robin était entièrement habité, tout en étant le contraire parfait du maître ou du gourou.

Cet entretien, Jacques Robin l’affectionnait particulièrement pour sa fidélité à sa pensée, malgré bien sûr ce qu’il aurait pu ajouter presque vingt ans après (cf. L’urgence de la métamorphose). Il en conseillait la lecture comme une simple et bonne introduction à sa vision anthropologique, écologique et politique de l’état actuel du monde et de voies possibles pour « ne pas aller dans le mur » ! Il s’y montrait en effet visionnaire mais aussi un remarquable pédagogue.

Un changement d’Ere ? Les 4 mutations

Entretien avec Jacques Robin, Armen Tarpinian, 1990


Témoignages

le 13 juillet 2007  par

Marie-Pierre Hermann

Hommage à Jacques Robin

De temps en temps on aimerait que certains vivent au delà du temps biologique, bien plus longtemps que le commun des mortels.

Heureusement, Jacques Robin laisse dernière lui des idées et des actes qu’il a mis en pratique. Il restera dans ma mémoire et dans celle de toutes les personnes qui ont oeuvré pour un monde meilleur depuis un quart de siècle. Mémoire, qu’il est essentiel de prolonger et de cultiver.

Je garderai de Jacques, son intelligence, sa vision humaniste, sa gentillesse, sa courtoisie... enfin, ses nombreux talents qu’il partageait et qu’il a si bien communiqués tout au long de mes années de travail au Cesta, organisme qu’il présidait. Grâce à sa grande ouverture d’esprit qui lui a fait s’entourer de Femmes et d’Hommes aux profils diversifiés, à ses nombreux réseaux dont il a su nous faire bénéficier, le Cesta était devenu une véritable pépinière d’idées, de créations et d’innovations où se confrontaient des joutes oratoires, toujours riches de contenus, suivies par des actions expérimentales, reprises par des chercheurs de toutes disciplines, des politiques et des industriels.

Jacques Robin visionnaire et Homme de grande qualité, merci de m’avoir fait partager tes réflexions et tes analyses éclairantes pour comprendre la complexité des relations existantes entre Science et Culture.

Je m’associe à sa famille pour partager ce grand moment de tristesse et leur présente mes sincères condoléances.

Marie-Pierre Hermann


Philippe Merlant

Cher(e)s ami(e)s,

Ne pouvant être auprès de vous physiquement ce jeudi pour les obsèques de Jacques, j’y serai au moins par la pensée. Des pensées affectueuses et reconnaissantes. Envers Jacques, bien sûr, mais aussi envers toutes celles et ceux que la rencontre avec lui (et avec Patrick, et avec Transversales Science Culture) m’a permis d’approcher et de connaître, envers vous donc. Ce n’était pas la moindre de ses qualités que de savoir rassembler autour de lui des femmes et des hommes si riches, humainement et intellectuellement. Et de leur permettre ainsi de faire un bout de chemin, plus ou moins long, ensemble.

Sans rajouter à tous les hommages, je voudrais juste, comme l’a fait Valérie, livrer deux moments parmi ceux qui me viennent en tête quand je pense à Jacques. D’abord, notre première rencontre chez lui, quand Patrick m’avait proposé de lui succéder à la rédaction en chef de Transversales. J’appréhendais un peu, m’attendant à subir un questionnaire en règle et bien conscient de mes lacunes, sur les plans scientifique et technologique notamment... Et nous n’avons parlé qu’amour, nous confiant mutuellement ce qui avait été fondamental dans nos existences. Quelle plus belle manière y aurait-il eu pour montrer ainsi où se situait l’essentiel ?

Le second souvenir se rapporte à l’un de ces déjeuners que nous eûmes ensemble à La Cigale. Parfois, il me semblait que Jacques attendait de moi de véritables talents intellectuels que je ne prétendais pas avoir. Je lui fis part, ce jour-là, de mes doutes. Il me répondit que j’étais, à ses yeux, un vrai « passeur ». Il savait de quoi il parlait. Il nous invitait toutes et tous à être des passeurs. Tenter de l’être, c’est sans doute un objectif essentiel, aujourd’hui, dans un monde où le lien et la transmission sont devenus si difficiles. Merci à toi, Jacques, de m’(nous) avoir ainsi montré cette voie.

Philippe Merlant


Henri Atlan

J’ai eu le privilège de connaître Jacques dans les années soixante dix, quand il animait le Groupe des Dix. Ceci m’a permis de suivre son évolution intellectuelle à l’origine d’initiatives toutes plus créatives les unes que les autres et de jouir de son amitié fidèle pendant ces trente dernières années. Explorateur et aventurier de l’esprit, aucune innovation scientifique ou technique, aucune piste, sur des chemins de pensée annonçant ce "changement d’ère" qui le fascinait tant, ne lui a échappé.

Henri Atlan


Patrick Viveret

Lors des Dialogues en humanité à Lyon qu’il contribua à nourrir sur le défi de la révolution du vivant, nous avons rendu hommage à cet être lumineux. Pour moi son souvenir est associé à cette aventure collective extraordinaire qui fut celle de Transversales et de la maison Grenelle qui vit naître tant de projets toujours vivants (outre la lettre électronique et la collection de livres, Vecam, TPTS, le collectif richesse, le projet SOL, dialogues en humanité pour n’en citer que quelques uns). Jacques ce fut aussi un extraordinaire passeur d’amitié qui m’a fait vous découvrir, vous aimer et partager avec vous et avec lui tant de moments forts et de projets tout à la fois ambitieux et réalistes. Merci à Jacques. Merci à vous.

Je vous embrasse.

Patrick Viveret


Henryane de Chaponnay

Du fond du coeur je partage avec tous les amis et la famille de Jacques la tristesse de son départ de parmi nous mais aussi le bonheur de l’avoir connu et la reconnaissance pour tout ce qu’il nous a transmis.

Comme un symbole ce samedi 7 juillet, ce fut au moment du lancement de la journée de "construction de la paix" des Dialogues en Humanité au Parc de la Tête d’Or , sous ce magnifique cèdre, que Patrick Viveret partagea avec nous son intense émotion et je ressentis à la fois tristesse, paix et partage car Jacques était avec nous. La rencontre de Jacques Robin et de Transversales Sciences Culture reste l’un des moments forts de ces rencontres qui ont jalonné mon existence. En affectueuse pensée avec tous,

Henryane de Chaponay


Claire Héber-Suffrin

Jacques représente pour moi l’intelligence et la bonté (et son regard les traduisaient en permanence), la force de conviction et la tendresse dans les relations, l’exigence politique et la tolérance alliée à l’humilité de celui qui sait qu’il a besoin des autres pour vivre en cohérence avec ses idées. Il a été une grande chance pour nombre d’entre nous, dont nous.

Claire Héber-Suffrin


Philippe Lefèvre-Wittier

Au revoir, Jacques,

Trente ans, très cher Jacques, à profiter de tes conseils, de tes initiatives, de tes orientations judicieuses mais aussi de tes enseignements aux séminaires d’Ecologie Humaine de TOULOUSE dont j’avais la responsabilité.

Sans toi, sans René PASSET, sans Albert JACQUARD, sans Henri LABORIT, amis et maîtres, me serais-je lancé dans cette approche de l’Homme qui nous réservait tant de surprises dans la difficulté de sa définition comme dans son initiation et sa pédagogie ! Aurais-je pu m’accrocher de 1973 à nos jours à cette aventure si je n’avais profité parallèlement des sérieuses et originales réflexions du Club de Rome, du Groupe des Dix aussi bien que du CESTA qui te fût confié en 1982 ?

Grâce aux lectures et aux contacts que tu as su me proposer, j’ai pu faire miens, dans l’enseignement de l’Ecologie Humaine comme dans mes propres recherches, les atouts de la complexité, de la systémique, de l’éthique, des théories de l’information et surtout de la transdisciplinarité qui m’a été si précieuse dans mes travaux anthropologiques. Merci Jacques et comprends mon désarroi.

Quel bonheur lors de la parution de ‘Changer d’Ere’ mais quelle tristesse de n’avoir pu compléter plus tôt la lecture de ‘Urgence de la Métamorphose’ !

Par chance nous avons pu récemment en discuter longuement sans deviner que nous vivions notre dernier entretien.

Au revoir, Jacques.

Philippe LEFEVRE-WITIER



Philippe Garbani

Pour avoir été, il y a longtemps de cela, en contact avec Jacques Robin, avoir depuis lors toujours suivi avec attention et plaisir ses activités, notamment à ’Transversales’, et m’être toujours senti sur la même longueur d’ondes que lui, je suis très affecté par sa disparition. Les témoignages de Joël de Rosnay, que j’ai rencontré à la même époque, et d’autres nous font du bien et nous confortent dans la ligne de vie, les intérêts et les préoccupations que nous partagions avec Jacques Robin. Et naturellement avec ’Transversales’. C’est pourquoi je me permets de vous adresser ces quelques mots de sympathie.

Avec mes meilleures salutations.

Ph. Garbani


Jacques Boussin

La mort de Jacques est pour moi une immense chagrin, une immense tristesse. Il fait partie des rares hommes qui ont, en l’absence de mon père, mort alors que j’allais avoir 5 ans, m’ont à des titres divers aidé à me construire. C’est le dernier. Je l’ai rencontré il y à maintenant plus de 22 ans (J’en avais déjà 55). Notre relation a d’emblée été plus qu’amicale, affectueuse. J’ai découvert avec lui des territoires de la pensée que je ne soupçonnais pas et dans lequel, grâce à lui, je me suis tout de suite senti chez moi...

Je suis encore sous le choc et n’arrives pas à écrire tout ce que je ressens... J’ai relu depuis samedi le livre que vous aviez écrit tous deux, j’y ai, bien sûr retrouvé Le Jacques que je connaissais bien, ses visions, ses utopies réalistes, sa force de conviction. Mais cette seconde lecture, juste après son départ,était plus émotionnelle. En fait, il ne s’agissait pas d’une relecture, mais lecture nouvelle dont le caractère prophétique, le caractère testamentaire m’est apparu beaucoup plus clairement.

Voici une infime partie de ce que je voulais vous dire à vous tous ses amis, nos amis, ce que la mort de Jacques à fait naître en moi.

Jacques Boussin


Jacques Grinevald

Je suis profondément ému d’apprendre, grâce à ton mail, la disparition de notre ami Jacques Robin, que j’ai relativement peu connu et que je connaissais surtout par l’intermédiaire de son confident Armand Petitjean (1913-2003), mais avec qui j’ai immédiatement sympathisé et qui était un meneur et un animateur hors du commun. J’avais suivi, de loin en loin, l’aventure du Groupe des Dix, et bien entendu du GRIT et de Transversales. Mon premier contact avait été via Joël de Rosnay, puis Petitjean... Je partage vos sentiments pour ce deuil et j’espère que la mémoire de Jacques Robin restera vivace et nous fera tous redoubler d’efforts.

Pour ma part, à Genève, les choses vont plutôt mal puisque mon institut, l’IUED va être dissous le 1er janvier 2008 et ce qui va en rester ( ?) intégré dans un nouvel Institut de hautes études de relations internationales et du développement (IHEID) !

Cette fusion est une catastrophe pour l’école de l’IUED dont la tradition interdisciplinaire et critique risque fort de se perdre. Je ne sais même pas si je vais pouvoir continuer mon enseignement "Ecologie globale et développement soutenable". En attendant, je termine un dossier de références sur la double menace du pétrole et du climat.

Je vous tiendrai bien entendu au courant.

Avec toute ma sympathie, bien amicalement.

Jacques Grinevald


Armen Tarpinian

Je suis profondément ému comme toutes celles et tous ceux qui considèrent comme un grand privilège d"avoir rencontré Jacques et tiré enrichissement de ses apports et de son combat - jusqu’aux derniers jours - pour plus d’intelligence, de liberté et d’humanité. Il en rêvait (et agissait) comme un Martin Luther King.

Armen Tarpinian


Sacha Goldmann

Je viens de regarder le film de la soirée d’anniversaire de Jacques à la Maison de l’Amerique latine avec des hommages de René, Edgar, Joel, Rocard... Un message d’Atlan lu... etc... et puis cette photo très récente sur mon portable de Jacques sur son balcon avec le nid et ses tourterelles...

Sacha Goldmann


Bill vanden Heuvel

It is with great sadness that I have received the news of the loss of Jacques Robin, a great citizen of the world. His work and his ideals will motivate us and future generations so his memory will survive wherever we are.

Bill vanden Heuvel, Collegium international


Catherine Lamousse

C’est une bien triste nouvelle. Au printemps Jacques m’avait téléphoné pour me parler de son dernier livre ; il avait une voix fatiguée.

J’espère qu’il n’a pas souffert. Je sais combien il comptait pour vous. Et soyez sûre que je comprends votre peine.

Catherine Lamousse


André Giordan

Toute ma tristesse pour cette disparition biologique de Jacques.

Ses idées, sa foi en l’Homme et sa dynamique inlassable se poursuivront par contre.

Je n’oublierai pas la confiance et l’intérêt qu’il m’a toujours porté.

André Giordan


Hervé Sérieyx

Comme tous ceux qui ont, à un moment ou à un autre, participé à l’aventure de Transversales, j’ai éprouvé en fréquentant Jacques cette conviction qu’il était un homme-phare de notre temps, un de ces repères si rares dans le "tohu-bohu furieux des marées" qui nous permettent, comme Edgar, de continuer à vivre la superbe aventure de l’humanité, malgré les terrifiantes menaces que nos folies ont amassées au dessus d’elle. C’est merveilleux, une vie aussi justifiée que celle de Jacques ! Comme tous ceux qui l’ont connu, je le garde en moi.

Hervé Sérieyx


Yves Frémion

Tout mon respect à Jacques Robin. Mes pensées l’accompagnent en cet instant où le chagrin de voir disparaître un grand esprit le dispute au bonheur d’avoir appris, avec ses contributions, à être moins sot.

Yves Frémion, élu vert et écrivain.


Alain Caillé

Amitiés et salutations à tous les proches de Jacques qui nous été si précieux à tous,

Alain caillé


Celina Whitaker

Je ne pourrais être présente le 12 juillet pour le dernier hommage à Jacques, ici bas. Mais je serais de coeur avec lui et avec vous. Ses écrits, et peut être surtout la chance de le côtoyer (très peu, trop peu, mais c’est là où les écrits s’illuminent de la force de la personne) m’ont énormément appris, dans sa cohérence, dans sa façon de faire les liens entre les idées, entre les personnes, dans ses idées transformatrices qu’il est tellement nécessaire de mettre en oeuvre. Nous continuons le chemin qu’il a contribué à tracer.

Célina Whitaker


Pierre Valois

Je viens d ’apprendre la nouvelle du départ de Jacques Robin... attristé je suis... je me souviens d’un repas plein d’idées et de liens à tisser.... entre les rires et la prospective... il était là les yeux rieurs... et un napperon plein de notes... mes sympathies à la famille...

Pierre Valois, de Montréal... et du CFP


Leda Guidi

Moi aussi j’ai eu la chance et le privilège de rencontrer Jacques Robin à l’occasion d’initiatives de Vecam ou de conférences et séminaires dans ces derniers 10 ans qui ont été si denses et riches pour qui, comme nous, a travaillé ensemble et travaille sur la citoyenneté, la telématique civique et pour une société de l’information et de la connaissance avec des valeurs "publiques" et partagées.

Je suis si triste pour cette perte. Mais je suis aussi sûre que la puissance de son engagement intellectuel et humain continuera à être vivante et fertile dans et avec nous.

Je m’excuse pour mon français pas parfait,

Votre amie et collègue de Bologne et du réseau civique Iperbole,

Leda Guidi


Edmond Marc

Chers amis, c’est avec tristesse que j’ai appris le décès de Jacques Robin. Je ne le connaissais pas personnellement mais j’appréciais la valeur et la qualité de ses travaux.

J’exprime ma profonde sympathie à sa famille et à tous ses amis.

Edmond Marc


Françoise Duthu

C’est avec une grande tristesse que j’ai appris la disparition de cet homme d’esprit, de coeur et de combat qu’était Jacques Robin. Militante des Verts, je me souviens de sa participation enthousiaste à nos Etats Généraux de l’écologie politique. Je me rappelle aussi de ce groupe de réflexion autour de l’économie solidaire ou non marchande que fréquentait aussi P. Viveret...

J’avais une immense estime pour lui.

Que sa famille reçoive mon soutien.

Bien sincèrement

PS : je suis à l’étranger et ne pourrait assister aux obsèques. Je ne sais pas si Jacques Robin était croyant. Je le suis devenue et je prierai pour lui.

Françoise Duthu


Basarab Nicolescu

J’éprouve un immense chagrin. Je lui ai téléphoné toute de suite après le colloque de Carcassonne. Il allait très mal. Je vais communiquer tout de suite son décès aux membres et amis du CIRET.Je vous prie de m’annoncer dès que possible les décisions concernant la cérémonie. Je vous suis très reconnaissant de m’avoir informé. Bien amicalement

Basarab Nicolescu,
Président du Centre International de Recherches et d’Études Transdisciplinaires (CIRET)


Michel Griran

Nous pouvons tout à fait... en plus des bonnes pensées... imaginer mettre en ligne sur http://www.planetecologie.org un petit résumé de ses engagements, de ses convictions, de son message et de ses oeuvres... dès que vous vous sentirez, vous ses proches... de le faire.

De toutes façons... là où tu es Jacques... tu vois bien mieux que nous qu’en même temps qu’il y a des problèmes multiples, se tissent des réseaux de solutions et d’innovations.

Om mani padme houng. Bises

Michel Giran


Jean-Baptiste de Foucault

Merci, j’en suis bien triste, je l’avais surtout côtoyé auprès de Robert Buron. Fidèles amitiés

Jean-Baptiste de Foucault


Marc Humbert

J’ai relayé sur le réseau PEKEA le communiqué que vous avez adressé bien cordialement

Marc Humbert


Henri Callat

J’arrive d’un long week-end en Donezan et je "tombe" sur votre message ... Inutile de m’étendre sur la tristesse qu’il me cause : j’aurais bien aimé revoir Jacques à Carcassonne dont il appréciait tant le public et l’ambiance chaleureuse. Mais "L’urgence de la métamorphose" assure parmi nous son éternelle présence ! Pour lui j’irai relire ce soir certains passages qui m’avaient particulièrement frappé . Amitiés bien chaleureuses ... en attendant le prochain Colloque déjà en chantier ! La métamorphose ne s’arrête pas ...

Henri Callet


Pierre Levy

Je suis avec vous en esprit aux obseques de Jacques Robin.

Pierre Levy


Marie-Françoise Bonicel

Avec celui que nous aimons, nous avons cessé de parler, et pourtant ce n’est pas le silence. René Char

Je ne le connaissais que par vos évocations et quelques écrits. Je m’associe à votre peine, vous qui l’avez cotoyé dans la mise au monde de TP/TS.

Je vous embrasse.

Marie-Françoise Bonicel


Isabelle Félix

Recevez mes plus sincères condoléances à l’occasion de la disparition de Jacques Robin, "connecteur" d’une grande intelligence et d’une grande simplicité qui restera un modèle d’engagement pour un monde plus humain.

Isabelle Félix


Francois Becher

Nous avons reçu cette triste nouvelle, et le départ de Jacques ne peut pas nous laisser indifférent.

Nous nous sentons si proches de ces hommes qui de leur vie ont oeuvré pour sauver la planète et relever l humanité. Tous les Raja yogis de France dédient tous les matin après les cours, quelques minutes de méditation en mémoire de Jacques, amitiés

François Becher


Tous les membres de l’Attention à La vie et des centres de Raja Yoga Brahma Kumaris France qui ont côtoyé Jacques me chargent de vous transmettre ce message :

Nous apprenons avec émotion le départ de Jacques, qui a tant oeuvré pour un avenir juste et préservé, de tous et de chacun.

En janvier dernier, nous avons eu la grande chance de bénéficier d’une de ses toutes dernières allocutions publiques, peut-être la dernière. Sa passion de convaincre et la flamme de sa foi en la transformation nécessaire de nos modes de pensée, étaient entières et tout aussi convaincantes que touchantes.

Nous l’en remercions encore, et conserverons en nous le souvenir de son extraordinaire simplicité et gentillesse.

L’équipe des organisateurs de "l’Attention à la Vie" http://www.lattentionalavie.org et des centres de Raja Yoga


Laurence Mermet

Grande tristesse, accompagnée de sérénité et de joie pour Jacques. Je ne l’ai pas revu depuis mon installation en Bretagne mais il a continué et continuera d’occuper une place vraiment à part dans mon esprit et mon coeur.

J’ai eu l’immense plaisir de partager des moments riches (et gourmands) avec ce petit homme au regard malicieux qui était un si grand monsieur, toujours en intense activité intellectuelle et d’une si touchante attention à l’autre... avec un infini besoin de tendresse.

Je garde dans le creux de mon coeur les promenades avec Jacques en bas de chez lui, dans le petit square Boucicault, à Sèvres-Babylone ou bien encore au parc Montsouris, les plaisirs partagés autour d’un soufflé chaud au chocolat, dans le petit restaurant de la rue Chomel, son regard toujours émerveillé à l’oiseau qui nichait sur son balcon...

Les piles de livres, notes et lettres dont il me faisait partager le contenu lors de mes visites, témoignaient de son incroyable vivacité d’esprit, de sa capacité a continuer de se mobiliser et de croire en le meilleur de l’humain.

Jacques me parlait des êtres chers qui l’entouraient : sa famille, ses enfants et petits enfants, les femmes qu’il aiment tant, ses amis parmi lesquels Edgar Morin tenait une place si particulière, jusqu’au seuil de le mort, de la vieillesse qui s’emparait de son corps et dont il prenait tant garde qu’elle n’importe pas son esprit lucide et visionnaire.

Merci à toi, Jacques

Laurence Mermet


Cedetim

Jacques Robin et le Cedetim s’étaient peu croisés. Pourtant, Jacques Robin faisait partie des personnes très proches du Cedetim sur le plan de l’engagement militant et des terrains d’investigation. Et sans aucun doute, le Cedetim lui doit-il beaucoup.

Jacques Robin était l’un des fondateurs et l’une des éminentes figures de Transversales Science Culture, aux côtés de Philippe Merlant, Valérie Peugeot, Patrick Viveret, René Passet, Henri Atlan et tant d’autres. Il était l’un de ces intellectuels transdisciplinaires toujours soucieux d’évoluer dans les milieux les plus divers et de décloisonner les pensées.

De 69 à 76, il avait fondé puis animé le Groupe des Dix auquel participèrent des scientifiques, intellectuels et hommes politiques comme Robert Buron, Edgar Morin, Henri Laborit, René Passet, Jacques Sauvan, Joël de Rosnay, Henri Atlan, André Leroi-Gourhan, Michel Serres, Michel Rocard, etc. Le Groupe des Dix avait constitué un groupe de réflexion sur les relations entre les sciences, les techniques et la politique. C’est à partir de là que Jacques Robin avait développé son analyse de la mutation de nos sociétés de l’ère énergétique à l’ère informationnel, analyse qu’il poursuivit toute sa vie.

Il avait également contribué à renouveler la pensée écologique. En 1975 il faisait paraître chez Seuil son ouvrage "De la croissance économique au développement humain", qui contribua à renouveler la pensée écologiste. Son livre "Changer d’ère", paru en 1989, insistait et précisait les mutations informationnelles en cours et ses conséquences sur le devenir de l’Humanité.

Depuis 1998, il était de l’aventure d’Attac. Il en était membre fondateur. Il dénonçait les ravages de l’économie capitaliste de marché, dont il écrivait justement qu’elle ne faisait pas bon ménage avec la mutation technologique informationnelle et la nécessité de répondre aux crises mondiales.

Jacques Robin analysait depuis longtemps l’aggravation de la crise planétaire (sociale, écologique, nord-sud...). Il venait de finaliser un ouvrage de vulgarisation, en collaboration avec Laurence Baranski, "L’urgence de la métamorphose". Il restait optimiste sur la possibilité pour l’Humanité de prendre conscience encore à temps de la nécessité de modifier radicalement son comportement et d’agir en conséquence, pour ne pas disparaître. Un message qu’il nous laisse en héritage.

Le Cedetim
Le 12 juillet 2007


Pierre Calame

Je m’associe à la tristesse de tous de voir une personne inspirée, toujours à l’affût de ce modelait le monde de demain.

Pierre Calame


Dorothée Benoit Browaeys

Je vous adresse mes pensées affectueuses dans ces jours difficiles où Jacques a disparu. J’ai appris la nouvelle par Jean-Paul Karsenty et regrette de ne pas avoir pu retrouver - ce 12 juillet - cette grande famille qu’il a su forger dans la bienveillance et l’intelligence pour l’avenir.

Je m’associe donc tardivement à cette communion, comme une petite fille qui n’aurait pas pu entendre la clameur de son adieu.

VivAgora perd avec lui un de ses conseillers les plus chaleureux et le fondateur de Biofutur où nous avons fait les meilleurs enquêtes sur le vivant.

Je vous embrasse.

Dorothée Benoit Browaeys
Déléguée générale de VivAgora


Témoignage Chrétien

Le vieil homme accueillait le visiteur avec une flûte de champagne, et lui présentait ses jardinières sur la terrasse qui semblait flotter au-dessus d’une extravagante canopée, en plein Paris, rue de Sèvres. Il confiait ces derniers temps, l’ennui pour l’époque, la solitude qui meurtrit et théorisait soudainement avec feu sur une humanité post-humaine, se relançant vers des pistes stimulantes et iconoclastes du devenir planétaire et des terriens. L’histoire intellectuelle a toujours ses ombres floues, sans lesquelles les idées et les hommes ne s’agrègent jamais. Jacques Robin, 88 ans, décédé le 7 juillet dernier, faisait partie de ces passeurs discrets que les dictionnaires des intellectuels ne retiennent pas. Pourtant ce médecin, puis directeur général du groupe industriel Clin Midy (l’un des maillons de Sanofi), est à l’initiative de la constitution du groupe de réflexions le plus prestigieux et e plus fascinant des années 1966 à 1976 : le Groupe des dix. Jacques Robin aimanta Henri Laborit, Edgar Morin, André Leroi-Gourhan, René Passet, Michel Serres, Joël de Rosnay, Jacques Monod et des dizaines d’autres chercheurs précurseurs, tels Jean-Pierre Dupuy ou René Thom. Les jeunes Turcs du PS, Jacques Attali et Michel Rocard, venaient aussi dans ces réunions d’échanges, véritable chaudron de culture où commençaient à se déployer les pensées fortes en même temps qu’elles se concurrençaient férocement, et où toute une génération de chercheurs se frottait aux théories de la complexité, de la biologie, des nouvelles technologies et de l’écologie. Après 1981, la gauche reconnaissante le gratifia de la mise en place interministérielle du Cesta, Centre d’études des systèmes et technologies avancées, d’où allait surgir entre autres le programme Eurêka. Par la suite Jacques Robin créera nombre de petites entreprises de pensée collective, tels le groupe Transversales Sciences Culture.

Emmanuel Lemieux


Michel Godet

J’apprends avec grande émotion et tristesse la mort de Jacques Robin depuis un mois. Je garderais le souvenir d’un homme de passion d’enthousiasme et d’engagement. Nos chemins s’étaient séparés ces dernières années mais je garde très vivant les trois années passées à ses cotés au moment du grand "Colloque Recherche Technologie et industrie", puis du Cesta.

Je suis sûr que jusqu’au bout il est resté à l’écoute du monde et des autres, curieux de tout débordant de tonus.Et capable d’entraîner ses amis dans un nouveau projet au service du bien commun.

Il nous a laissé un peu de sa force de vie. Merci Jacques.

Michel Godet



A Jacques...

le 13 juillet 2007  par René Passet

Nos routes se sont rencontrées, il y a exactement cinquante-cinq ans, au sein d’un de ces premiers mouvements européens alors très actifs - la Gauche européenne - à la création duquel tu avais pris une part importante. Nous ne savions pas, qu’elles ne se sépareraient plus. Cinquante-cinq années d’amitié...

Quelque chose en moi se refuse à ce que je campe aujourd’hui la statue, figée dans sa perfection, d’un personnage qui s’appellerait Jacques Robin. Je crois que ce serait te trahir. Ce n’est pas un personnage que nous avons aimé, mais une personne, avec ses qualités et ses défauts, ses forces et ses faiblesses.

C’est donc de Jacques mon ami que je parlerai.

-  Jacques avec lequel j’ai partagé tant d’espérances et de projets, mais aussi de doutes et de difficultés. C’étaient de longues heures pendant lesquelles on se confiait sans réserve l’un à l’autre ; des moments d’authenticité, fréquents entre nous, dont nous ressortions comme réconfortés et rassérénés.

-  Tu t’intéressais à tout : du sport où tu avais brillé dans ta jeunesse, à l’art (la peinture en particulier), la politique et, bien sûr, aux dernières avancées des sciences. J’ai toujours été abasourdi par ta capacité de lecture. Tu dévorais tout - avec une rapidité époustouflante - et tu aimais partager : « René, il faut absolument que tu aies lu ce livre ! » ; et René lisait le livre... A côté de combien de trésors serais-je passé sans les voir, si je n’avais bénéficié de tes conseils. Et nous en discutions. Ainsi s’opérait, ce que tu te plaisais à qualifier de miracle de l’échange intellectuel dans lequel chacun s’enrichit de ce qu’il reçoit tout en conservant ce qu’il donne ; tu savais recevoir et tu savais donner .

-  Ce qui m’a le plus stupéfié dans ces échanges, c’est ton intuition, ce don extraordinaire que tu avais de renifler l’importance des choses. Avant même que tu saches t’en expliquer rationnellement, quelque fibre sensible en toi pressentait, très tôt, ce qui allait être décisif. Et je dois dire qu’à l’expérience, j’avais pris l’habitude - même lorsque ma raison renâclait - d’accorder la plus grande importance à tes intuitions.

Je regarde autour de moi les amis qui t’entourent aujourd’hui, toutes générations confondues. Non seulement tu en as fait tes amis, mais la plupart sont devenus amis entre eux. Tu reliais les êtres. Je crois qu’un des premiers secrets de cette aptitude, c’est que tu ne pouvais pas vivre sans te sentir, toi-même, constamment entouré d’affection. Cela dissimulait sans doute - au-delà de l’assurance de façade - quelque fragilité intérieure qui, loin d’être une faiblesse, contribuait à la richesse de ta personnalité tout en faisant de toi une personne touchante et attachante.

Tu étais de ceux dont la rencontre transforme les existences. Je n’évoquerai, en ce qui me concerne, que ce Groupe des Dix qu’avec quelques amis tu as créé en 1967 et qui, pendant près de dix ans, a fortement contribué au développement du dialogue entre les sciences et au développement de la transdisciplinarité.

Ce groupe a bouleversé la manière dont chacun de nous a conçu sa propre discipline, dans la relation avec le monde. Il suffit de lire les travaux que ses membres ont produit, avant et après, pour s’en convaincre. Pour ma modeste part, je sais que jamais plus l’économie ne pourra être cette science de l’optimisation en vase clos que Wilhelm Röpke comparaît à l’art de faire une valise. Désormais la valise s’est ouverte et elle échange avec les milieux humain et naturel dans lesquels elle baigne...

Si j’accorde tant d’importance à ce Groupe, c’est aussi parce que je crois que son esprit se trouve au cœur de tout ce que - toujours entouré de tes amis - tu as fait ou contribué à faire par la suite : le Cesta, le Grit, Transversales, et les multiples organismes qui les accompagnaient, le « Groupe de Bled »...

Je reviens sur l’expression « toutes générations confondues », car ce mélange des générations illustre bien cette autre obsession qui me semble avoir caractérisé ta vie : le souci constant de l’avenir.

Ce souci apparaît dans tous tes engagements et dans tous tes écrits : de « Changer d’ère » qui annonce la passage à l’informationnel, à « L’urgence de la métamorphose », écrit avec Laurence Baranski et que, l’un et l’autre, vous m’aviez demandé de préfacer. Symbole très fort pour moi : j’aurai ainsi préfacé, en 1975, ton premier livre issu d’une réflexion transdisciplinaire « De la croissance économique au développement humain » et je viens de préfacer le dernier. La boucle est en quelque sorte bouclée.

Dans l’infini des temps et de l’espace, combien peut paraître insignifiante chacune de nos existences et combien dérisoires nos efforts pour transformer le monde. Cela tu l’as toujours su. Mais tu savais aussi que chacun de nous est le maillon indispensable par lequel passe l’histoire et que, pour aussi infime que soit notre vie individuelle, nous sommes responsables de ce que nous en faisons : « Que faisons-nous de notre vie ? » était devenu, au fil des temps, une de tes interrogations favorites. Cette responsabilité tu l’as pleinement assumée.

Il y a ici côte à côte, la vieille et fidèle garde toujours active et la génération montante qui, à sa façon mais dans le même esprit d’humanité, d’ouverture et de transdisciplinarité que tu as su si bien promouvoir, s’attache à prendre la relève. Chose rare, tu as su préparer cette relève. Tu continueras donc à vivre dans le cœur et dans l’esprit de ceux qui t’ont aimé. Et ta pensée vivra longtemps à travers les écrits et les actions de ceux qui s’inspireront de ton oeuvre.

Adieu Jacques, il nous faut maintenant poursuivre la route sans toi et tu vas terriblement nous manquer.

René Passet
Chatou le 12-07-2007


Toi seul

le 13 juillet 2007  par Véronique Kleck

Aujourd’hui tu es parti. Je ne te reverrai pas. Je garde le souvenir de toi, une image étrangement nette devant mes yeux. Toi, sur ton canapé, toi qui t’émerveillais toujours de cette tour Eiffel au kitch clignotant, ou des fleurs nouvelles sur ta terrasse, du retour du couple d’oiseaux... tu m’offrais du champagne, toujours, dans des verres gigantesques, au fond épais. Il n’y a pas si longtemps tu te servais du whisky pour m’accompagner. Et puis tu n’as plus bu de whisky. Tu parlais. Je t’écoutais me dire tes lectures, tes découvertes, tes révoltes... tu cherchais agacé l’article ou la lettre que tu voulais me montrer... et puis tu racontais aussi les hommes et les femmes que tu aimais... et les enfants aussi... et à un moment, toujours, tu me regardais dans les yeux et tu me demandais « et toi, ma véro, comment vas tu ? ».

Tu es un des hommes de ma vie. Et une seule main suffit à les compter. Tu m’as fait devenir ce que je suis devenue. Ma vie n’aurait jamais été celle qu’elle a été et est encore aujourd’hui, sans toi. Tu as pris ma main, il y a longtemps déjà, et tu m’as fait gravir une montagne, en m’ouvrant le chemin, pour me montrer ce qu’il y avait derrière la colline. Toi seul savait ce que tous ignoraient : le prochain carrefour, le futur déjà présent, le lointain si proche. Et tu savais découvrir en chacun de nous ce qui le faisait grandir, ce qui le rendait meilleur. Tu as rendu ma vie belle, pleine, riche.

Samedi dernier, je t’ai appelé pour venir te voir. Tu as dit que tu avais plein de choses à faire, que tu étais un peu fatigué.... Je savais que tu me racontais des histoires... et puis tu es parti, sans me dire au revoir. C’est sûrement mieux comme ça. Je prendrai une coupe toute seule, en laissant pleurer mes yeux. Tu seras là, toujours. dans toutes les bulles de champagne de ma vie. Merci pour tout mon Jacques. A bientôt. Vero


La vie avec Jacques

le 12 juillet 2007  par Annie Batlle

Difficile d’imaginer la vie sans Jacques. Il faisait partie de la mienne (comme de celle de beaucoup d’autres), depuis si longtemps, intellectuellement et affectivement. Parce que chez lui l’intellect et l’affect ne faisait qu’un (d’où son enthousiasme notamment pour Damasio). Il aimait tant la vie : les hommes et les femmes (les femmes plus particulièrement, qui le lui rendaient bien). Il cultivait les concepts avec passion. Il dégustait les livres avec autant de gourmandise qu’une coupe de champagne ou un chocolat. Le dernier était souvent « le meilleur que j’ai lu depuis longtemps, il faut absolument que tu le lises ! »... et je lisais. Il adorait les mélos et pleurait au cinéma (« c’était beau, tu sais »). Il y a quelques jours encore, il allait au théâtre avec Colette, voir « Sur la route de Madison ». Imbattable sur la peinture, à propos de chaque exposition il vous faisait une piqûre de rappel saisissante sur la vie, le contexte, le caractère de l’artiste. Il vibrait pour de nombreux sports : foot, rugby, athlétisme, tennis. Pendant les Jeux Olympiques ses coups de fil étaient plus brefs.

Il adorait tous nos petits secrets avait toujours un regard indulgent et objectif et des conseils avisés. Lui-même se livrait volontiers : « je ne le dis qu’à toi ! ».

Il savourait les brioches de Daloyau et le Deutz. Il nous faisait profiter à tous de sa cantine raffinée, « La Cigale/ Récamier », alors que lui même se nourrissait très peu. Il roulait dans une vieille Peugeot cabossée et il fallait le supplier pour qu’il s’achète une nouvelle veste.

Jacques se mettait rarement en colère, préférait charmer ou se battre pour convaincre que pour avoir le dessus et ne sortait de ses gonds que confronté à une lâcheté ou une trahison. Et encore, cela le rendait plus triste que furieux.

C’est sans doute parce qu’il avait été un enfant choyé et un homme aimé « j’ai été abreuvé d’amour » qu’il avait une telle force, un tel optimisme au quotidien, un telle capacité de diriger sa vie, de faire ce qu’il voulait et d’entraîner les autres dans son sillage... et de se faire tout pardonner. Enfant gâté certes, mais responsable de tous les maux de l’humanité qu’il voyait plonger dans une spirale infernale, et capable d’affronter avec une élégance et une pudeur insensées les maladies graves et la mort.

Rarement un homme n’a pris autant d’espace dans autant de vies !!! Les affections (pas plus que les informations) ne s’annulaient pour lui, mais ne faisaient que s’ajouter.

Nous nous sommes connus dans les années 70 alors que nous changions de vie tous les deux, et nos deux couples ont été très liés dans le bonheur et les peines et dans la grande douleur de la mort de Monique.

Je le revois grand patron à Clin Midi, sans cravate (à l’époque ce n’était pas tendance dans l’industrie), manches retroussées, appelant toutes les femmes « Mademoiselle ».

Nous avons crées ensemble avec Joël, l’Association Macroscope. J’ai été la première salariée du CESTA et y suis restée jusqu’à la fin. J’ai fait avec lui la première version de la première lettre Science Culture.

L’année ou Jacques mit en place le Cesta fut épique et inoubliable. La gauche était revenue, l’avenir nous appartenait, nous refaisions le monde, portés par Jacques... et les nouvelle technologies. Beaucoup plus tard, à la retraite moi même j’ai rejoint le Grit/ Transversales / Science Culture dont Jacques est resté l’âme et dont le 33 rue de Sèvres a abrité les réunions jusqu’à il y a quelques jours.

Doué, généreux, multiple, Jacques était un être rare, un défricheur, qui nous a rendu tous plus intelligents et plus humains

En mai dernier je suis allé le voir avec un de mes petits fils, Thomas, 5 ans. Jacques lui a montré sa terrasse et ses fleurs, lui a donné des chocolats - bien sûr- et discuté avec lui comme un grand. Quand nous l’avons quitté Thomas m’a demandé : « c’est ton grand copain ? ». J’ai évidemment répondu « oui » et il a conclu : « tu en as de la chance d’avoir un copain comme Jacques ».

Nous avons tous de la chance d’avoir eu un copain comme Jacques.


Une rencontre et une amité tardive...

le 10 juillet 2007  par Claire Souillac

Comme pour nombre de ceux qui ont eu la chance de le côtoyer, lorsque Jacques est entré dans ma vie, il y a seulement trois ans, ce fut pour ne plus en sortir. J’étais alors étudiante en sciences de l’information et de la communication et nourrie de La Méthode d’Edgar Morin. Je devais m’atteler à la rédaction d’un mémoire de DEA que je souhaitais faire porter sur l’information, mais en dépassant une simple restitution historique de sa mise à jour, avec l’idée de le relier à l’humain, sans pour autant avoir encore les idées très claires sur la manière d’aborder mon sujet.

C’est dans ce contexte que j’ai tout d’abord approché Joël de Rosnay qui avait accepté de répondre à quelques questions sur la complexité, la transversalité,... Pour me préparer à cette entrevue, j’avais entre autre lu le livre de Brigitte Chamak sur le Groupe des Dix, dont je ne connaissais pas auparavant l’existence du principal instigateur. M’entretenant, avec un Joël passionné, de cette aventure intellectuelle dont bien des années plus tard avait jailli le GRIT, il me confirma alors que non seulement cette dernière association existait toujours, mais encore que la structure avait grand besoin d’une coordination plus suivie qu’elle ne le pouvait dans l’état de ses ressources. Evidemment, je fus d’emblée très enthousiaste à la perspective de pouvoir rejoindre un tel vivier d’idées et d’hommes... Joël m’orienta alors sur Laurence Baranski qui assumait ce rôle de coordination dans la mesure du temps que lui laissaient ses autres engagements, laquelle m’aiguilla sur Jacques Robin, ultime personne à rencontrer et « convaincre » que cette tâche pouvait peut-être m’être assignée.

Je le rencontrai chez lui, fin mai 2004, et fus dès l’abord impressionnée et séduite tant par les piles d’ouvrages -très visiblement parcourus avec la plus grande attention- jonchant la table du salon où il recevait, que par le vieil homme qui me faisait face... Comme d’autres l’ont dit, Jacques avait un regard très pénétrant, toujours empreint d’une bienveillante curiosité : il semblait soumettre à la question mais toujours pour extirper le meilleur de nous - et en veillant à ce que son interlocuteur fût à l’aise.

S’étant fait une idée de l’étendue évidemment très parcellaire de mes connaissances, il s’empressa de me conseiller des lectures, d’ouvrir devant moi les portes de réseaux et références dont j’étais totalement ignorante. Je ne savais pas encore où j’avais mis les pieds, comme je ne savais pas non plus que les problématiques dont je cherchais à m’emparer occupaient ardemment l’esprit toujours en alerte de Jacques.

L’été allait arriver, et durant ces mois estivaux le GRIT tournait au ralenti, la plupart de ses membres parcourant monts et vaux. Je ne devais pas quitter Paris afin de rédiger mon travail ; Jacques restait également. Ces circonstances firent que nous eûmes tout loisir de nous rapprocher, de découvrir nos affinités.

Il assista ainsi à la genèse de mon mémoire avec une constance et un intérêt éloquents, et bien sûr le nourrit de toute la richesse du savoir qu’il m’insufflait. Trois à quatre fois par semaine, je me rendais chez lui, et aussitôt il me questionnait sur l’avancement de mes réflexions et lectures, réclamant avec avidité la moindre des pages que j’avais pu noircir. De chacune de ces visites, je repartais les bras chargés des livres ou éditions de Transversales Sciences Culture qu’il me confiait, dont tel passage était susceptible d’apporter de l’eau à mon moulin... La fois suivante, nous échangions nos impressions. Ces ouvrages qu’il m’a offerts, pour la plupart affectueusement adressés à Jacques par leur auteur, constituent aujourd’hui une bibliothèque pétrie de vécue et de sentiment.

La rentrée est venue et les activités du GRIT ont repris, mais nos rituels étaient déjà bien installés ! Il m’a accompagnée tout au long de ces mois d’apprentissage au service du GRIT. Lorsque Jacques offrait sa confiance, il partageait ce qu’il était, ce qu’il aimait sans détour ni arrière-pensée.

Surtout, de ces échanges tantôt paisibles, tantôt impétueux, toujours entiers s’est ensuivie une amitié intense. Les décennies entre nous ne nous ont jamais séparés mais au contraire ont irrigué une profonde communion d’idées et de vues, sur la folle course du monde et des hommes, les petits bonheurs de la vie et les tsunamis, Lou Andréas Salomé et Laure Manaudou, l’art et l’utérus artificiel, l’information cette grandeur, ses amours, et celles des êtres qui lui étaient chers...

La précieuse période que j’ai vécue à ses côtés - ces instants de quiétude sur le balcon visité par les tourterelles comme nos discussions houleuses, la sagesse émanant d’une vie pleinement menée et d’une personnalité épanouie, sagesse dont il était si peu avare - me resteront un trésor inestimable dans lequel je puiserai toute ma vie, surtout aux meilleurs moments qu’elle me réserve encore, car Jacques était un grand et bon vivant et je l’entendrai toujours me dire : « Accepte le bonheur, Claire, accepte ton bonheur ! »...


Jacques Robin. De la Transversalité à la Métamorphose, un enseignant

le 9 juillet 2007  par Laurence Baranski

J’ai toujours écouté et appris avec application mes leçons scolaires, puis lycéennes, puis universitaires. Pourtant je ne comprenais toujours pas grand-chose au monde qui m’entourait. Je me suis alors mise en chemin et j’ai cherché : Qu’y avait-il à comprendre en ce monde ? Comment le comprendre ? Qui pouvait m’aider à comprendre ?

J’ai lu, j’ai provoqué des rencontres, j’ai questionné. Avec toujours cette même demande : aidez-moi à comprendre.

C’est ainsi qu’au fil des années, sur des chemins de traverse en marge des chemins d’enseignement officiels, je m’initiais à de nouvelles grilles de lecture du monde et de moi-même : la biologie des comportement, la complexité, la transversalité, la transdisciplinarité. Et je devenais progressivement une « personne symbiotique ». J’ai une grande reconnaissance pour mes enseignants successifs, qu’ils le furent au travers des conversations ou par livres interposés. Claude Grenier tout d’abord, puis tout particulièrement Henri Laborit, René Passet, Joël de Rosnay, Edgar Morin.

Un point commun apparaissait entre ces différentes enseignants, ou plutôt une personne commune : Jacques Robin. Michel Gonzalez, journaliste scientifique, m’avait dit à peu près en ces termes, on était en 1995 : « Jacques Robin est l’homme qui a le cerveau le plus riche d’informations et de liens entre ces informations que je connaisse. Et j’en connais... » En 1999 j’ai osé adresser à Monsieur Robin, c’est ainsi que je m’adressais à lui la première fois, un manuscrit que j’allais publier, ceci en vue de recueillir son avis, et peut-être une préface. Je me présentais dans mon courrier comme une élève nourrie de la pensée complexe et transdisciplinaire à laquelle il avait donné force et vitalité dès 1967, à travers le Groupe des Dix. Jacques ne m’a pas répondu. Je me suis dit « Laurence, retourne à tes études ». Pourtant, trois mois plus tard, mon téléphone a sonné, c’était Jacques Robin. Il s’excusait, avait été malade, mais avait fini par prendre connaissance de mon travail. Il avait aimé. J’en tremblais au téléphone. Cette appréciation était le plus beau des diplômes que je pouvais recevoir. Mais tout de suite après cet instant de plénitude valorisante, je me suis mise à crouler, jusqu’à presque m’effondrer, sous une pluie d’ouvrages et d’idées qui de toute évidence avaient dramatiquement échapppé à ma sagacité : « C’est très bien mais... Vous n’avez pas cité... Vous ne parlez pas de... Vous ignorez totalement... Il faut absolument lire... ». J’avais encore tout à apprendre. Je me suis redressée. Puis je me suis rendue au 33 rue de Sèvres, son domicile. C’était il y a 7 ans. Je n’ai plus quitté Jacques. Et je n’ai cessé d’apprendre.

Parmi ses multiples talents, Jacques en possédait un très précieux : celui de voir au-delà de ce que les personnes savaient d’elles-mêmes, de voir le potentiel qui était le leur et qu’elles ignoraient encore, l’endroit où la vie les invitait à aller, ce qu’ils leur était possible de réaliser et la manière dont nous pouvions nous réaliser. Grâce à ce talent, Jacques a aidé nombre d’entre nous à grandir. Il m’a aidé.

Ensemble, et très rapidement avec l’aide affectueuse, pertinente et complice de Philippe Merlant et de Patrick Viveret, puis par la suite de beaucoup d’autres, nous avons donné naissance au projet Interactions Transformation Personnelle-Transformation Sociale. Un projet qui œuvre pour plus de conscience et de lucidité dans les rapports humains, que ce soit dans le champ de la citoyenneté, de l’école, de l’entreprise, du social ou encore du politique et de l’exercice du pouvoir.

Durant ces 7 années nous avons aussi écrit. Des textes destinés au réseau Transversales Science Culture, ou des articles à diffusion plus large tout d’abord. Puis un début de manuscrit que Jacques souhaitait situer dans le prolongement de son livre Changer d’ère, paru au Seuil en 1989. Je l’accompagnais dans ce travail, ainsi que Claire Souillac avec laquelle il avait plaisir à travailler sur le thème de l’information, une grandeur physique, ne cessait-il de repréciser, dont les humains se saisissent depuis peu et qui bouleverse de manière totalement inédite nos rapports économiques et sociaux. Cela nous obligeant à imaginer un projet de société radicalement différent, avec en tout premier lieu des systèmes économiques totalement nouveaux, système rajoutait-il, dont on voit déjà les prémisses expérimentaux sur les 5 continents...

Puis un jour, nous étions sur la Terrasse du 33 rue de Sèvres, c’était en été 2005, Jacques m’a dit à quelques mots près ceci :

-  « Laurence, tu te rends compte, mille milliards de galaxies. Il y a mille milliards de galaxie !!!... Et nous, nous allons faire sauter la planète. C’est tout ce que nous aurons su faire. Les politiques sont irresponsables. La Droite comme la Gauche. Et même les mouvements altermondialistes. Personne ne parvient à comprendre et à se saisir de l’ère de l’information. Pourtant c’est vers l’économie de la gratuité qu’elle peut nous conduire. Et vers la coopération, la co-évolution entre nous et avec la Biosphère... et aussi vers le métissage. Le métissage, c’est essentiel, c’est notre avenir. »
-  « Est-ce que tu penses qu’on peut y parvenir ? »
-  « Je crois que c’est foutu. Mais il faut essayer (Jacques était un peu plus pessimiste en 2005 que dans les mois qui suivirent). Mais bon sang, tant qu’ils s’entêteront avec leur Croissance absurde, leur PIB mortifère et leur économie de marché d’un autre siècle... C’est stupide, irresponsable. Et certains osent encore dire que la situation écologique n’est pas si grave que cela. Mais ils sont aveugles. C’est la catastrophe généralisée qui nous attend ! »
-  « N’y a-t-il pas d’espoir ? »
-  « Si. La conscience humaine, c’est notre espoir. Prendre conscience qu’elle a sa propre aventure, qui s’inscrit dans celle beaucoup plus vaste de l’univers. 13,5 milliards d’années ! L’univers, la conscience humaine, et l’humanité. Leurs trois aventures sont liées. C’est cela qu’il faut intégrer. Et c’est sur ce socle qu’il faut fonder un véritable projet politique à la fois national et planétaire. Une écologie humaine et politique à l’échelle planétaire. »
-  « Est-ce cela que tu as envie d’écrire ?... »
-  « Oui. »

Mon imaginaire avait l’habitude de se promener dans les étoiles. Jacques regardait la Terre et les activités humaines avec une acuité, une lucidité et une intuition sans pareil. C’est ainsi qu’est né l’ouvrage L’urgence de la Métamorphose. Nous avons travaillé. Nous nous sommes aussi énormément amusés, parfois comme des enfants. Et moi, j’ai continué à beaucoup apprendre.

Nous avons bénéficié de l’aide inestimable de René Passet, ami de toujours de Jacques, qui nous a aidés tel un « sage-homme » à accoucher, et a rédigé la préface en resituant leur amitié dans l’aventure des combats d’idées et d’actions qui les avaient réunis toutes ces années. Edgar Morin, autre ami fidèle de Jacques, a accepté d’écrire la postface et nous a offert un superbe éclairage sur le processus « métamorphique ». Nous étions bien entourés. Jacques en fut très touché. Et moi très fière.

Véronique Anger qui fondait alors les Editions Des Idées et des Hommes avait la générosité de nous faire confiance et avait accepté de publier l’ouvrage. Henri Trubert, Editeur chez Fayard, l’avait refusé. Mais il nous a tellement poussé dans nos retranchements d’écriture et d’argumentation au fur et à mesure de l’avancement du manuscrit qu’il a grandement et intelligemment contribué au résultat final, le message que Jacques souhaitait livrer à ses contemporains.

Voilà... Jacques était convaincu que les deux moteurs de l’humanité sont l’amour et la curiosité. Il le disait. C’est aujourd’hui un héritage précieux de cœur et de pensée qu’il nous lègue. Nous n’avons plus qu’à nous en emparer et ceci sans aucune réserve. Car les idées ne s’appauvrissent pas au fur et à mesure que l’on s’en sert, il le savait. Au contraire, elles s’enrichissent, se fécondent, se démultiplient et nous permettent de grandir. C’est cela aussi l’Ere de l’information. Une ère qui nous permettra de sortir des limites que nous nous sommes imposées à force de systèmes économiques, sociaux et culturels repliés sur eux-mêmes, qui s’épuisent et nous épuisent. Une ère qui peut nous conduire, comme aimait le dire Jacques, à approcher la sensation de l’infini. Un infini à la fois dense et léger. Un infini à explorer de manière résolument responsable, lucide et toujours plus consciente...

Jacques, j’ai eu le bonheur et l’honneur d’être proche de toi durant ces dernières années. Merci, mille milliards de « merci », autant que de galaxies, pour avoir été pour moi, et pour nous, ce guide, ce passeur, ce merveilleux enseignant. Cet ouvreur de voies nouvelles. Tu m’as permis non seulement de trouver des réponses à mes questions, mais en plus de devenir « acteur » de ma propre vie.

Une toute dernière chose... Annie Batlle, Valérie Peugeot, Véronique Kleck, Cécile Blériot, Ann-Corinne Zimmer... Sur le terrain de l’activisme transversal et transdisciplinaire, nous étions plusieurs à être proches de toi. Nous nous nommions, avec beaucoup d’affection et d’amitié, « les femmes de Jacques ». Dans cet espace d’engagement citoyen que nous partagions, nous avions toute notre place. Tu nous la laissais et plus encore tu nous encourageais à la créer, à la prendre, à l’occuper, à l’animer. Car tu pensais, et tu l’as écrit, que la montée des femmes sur la scène politique, au sens large du terme, était une des raisons essentielles d’espérer en l’avenir de l’humanité. A ton niveau, et au nôtre, tu as ouvert ce chemin là aussi. Merci aussi pour cela.


Jacques : trois instantanés

le 9 juillet 2007  par Valérie Peugeot

En complément des hommages de Joël, Jean, Laurence et Philippe, qui retracent si bien le personnage de Jacques dans sa richesse, je voudrais ici donner 3 petits instantanés, certainement anecdotiques mais si typiques. Pour partager avec ceux qui n’ont pas eu la chance de le côtoyer au quotidien.

Porte ouverte (1989)

Assise dans le square Boucicaut j’attends. J’ai mis ma plus belle robe, je suis arrivée en avance et je compte les minutes, cœur serré, impressionnée à l’avance de cette rencontre. Je ne savais pas à quel point mon émotion était justifiée et combien cet échange allait marquer un tournant de ma vie. Assistante parlementaire débutante, chargée de rédiger la première mouture d’un rapport sur les sciences sociales et humaines dans le cadre du 3ème programme cadre de l’Union européenne, j’ai été orientée vers Jacques Robin pour défricher le sujet, tracer les grandes lignes de ce qui pourrait être la défense d’une approche transdisciplinaire des sciences, et l’intégration des questions écologiques dans les programmes scientifiques européens. Tout de suite Jacques m’ouvre sa porte et m’accueille sur son magnifique balcon, entre tourterelles, verdure et paix, me donnant son temps, ses connaissances, ses références, ses contacts avec une générosité et une simplicité dont il ne se départira jamais, ne rechignant pas devant l’océan d’ignorance de la jeune femme qui était venue frapper à sa porte.

L’Equipe (1992-1998)

Il est 10heures, je suis au bureau en train de travailler, dans cette Maison Grenelle où sont installées la lettre « Transversales Sciences Culture » et une dizaine d’autres associations. La plupart d’entre elles sont nées d’une idée et de l’énergie de Jacques ; elles œuvrent au renforcement de la citoyenneté active et de la démocratie participative (déjà !) [3] ; elles visent à repenser l’Europe [4], à tracer la voie d’une économie plurielle ou encore à dresser les contours d’une mondialisation financière civilisée [5]... A travers la vitre, j’aperçois Jacques assis dans sa voiture, garée sous nos fenêtres. Sur ses genoux, grands ouverts, Libération et l’Équipe, ses indispensables compagnons du matin, qu’il feuillette. Dans quelques instants, je sais qu’il va entrer en tornade dans mon bureau et m’interpeller : as-tu lu le papier de X dans le Monde d’hier soir ? Et la tribune de Y dans Libé de ce matin ? Au fait il faut absolument que tu lises le livre de Z, absolument, tu m’entends, absolument ! Emportée dans son enthousiasme, je m’attelle de plus belle à la préparation du colloque ou du séminaire du moment. Oui nous formions, tous autant que nous étions à la Maison Grenelle, une équipe inédite et créatrice, catalysés par Jacques.

Curiosité sans limite (2005)

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Jacques Robin 1er Avril 2005 - Propriété intellectuelle et développement

Assise à la tribune, j’anime une session de cette rencontre sur la propriété intellectuelle et le développement organisée par Vecam [6], l’une des associations nées des intuitions de Jacques. Pour la première fois en France, nous avons réussi à réunir des militants - français, indien, africains, états-uniens... - engagés dans la défense des médicament générique, du logiciel libre, des savoirs traditionnels, des semences paysannes... toutes questions traversées par un même défi : celui de l’équilibre à (re)construire entre bien commun et propriété des idées, des informations, des connaissances. En face de moi, dans une des travées de l’amphithéâtre, silhouette déjà frêle au milieu de l’assemblée, Jacques est assis, casque d’interprétariat sur les oreilles. A chaque intervention, je le vois qui opine et réagit, commentant à haute voix pour sa voisine, tellement impliqué et passionné qu’il en oublie parfois de baisser la voix ! Je m’aperçois que certains co-organisateurs de la rencontre, qui ne connaissent pas Jacques, sont à la fois surpris et émus de la présence de ce vieux monsieur, présence si active et bouillonnante. C’était Jacques tel qu’en lui-même, avec sa curiosité insatiable. Jacques tel qu’il reste en mon souvenir.


Adieu Jacques, nous continuons

le 7 juillet 2007  par Philippe Aigrain

Jacques Robin est mort ce matin du 7 juillet 2007.

Ses analyses ont été importantes pour moi près de 20 ans avant que je n’aie eu la chance de le rencontrer personnellement (en rejoignant Transversales Science Culture en 2003, lors de mon retour en France). Si ma mémoire ne me joue pas de tours, c’est aux premiers temps du CESTA en 1983 ou 1984 que j’ai lu un bref texte de Jacques Robin où il appelait à prendre conscience des mutations essentielles de l’ère de l’information. Ce fut pour moi un moment clé. J’y vis la confirmation de ce que la visée d’une construction sociale, anthropologique des techniques informationnelles n’était pas une idée complètement loufoque, qu’il y avait des gens sérieux qui y croyaient aussi. Cet effet de Jacques - dont j’ai bénéficié à distance - était en réalité typique. On ne compte pas les personnes à qui il a donné la confiance de croire en ce dont ils étaient porteurs, qu’il a mis en relation avec des complices, qu’il a poussés sans cesse à aller plus loin. Cet infatigable sprinter (et sauteur en longueur) a fini par être rattrapé par la fatigue de l’âge. Et son travail est inachevé.

Tous ceux qui comme moi l’ont suivi dans l’effort de faire comprendre la portée des mutations informationnelles ont une dette particulière à règler. Car ce grand amoureux de la vie était éternellement insatisfait de ne pas avoir réussi à communiquer pleinement sa vision de ce qu’est l’information, vision qu’il portait comme une lampe torche éclairant le monde et l’actualité. Une phrase revenait pour nous rappeler cette insatisfaction : l’information est une nouvelle dimension de la matière. Elle lui servait à rappeler que c’est le rapport des êtres humains à l’univers matériel et à la production qui devra se transformer tout autant que les échanges intellectuels et sociaux. Bien des complices ont tenté d’expliquer en quoi consistait cette information, sans vraiment traduire tout ce qu’il voulait dire. Lui même tentait parfois d’illustrer sa vision par des fresques plus générales, mais sans vraiment parvenir à la faire partager. C’est que le temps n’était pas mûr, que les pratiques (scientifiques, techniques, humaines) n’étaient pas encore au diapason. Il y a toujours une injustice à que s’interrompe une vie et tant d’amitiés. Mais cette injustice là, ce refus du temps de venir assez vite pour rendre pleinement communicable son intuition, nous allons continuer à essayer de la réparer.


Jacques Robin, l’homme qui relie

le 7 juillet 2007  par Jean Zin

Il avait des idées très claires sur ce qu’il fallait faire, bien que trop en avance sur son temps sans aucun doute, puisque c’était un des pionniers de l’écologie-politique, un des premiers à défendre la nécessité d’un "développement humain" et d’un revenu garanti ainsi que de monnaies sociales et d’une économie plurielle ("avec marché" et non pas "de marché"). Il a participé à la diffusion de la théorie de l’information, de la cybernétique et de la théorie des systèmes dont il a défendu une approche humaniste privilégiant l’autonomie. Enfin, toute sa vie, il a plaidé avec obstination pour une indispensable transversalité des sciences et des cultures, attentif à la complexité des interactions entre biologie, culture et techniques.

Il suffit de citer les noms de quelques uns de ceux qui participaient aux groupes de réflexion qu’il avait formés depuis 1966, à l’origine avec Henri Laborit et Edgar Morin : Henri Atlan, Jacques Attali, André Bourguignon, Robert Buron, Alain Caillé, Cornélius Castoriadis, Jean Chesneaux, Jean-Pierre Dupuy, André Leroi-Gourhan, Félix Guattari, André Gorz, Stéphane Hessel, René Passet, Armand Petitjean, Michel Rocard, Joël de Rosnay, Jacques Sauvan, Michel Serres, Roger Sue, Jacques Testart, Patrick Viveret, etc. (il faudrait en ajouter bien d’autres).

Son parcours est assez atypique, lui ayant permis d’échapper à tous les dogmatismes. Il a rejoint les cellules de la SFIO pendant la résistance et s’engagera pour la paix et la construction de l’Europe après la Libération, influencé par Marceau Pivert. C’était surtout un grand européen mais il s’intéressait déjà à la démocratie participative et à l’autogestion ainsi qu’à la pensée de Wiener et Shannon dès les premières conférences Macy (1946). Professionnellement, il a participé à la direction d’un groupe pharmaceutique (qui deviendra Sanofi) après avoir exercé la médecine quelque temps et rencontré Hans Selye (découvreur du stress).

Tout a commencé vraiment avec la rencontre d’Edgar Morin et Henri Laborit avec qui il fonde le groupe des dix qu’il recevra chez lui pendant 10 ans (1966-1976), accueillant des invités prestigieux comme Jacques Monod, René Thom, Gérard Mendel, etc., participant à l’évolution des mentalités et la réflexion sur le monde contemporain, avec le sentiment d’un changement complet de paradigme, depuis la révolution informationnelle qui s’annonçait à peine, exigeant le renouvellement de toutes nos pratiques politiques. Il sortira de ces travaux quelques livres majeurs comme "La Méthode" d’Edgar Morin (Jacques Robin participant surtout au volume sur "La Vie de la Vie"), Le merveilleux petit livre de Joël de Rosnay "Le Macroscope" ou celui de René Passet "L’économique et le vivant", etc.

Depuis cette époque, il n’aura de cesse de défendre une approche transversale de la politique et des sciences. En 1982, à la demande du gouvernement Mauroy, il met en place le Centre d’étude des systèmes et technologies avancées (CESTA dont sortira Eureka). Il fonde aussi le Groupe Science Culture, sous la co-présidence d’Henri Atlan et Jacques Robin, avec Jean-Pierre Dupuy comme vice-président, et dont émanera le GRI (Groupe de Réflexion Interdisciplinaire) en 1983, dans le prolongement du "groupe des dix".

Le GRI animait des réunions autour de trois thèmes centraux : l’impact des technologies informationnelles, la question de l’évolution biologique, les concepts d’autonomie et de complexité. René Passet, Jean Pierre Changeux, André Bourguignon, Henri Atlan, Edgar Morin, Joël De Rosnay, Cornélius Castoriadis, Isabelle Stengers participaient entre autres à ces débats.

En 1985 le GRI publiait une lettre d’information mensuelle, la Lettre Science Culture du GRI. Elle se voulait un espace d’information critique sur les multiples interactions entre science et culture. Armand Petitjean, Ilya Prigogine, Basarab Nicolescu et bien d’autres y écrivaient. Bioéthique sociale, auto-organisation, théorie de l’autonomie, partage des richesses et des activités, systémique, sémantique générale, crise de la psychiatrie, systèmes politiques en étaient les principaux thèmes discutés.

En 1987, le GRI deviendra le GRIT (Groupe de Réflexions Inter et Transdisciplinaires), en janvier 1990 la Lettre Science Culture deviendra Transversales Science Culture, lettre bimestrielle qui se transformera en 2002 en revue trimestrielle avant de se convertir en lettre électronique avec le site de Transversales.

C’est en 1989 qu’il publiera son oeuvre majeure "Changer d’ère" où il fait une synthèse de ses recherches.

Malgré ses grandes qualités, ce livre ne rend pas entièrement justice à Jacques Robin qui avait le don de relier les hommes et les idées, véritable catalyseur constamment animé d’un esprit de curiosité et de recherche avec une justesse d’appréciation qui ne s’est jamais démentie, ouvert à des pensées qui pouvaient sembler plus radicales que les siennes (Castoriadis, Guattari). Beaucoup vous le diront, le rôle crucial qu’il a tenu, c’est de s’intéresser à leur travail, de les avoir encouragés à le poursuivre et de les avoir confrontés à d’autres pensées en mouvement.

Pour ma part, j’ai découvert Jacques Robin en l’an 2000 où il m’a apporté son soutien à l’occasion de la création d’EcoRev’, soutien qui ne s’est jamais démenti depuis et qui m’a été d’un grand secours à un moment où il n’était pas aussi bien vu qu’aujourd’hui de parler de révolution écologiste ! Nous nous sommes rapprochés encore pendant l’expérience avortée des "Etats Généraux de l’Ecologie Politique" (EGEP) et j’ai fini par rejoindre le GRIT fin 2001 où j’ai fait plus ample connaissance avec la théorie de l’information m’attachant à donner plus de rigueur à ses intuitions, notamment sur le concept d’information et sur le lien entre l’ère de l’information de l’écologie et du développement humain, aboutissant en janvier 2006 à mon livre "L’écologie-politique à l’ère de l’information" (aux éditions è®e). J’ai écrit aussi, à son incitation, "Le monde de l’information" qui devait paraître ce mois-ci, mais dont la parution a été différée...

Nous étions très liés et il est bien difficile de témoigner de sa personnalité attachante qui a rassemblé tant d’amis autour de lui et qui nous manquera tant. Il m’a fait beaucoup écrire, me donnant des livres à critiquer, des thèmes à creuser... Ce qui m’a le plus touché chez lui, en plus de son dynamisme et de son insatiable appétit de connaissances, c’est sa capacité d’accepter la critique, m’encourageant sans cesse à développer mes idées mêmes quand elles étaient en contradiction apparente avec les siennes.

Ce que je lui dois le plus, c’est d’avoir compris en quoi la rupture de civilisation que nous connaissons trouvait son origine dans l’opposition de l’ère de l’information et de l’ère de l’énergie, systématisant les réflexions d’Henri Laborit (dans "La nouvelle grille" notamment). Son insistance sur la matérialité de l’information, matérialité paradoxale puisque l’information est immatérielle, m’a permis de comprendre surtout la raison profonde de la différence entre l’ère de l’énergie, où la cause est proportionnelle à l’effet, et l’ère de l’information où l’on perd toute proportionnalité entre travail et production, où les processus sont non-linéaires et reproductibles, où le travail devient précaire et flexible, où la coopération des savoirs remplace la concurrence de tous contre tous...

Il venait tout juste de publier "L’urgence de la métamorphose" co-écrit avec Laurence Baranski (Editions Des Idées et Des Hommes), livre destiné au grand public et dont il devait tout juste commencer à faire la promotion...



Quelques liens sur Jacques Robin

le 7 juillet 2007  par Rédaction Transversales


Si vous souhaitez envoyer un témoignage sur Jacques Robin, merci de nous envoyer votre texte à "crtransversales@le-forum.net"

-  politis

Jacques Robin, un utopiste fécond

Par Denis Sieffert, le jeudi 12 juillet 2007

Notre ami Jacques Robin s’est éteint samedi dernier, 7 juillet. Il aurait eu 88 ans au mois d’août. Nous l’avons connu en 1990 lorsqu’il fonda avec quelques autres, dont Patrick Viveret, la revue Transversales Sciences Culture. Toute sa démarche transparaît dans l’association de ces trois mots. Jacques Robin était un intellectuel de la pluridisciplinarité. Il combattait les étiquetages, les enfermements de spécialistes. Durant toute sa vie de penseur et d’homme de gauche, il s’est employé à réunir des personnalités et des compétences qui venaient d’horizons différents. Résistant pendant la guerre, héritier politique de la gauche socialiste de Marceau Pivert, puis proche de Michel Rocard, cet ancien médecin sera toute sa vie un rassembleur. Dès 1966, il est à l’initiative d’un groupe de réflexion qui réunit notamment Edgar Morin, Henri Laborit, Joël de Rosnay et René Passet. En 1982, à la demande de Pierre Mauroy, alors Premier ministre, il met en place le Centre d’études des systèmes et technologies avancées (Cesta) et fonde le Groupe science culture, avec Henri Atlan et Jean-Pierre Dupuy.

Mais, au-delà des sigles et des différents avatars de ces laboratoires de la pensée, c’est toujours la même démarche qui guide Jacques Robin : imaginer le futur en réunissant tous ceux qui étaient parvenus à s’élever au-dessus de leur propre science pour réfléchir à une nouvelle réalité sociale. Passionné d’informatique et de toutes les sciences de la communication, mais aussi par les évolutions de la génétique et de la biologie, il versait son savoir au profit de nouvelles formes de démocratie et d’une éthique exigeante. Au-dessus de tout, c’est l’organisation sociale qui captivait cet homme toujours en mouvement. Il interrogeait les potentialités de la science pour libérer l’homme des servitudes du travail. Ce qui l’a conduit notamment dans la proximité intellectuelle d’André Gorz. Il fut aussi parmi les premiers en France à penser l’écologie. Jacques Robin était un utopiste au meilleur sens du mot. Un esprit créatif. Nous regretterons profondément ses appels enthousiastes et cette aptitude communicative à garder foi dans l’avenir. Peut-être parce que son « avenir » nous projetait davantage « après-demain » que demain.

-  Petite brève d’Alain Lipietz sur son blog

Jacques Robin, n’est plus. Lui, le passeur d’idées, l’inusable animateur de Transversales-Sciences-Cultures et le cofondateur des États Généraux de l’Ecologie Politique. Un homme à la générosité infinie, qui préférait voir vivre une idée sans que l’on sut que c’était la sienne, plutôt que la voir s’étioler pour l’estampille de sa gloriole. Qui maternait cette idée dans des cercles avec d’autres intellectuels, pour la faire partager par les « politiques » qui voudraient bien s’en emparer.

-  Communiqué diffusé par Basarab Nicolescu sur le site du CIRET

Centre International de Recherches et d’Études Transdisciplinaires (CIRET)

Jacques Robin, membre fondateur et vice-président du CIRET, a quitté ce monde ce matin vers 9h. J’ai eu le privilège de connaître Jacques il y a un peu plus de 20 ans. Peu de temps après, quand j’ai fondé le CIRET, j’ai bénéficié du grand appui moral de Jacques. Le CIRET lui doit beaucoup pour sa fondation et sa consolidation. Ensuite nous avons toujours agi dans une même perspective. Il fut un de mes plus proches compagnons sur le chemin de la transdisciplinarité. J’ai eu aussi le privilège de publier en 1997, à son instigation, dans ma collection "Transdisciplinarité" des Editions du Rocher, le livre de Brigitte Chamak Le Groupe des Dix ou les avatars des rapports entre science et politique, qui raconte l’histoire du Groupe des Dix (1969-1976), fondé et animé par Jacques Robin et qui réunissait des personnalités comme Henri Atlan, Jacques Attali, Robert Buron, Joël de Rosnay, Henri Laborit, André Leroi-Gourhan, Edgar Morin, René Passet, Michel Rocard et Michel Serres. Car Jacques était aussi un merveilleux Hermes...

Peu de temps avant sa mort, il a publié, en collaboration avec Laurence Baranski, L’urgence de la métamorphose (Des Idées et des Hommes, Paris, 2007). Dans la préface de ce livre, l’ami de toujours de Jacques, René Passet (lui-aussi membre fondateur du CIRET) écrit :

"Plus d’un demi-siècle de luttes communes guidées par un même idéal humain, c’est l’histoire d’une amitié... Un demi-siècle pendant lequel j’ai pu admirer l’extraordinaire curiosité d’esprit de Jacques, son inlassable créativité, son intution, sa capacité à créer de la relation et des synergies (je pense notamment au Groupe de Dix, qui aura constitué un événement décisif pour beaucoup d’entre nous), son obsession de l’avenir..."

Basarab Nicolescu
Physicien théoricien au CNRS, Université Paris 6

-  Attac France

En hommage à Jacques Robin

article publié le 12/07/2007

Jacques Robin nous a quittés le 7 juillet 2007. Ses obsèques ont eu lieu ce jeudi 12 juillet.

Intellectuel de renom, doué d’une extraordinaire curiosité d’esprit et d’une inlassable créativité, Jacques Robin avait participé à l’aventure d’Attac dès l’origine et figurait parmi les fondateurs de l’association, aux côtés de Transversales-Sciences-Cultures dont il était l’un des infatigables animateurs.

Résistant pendant la guerre, militant du Mouvement démocratique et socialiste pour les Etats-Unis d’Europe (MDSEUE - qui n’allait pas tarder à devenir la "gauche européenne", dont il a assumé le secrétariat général) après guerre, Jacques Robin s’était illustré à partir des années 70 comme l’une des personnalités fondatrices, aux côtés d’intellectuels comme Edgar Morin, René Passet, Henri Laborit, Henri Atlan..., du « Groupe des Dix », club pionnier dans l’exploration des rapports entre science et politique et dans l’interrogation sur la place de la technoscience et son asservissement à l’économie de marché. L’un des premiers lieux de la pensée de l’écologie politique, sans aucun doute.

Il avait poursuivi par la suite cet engagement intellectuel et pratique dans de multiples lieux et expériences (CESTA - Centre d’étude des systèmes et technologies avancées, Groupe Sciences Cultures, GRI - Groupe de réflexion interdisciplinaire, GRIT - Groupe de réflexions inter disciplinaire, Lettre Science Culture, Transversales Science Culture), avec la conviction toujours renforcée de la nécessité de décloisonner les disciplines et de toujours relier sciences et politiques.

Jacques Robin, esprit lucide, en avance sur son temps, conscient des possibilités mais aussi des pièges de notre époque, a synthétisé ses brillantes réflexions dans plusieurs ouvrages, dont les plus marquants restent sans doute "De la croissance économique au développement humain" (1975) et "Changer d’ère" (1990). Il venait de publier, avec Laurence Baranski, un dernier livre, de vulgarisation, "L’urgence de la métamorphose", message adressé à" une Humanité qui se rapproche dangereusement de ce point de non-retour à partir duquel son autodestruction deviendra inévitable, mais qui peut encore surmonter les difficultés...au prix de profondes transformations subjectives et politiques..."

Attac salue sa mémoire et s’associe à la douleur de ses proches.

-  VivAgora

Jacques, La ferveur

Par Dorothée Benoit Browaeys, journaliste et déléguée générale de VivAgora

Jacques est parti à l’heure d’été où nous avions l’habitude de nous retrouver un peu, tranquillement tous les deux. Temps de recul, de ressourcement, de prospective, et d’affectueux échange. Comme un rituel, depuis quelques années, c’était Jacques qui, avec ses quarante ans de surplomb sur mon âge, pouvait m’aider à voir l’avenir. C’était lui qui, avec ses vastes voyages immobiles, pouvait lire le relief des événements. C’était lui qui, heureusement inscrit dans sa vie ample et généreuse, prenait dans son creuset, tourments et éclatements, pour en sortir... intégration et ferveur.

Jacques n’était pas fataliste. C’était un biologiste qui savait le pouvoir fécondant du vivant. Fondateur de la revue de biotechnologies Biofutur - ciel ma première pige en 1982 ! - il vivait avec bonheur, l’harmonie de l’écosystème et la confiance dans la transformation permanente. C’est pourquoi, il avait fait de sa fragilité une alliée, chose trop rare chez les hommes....

C’est ce père fondateur de Biofutur que nous sommes venus voir en 2002, avec Jean Jacques Perrier (qui pilotait encore la revue qu’Elsevier voulait vendre) pour lui parler de notre projet éditorial - le journal vivantinfo.com - et de la fondation de VivAgora pour développer les débats publics Sciences et société.

L’ampleur de sa vision et la douceur de son accueil me sont encore très présentes. Parmi tous les intellectuels auxquels nous avons demandé conseil à cette époque, Jacques se distinguait car il n’avait pas adopté le mode distancié pour aborder l’inconnu. D’emblée, il vous prenait.... dans son écosystème, en toute évidence.

Ainsi entrés chez lui, nous étions en famille. Souvenez vous de son anniversaire aux Métallos où tout était si simple, et ouvert à la fois à l’improvisation. Cohérence chaude et active d’un milieu de vie.

Jacques était l’aîné des conseillers de VivAgora. Celui qui nous a reliés à René Passet lors du premier cycle intitulé Le vivant est-il un bien commun ? René qui a formé plusieurs d’entre nous, membres de VivAgora. Sans nous souffler mot, Jacques a dû incidemment inspirer le titre de notre second cycle : Santé environnementale : Comment changer d’ère ? Et il s’est passionné pour les nanotechnologies en 2006, quand nous avons organisé nos 12 débats sur ce champ nouveau d’innovations.

Jacques nous a confirmé dans notre investissement pour civiliser la technique. Re-penser la technique selon la formulation du livre d’Andrew Feenberg - rencontré hier - qui a connu de si près, avec son père physicien, la gravité de la menace nucléaire. Ré-affecter la technique, ajouterait Bernard Stiegler conscient de l’importance du désir pour faire de l’aventure scientifique un accomplissement humain partagé.

En 1989, Jacques Robin s’inquiétait du déferlement technique, dans son livre Changer d’ère. « Nous sommes à ce tournant de l’histoire humaine où la technoscience asservit la culture aux impératifs de notre système industriel, marchand, militaire. Elle voue les privilégiés de l’Occident à l’accumulation sans fin de moyens de puissance et de jouissance, et condamne à travers le monde des masses croissantes d’exclus à la frustration, au chômage, à la misère ».

Ce message a fait plein de petits... Je pense par exemple à la critique de l’ostentatoire déployée par Hervé Kempf dans son livre Comment les riches détruisent la planète ? J’ai aussi en mémoire le témoignage d’André Lebeau dans L’engrenage de la technique, essai sur une menace planétaire ou celui d’Olivier Rey, Itinéraire de l’égarement. Du rôle de la science dans l’absurdité contemporaine.... Reste à transformer ces messages en actes responsables et efficaces !

Nous avons été gâtés de vivre la proximité exigeante et tonifiante de Jacques. Son engagement et sa force de regard continuent de nous relier et de nous irriguer. Prenons bien soin de lui, chez nous.

-  Sur http://www.villes-internet.net/

Le 7 juillet au matin Jacques Robin est décédé.

Dans son immense fertilité il a été celui qui a su nous entraîner dans l’engagement associatif, nous, ceux et celles qui ont porté les associations de la Maison Grenelle, dont Vecam et ensuite Villes Internet.

On doit rappeler ses engagements et sa vision de la civilisation. Il en comprenait l’étrange mélange d’intelligence et de destruction.

Au plus près de philosophes de notre temps il n’a cessé de faire le lien avec la réalité des organisations, nous incitant à agir et à penser collectivement.

Lors de notre dernière conversation il a balayé tous les sujets en nous avertissant sur l’urgence des risques climatiques et la banalisation qu’on en fait.

Si vous ne le connaissiez pas il est toujours temps de découvrir la profondeur de son travail qu’il présente lui-même sur : http://www.grit-transversales.org

Son énergie ne nous quittera pas.

Florence Durand-Tornare

http://www.villes-internet.net/UPLO...

-  URBANISME, SEPT/OCT 2007

Médecin de formation, ancien assistant des Hôpitaux de Paris durant une quinzaine d’années, directeur général, puis conseiller du président du laboratoire Clin-Midy, Jacques Robin est un stimulateur de projets, un secoueur d’idées, un mobilisateur de la pensée mise en commun, un militant de l’intelligence collective. Dans l’après-Mai 68, il est convaincu que les intellectuels ont un rôle à jouer pour aider la société à se transformer, à saisir les tendances qui la "travaillent" en profondeur, à anticiper sur elles, à formuler des axes de recherche et à préconiser des actions bien ciblées... suite

 

-  Jacques Robin, l’homme qui relie

Reprise de l’article de Jean Zin sur NaturaVox et sur le site des Verts :

http://www.naturavox.fr/article.php...

http://www.lesverts.fr/article.php3...

-  Reprise de l’annonce du décès sur Sciences Citoyennes

http://sciencescitoyennes.org/spip....

-  Planète écologie

http://www.planetecologie.org/

Interview, entretiens, textes

-  UN AUTRE MONDE EST POSSIBLE

Interview de Jacques Robin par Véronique Anger (04/2005) :

http://carpediemcom.free.fr/robinja...

-  Vidéo-conférence de Jacques Robin à l’EHESS en 2002 sur « De l’économie de marché a l’économie plurielle avec marché » :

http://canalc2.u-strasbg.fr/video.a...

ou directement :

http://mediawm01.cines.fr/3517/wind...

-  Révolution informationnelle, écologie et recomposition subjective, entretien entre Félix Guattari et Jacques Robin, republié dans Multitudes no 24 (printemps 2006).

http://multitudes.samizdat.net/arti...

-  Jacques Robin parlant de Monod et du prion - Juin 2005

Une petite vidéo de Jacques Robin, à son domicile, évoquant le discours de jacques Monod sur l’allostérie des protéines.

-  Page de WikiPédia :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacque...


Du groupe des 10 à Transversales...

le février 2007  par Jacques Robin

Du Groupe des Dix, au CESTA, au GRIT et à Transversales Science Culture, Jacques Robin a tissé l’histoire d’une pensée vivante en action... Voilà comment il présentait son parcours dans son dernier livre "L’urgence de la métamorphose" :

-  En 1966, à l’issue d’un colloque entre biologistes, sociologues, et philosophes, Robert Buron, Henri Laborit, Edgar Morin et Jacques Robin décidèrent de créer un groupe de réflexion qui pris le nom de Groupe des Dix. Ils furent rapidement rejoints par Jacques Attali, René Passet, et Joël de Rosnay.

L’objectif de ce groupe : mieux comprendre et cerner les rapports entre les sciences et les techniques d’un côté, la culture et le "politique" de l’autre.

Avec la participation de Jacques Baillet, Jean-François Boissel, Jacques Sauvan, André Leroi-Gourhan, Henri Atlan, Gérard Rosenthal, David Rousset, Monette Martinet, Françoise Coblence, Michel Serres, Jacques Piette, Odette Thibault, Alain Laurent, et bien d’autres, ce groupe a fonctionné régulièrement de 1966 à 1976, dans le cadre de rencontres mensuelles informelles sur des thèmes transversaux. Michel Rocard et Jacques Delors ont relayé la dimension du "politique" après la mort de Robert Buron.

Le Groupe des Dix noua des contacts avec de nombreux invités comme Jacques Monod, François Jacob, René Thom, François Meyer, Gérard Mendel, Jean-Pierre Dupuy, Marian Apfelbaum, et de nombreux autres chercheurs et penseurs.

A ces échanges s’ajoutèrent des participations du Groupe des Dix à divers colloques et séminaires, notamment avec le Club de Rome. Après 1976, le Groupe des Dix cessa d’exister en tant que groupe organisé mais l’importance des liens resta permanente entre de nombreux membres du groupe. Certains d’entre eux trouvèrent, durant 2 ans, un autre mode de fonctionnement proposé dans le cadre de "Macroscope", revue bimensuelle animée par Serge Lier et Annie Batlle.

-  En 1982, dans les suites d’un rapport de Joël de Rosnay sur la nécessaire création d’un centre d’études et de réflexions sur les mutations en cours et les technologies dites "avancées", fut créé le CESTA (Centre d’Études des Systèmes et Technologies Avancées). Sa mise en place interministérielle fut confiée à Jacques Robin, à la demande du Premier Ministre Pierre Mauroy.

Avec des ressources humaines et des moyens financiers d’importance, le CESTA, qui sera confié à Yves Tourdzé après sa mise en place, joua un rôle considérable en matière de sensibilisation de la communauté scientifique aux explosions scientifiques en cours : contribution à la création du programme EUREKA, trains à grandes vitesses, nouveaux matériaux, percée de la robotique, des télécommunications numérisées, et des biotechnologies. Le CESTA initia, en France, les colloques sur "l’intelligence artificielle".

-  Parallèlement fut fondé, en 1982, le Groupe Science Culture placé sous la co-présidence d’Henri Atlan, Jean-Pierre Dupuy et Jacques Robin. Trois départements se mirent en place autour de chercheurs de haut niveau :

le LDR (Laboratoire de la Dynamique de Réseaux) s’orienta vers des recherches sur la formalisation et la simulation des systèmes complexes, avec Henri Atlan, Von Förster, Maurice Milgram, Françoise Fogelman, et Gérard Weisbusch ;

le CREA (Centre de Recherche en Épistémologie et Autonomie) lié à l’École Polytechnique, renforça les réflexions sur les concepts d’autonomie et de complexité. Sous l’impulsion de Jean-Pierre Dupuy, les travaux sur l’autonomie se multiplièrent avec les apports entre autres de Isabelle Stengers, Daniel Andler, et Francisco Varela... ;

le GRI (Groupe de Réflexion Interdisciplinaire) fut chargé d’animer des réunions plus "ouvertes" autour de trois thèmes centraux : l’impact des technologies informationnelles, les questions liées à l’évolution biologique, et les concepts d’autonomie et de complexité.

De nombreux débats eurent lieu. Parmi les participants à ces débats, citons, parmi d’autres, René Passet, Jean-Pierre Changeux, André Bourguignon, Henri Atlan, Edgar Morin, Joël de Rosnay, Cornélius Castoriadis, Isabelle Stengers, Albert Jacquard...

Une Lettre d’information mensuelle, la lettre du GRI, La lettre du Groupe Science Culture, fut créée. Sa vocation : être un espace d’informations critiques sur les multiples interactions entre science et culture. Guy Beney en fut le premier secrétaire de rédaction. Armand Petitjean, Ilya Prigogine, Basarab Nicolescu, Bernard d’Espagnat et bien d’autres y écrivirent. Bioéthique sociale, auto-organisation, théorie de l’autonomie, partage des richesses et des activités, conception systémique, sémantique générale, crise de la psychiatrie, concept de "système politique" comptèrent parmi les thèmes discutés.

-  En 1987, le Groupe Science Culture se scinda en ses propres départements. Le GRI confirma son activité de "lieu de débats" sous le nom GRIT : Groupe de Réflexion Interdisciplinaire et Transdisciplinaire.

Après la parution du livre "Changer d’ère" (Jacques Robin, Le Seuil, 1989), en janvier 1990, le GRIT publia la Lettre du Groupe Science Culture qui devint Transversales Science/Culture. Ses locaux, qui se situent tout d’abord au Ministère de la recherche et de la technologie, à l’ancienne Ecole Polytechnique, se déplacèrent à l’INSEP, près de la place de la Nation, grâce au soutien de Dominique Genelot. En 1992 le GRIT s’installa boulevard de Grenelle avec le soutien de Michel Hervé, alors Maire de Partenay. Le GRIT participa à la vie de la Maison Grenelle qui s’enrichit de nouvelles associations et projets : Charte de la citoyenneté, Les journées de Partenay, Europe 99, VECAM, le Centre Pierre Mendès France (CIPMF), Place Publique et, en 2001, Interactions Transformation Personnelle-Transformation Sociale. En lien avec la Maison Grenelle, Patrick Viveret initiera le Collectif richesses, sur l’impulsion des conclusions de son rapport "Reconsidérer la richesse", ainsi que le projet Dialogues en humanité. Cécile Blériot puis Maud Mokadem assureront pendant toute cette période un secrétariat des différentes actions et surtout un dialogue avec les participants.

-  Transversales Science/Culture, deviendra société de presse en 1996 ; elle se développera particulièrement grâce à l’investissement de Marie-Elisabeth Lautrou durant 2 ans. Un grand nombre de personnalités ont joué un rôle important à cette période en particulier Gérard Andrek pour la Macif, Ignacio Ramonet et Bernard Cassen pour le Monde Diplomatique, Gérard Boulanger pour Chèque déjeuner, André Parinaud pour les Arts de la rue. Elle élargit ses objectifs à l’étude du rapport entre les connaissances scientifiques et les données actuelles en anthropologie et écologie. La lettre bimestrielle Transversales Science/Culture éditera 78 numéros dans une première série. Les 60 premiers numéros de cette lettre furent animés par Jacques Robin, Anne-Brigitte Kern, et Armand Petitjean. De nombreux collaborateurs y participèrent. Citons, aux côtés d’anciens du Groupe des Dix Henri Atlan, Edgar Morin René Passet, Joël de Rosnay, d’autres chercheurs, penseurs, et praticiens et parmi eux : Félix Guattari, André Bourguignon, Jacques Testard, Alain Caillé, Michel Hervé, Pierre Calame, Dominique Méda, ainsi que Jean Chesneaux, Mireille Delmas-Marty, Jacques Delors, Serge Depaquit, Michèle Dessenne, Sacha Goldman, André Giordan, André Gorz, Stéphane Hessel, Véronique Kleck, Jean-Louis Laville, Jean Liberman, Gérard Paquet, Riccardo Petrella, Valérie Peugeot, Martine Rémond-Gouilloud, Michel Rocard, Roger Sue, Armen Tarpinian, Patrick Viveret, Ann-Corinne Zimmer, Jean Zin.

Les numéros qui suivirent s’élaborèrent sous l’animation de Patrick Viveret et Philippe Merlant. En 2002, la formule de la lettre bimestrielle se transforma en "Revue", de parution trimestrielle, sous la direction de Philippe Merlant. De nouveaux auteurs apparurent comme Jacques Capdevielle, Daniel Le Scornet, Laurence Baranski, Annie Batlle, Didier Livio, Jean Tellez, Hervé Sérieyx, Guy Roustang... En 2003, la société de presse cesse son activité car l’équilibre financier ne peut être établi.

-  En 2002 naît le Collegium international éthique, politique et scientifique, animé par Sacha Goldman. Cette initiative fait suite à une première réunion qui s’était tenu en mars 2001, en Slovénie, sur invitation de son Président de la République, Milan Kucan. Cette initiative réunit notamment Stéphane Hessel, Patrick Viveret, René Passet, et Michel Rocard qui prendra la co-présidence du Collegium avec M.Kucan. Jacques Robin assurera la direction scientifique, qui sera reprise en 2006 par Jean-Pierre Dupuy. (http://www.collegium-international.org).

-  A partir de 2003, sous l’impulsion de son nouveau président Joël de Rosnay et de Jacques Robin, et avec l’implication forte de nouveaux contributeurs dont Philippe Aigrain, Laurence Baranski, Claire Souillac, Jean Zin, le GRIT-Transversales recentre ses activités sur quatre axes :

* l’édition. Une collection en partenariat avec les Editions Fayard voit le jour avec la parution, en 2006, du premier ouvrage "Pourquoi ça de va pas plus mal" signé Patrick Viveret. Les coordinateurs de la collection sont Valérie Peugeot et Philippe Aigrain en liaison avec Henri Trubert. Parallèlement, en 2006, un rapprochement est effectué avec la nouvelle maison d’édition Des Idées et des Hommes créée et dirigée par Véronique Anger.

* la publication d’une lettre de veille et d’information sur les thèmes majeurs de société, diffusée sur le web. Son édition est coordonnée par Thierry Taboy et Valérie Peugeot, et assurée par Valérie Chapuis, Alexandre Faesch, Laurent Jacquelin. Son contenu est alimenté par les contributions proposées par les membres du réseau, scientifiques, chercheurs, praticiens...

* l’organisation de séminaires et d’événements visant d’une part à œuvrer pour un renforcement des connaissance et des questionnements citoyens, d’autre part à relier les acteurs et mouvements. En mai 2005, Grit-Transversales a ainsi organisé la journée Mémoire vive, à la Maison des Métallos, avec le soutien de Gérard Paquet. un rapprochement avec le journal d’information citoyenne "AgoraVox" créé par Joël de Rosnay.

-  En 2006, GRIT-Transversales se présente comme un réseau de réseaux, et fonctionne sur un mode associatif. Sont membres du collectif d’animation, outre des personnes déjà citées dans les différentes activités évoquées ci-dessus, Armen Tarpinian, directeur de la Revue de Psychologie de la Motivation, Daniel Brabis, Mieg Delacour, Henryane de Chaponay, Celina Whitaker.

-  Le courant de pensées et d’actions Grit-Transversales a progressivement fait avancer la réflexion sur le concept de "l’information" et sur celui des technologies informationnelles qui en sont issues et qui bouleversent les perspectives économiques, sociales et culturelles. Il a également porté ses réflexions sur les transformations anthropologiques et écologiques qui accompagnent l’entrée dans l’ère de l’information. ont inspiré nombre de nos contemporains,

Il a pu rassembler autour de lui des milliers de personnes (chercheurs, décideurs, praticiens, ou simples citoyens) qui, à leur tour, ont contribué à nourrir la réflexion et l’action, malgré l’autisme complet des décideurs politiques et économiques.

-  Enfin, considérant là qu’il s’agissait d’un thème majeur, Grit-Transversales s’est très tôt intéressé à l’articulation entre la transformation sociale et la transformation personnelle. Le projet Interactions Transformation Personnelle-Transformation Sociale a été initié en 2001 au sein du réseau Grit-Transversales, avec le soutien d’Edgar Morin, par Laurence Baranski et Jacques Robin, Philippe Merlant, Patrick Viveret, ainsi que d’autres personnes et associations oeuvrant pour l’émergence d’un monde plus responsable et plus solidaire. Les membres fondateurs en sont : Laurence Baranski, Annie Batlle, Jacques Boussin, Karine Boyer, Daniel Brabis, Henryane de Chaponay, Pascale Delille, Claire Héber-Suffrin, Marie Seguette, Jean-Paul Karsenty, Célina Whitaker, Philippe Lefèvre Wittier, Eric Langevin, Philippe Merlant, Laurence Mermet, Didier Minot, Edgar Morin, Dominique Picard, Jacques Robin, Danielle Salomon, Armen Tarpinian, Patrick Viveret, Ann-Corinne Zimmer

La perspective que propose le Grit-Transversales est :

* d’une part le développement d’une vue plus générale de l’ère de l’information en s’appuyant sur trois piliers fondamentaux : la mutation informationnelle, l’écologie politique comme finalité du développement humain, et la prise de conscience de la nécessité de développer l’autonomie personnelle qui ne peut s’exprimer de manière valable que dans des projets collectifs ;

* d’autre part la recherche des conditions et réalités concrètes d’une gouvernance mondiale favorisant le développement de l’humanité toute entière, en prenant appui sur la société civile, sous la forme d’une démocratie participative à tous les niveaux, et l’appui des ONG, l’ensemble étant placé dans une perspective humanitaire, porteuse d’un "vivre ensemble" durable et de qualité.

En lien avec d’autres mouvements et acteurs, le Grit-Transversales veut contribuer à donner corps à ce qu’il convient de nommer une "nouvelle politique de civilisation", et favoriser l’adhésion en ce sens des citoyens aujourd’hui désemparés et sans repères.

Extrait du dernier livre de Jacques Robin, "L’urgence de la métamorphose" co-écrit avec Laurence Baranski (Editions ’’Des Idées et Des Hommes’’) - 2007

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