Lettre d'information n°2
septembre octobre 2003

Edito
° Jacques Robin

Invité
° Stéphane Hessel

Repères
° Si rien ne change, tout va changer !
L'analyse de Jacques Grinevald

° Ménopause : entre controverses, enjeux financiers et modes
° USA : La science instrumentalisée ?
° SMSI : un échec au goût de réussite ?
L'opinion de Valérie Peugeot



Brèves
° Transmission du prion chez le cerf en Amérique du Nord
° Le clonage se rapproche de l’Homme
° Energies nouvelles : une bactérie artificielle pour produire de l’hydrogène
° Le Parlement européen rejette la brevetabilité des logiciels
° La commission européenne ouvre la porte aux brevets sur les OGM
° L’observatoire des inégalités : chiffres à l’appui

Voir / Lire

° La triple hélice
° Enfants du Ciel
° La société civile face au pouvoir

 

 

Edito
La Croissance.
De quoi ?

Accélérer la croissance économique (et par là même travailler plus pour consommer plus) ! Cette litanie permanente prépare deux catastrophes : l’aggravation de l’effet de serre et la montée d’inégalités économiques et sociales sans précédent (chômage de masse, violences liées à la pauvreté). La notion de "développement durable" elle-même a été déformée : au nom de la lutte contre la pauvreté, on propose une nouvelle marche vers la "Croissance économique", qui épuise les ressources naturelles et rend impossible leur renouvellement !

Mais au fait quelle Croissance ? La croissance de quoi ? Uniquement celle des richesses matérielles mesurée par le PIB. Une nouvelle appréciation des richesses non marchandes devient aujourd’hui indispensable, une perspective élargie des "besoins humains".

Quelles sont les mesures indispensables pour réaliser une telle alternative ?
1. Substituer à l’économie capitaliste de marché " une économie plurielle" certes avec marché, mais avec d’autres logiques économiques au service des biens communs et des services publics, de l’économie sociale et solidaire, du revenu d’existence suffisant pour tous.
2. Employer des indicateurs qualitatifs, refondre les comptabilités publiques, mettre en place une pluralité d’instruments d’échanges (en particulier des "monnaies plurielles").
3. Accélérer la production et la consommation de biens immatériels non marchands, relancer les activités locales, et réaliser des économies drastiques d’énergie.

La recherche d’objectifs humains politiques et écologiques sont seuls susceptibles de nous faire retrouver les finalités humaines qui donnent sens à notre vie personnelle et sociale. Une décroissance sélective des richesses marchandes en Occident devient impérative (démographie, consommation -l’automobile en particulier-, et nucléaire). Pour parvenir à une telle alternative, il faut pratiquer un "réformisme radical", et non une simple réforme de droite ou de gauche.

Jacques Robin

En savoir + : lire l'édito complet (format PDF)

 

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  Invité

3 questions à. Stéphane Hessel
> Diplomate et ambassadeur, notamment à l’ONU. Membre du Haut Conseil pour la Coopération Internationale jusqu'en 2002.

L’ONU, une organisation à réformer ?
Je ne poserai pas le débat en ces termes. A mon sens il ne s’agit pas de réformer l’ONU qui est et reste l’organisation intergouvernementale dont nous avons besoin. Il s’agit de réaffirmer le primat de cette institution pour les Etats membres et que ceux-ci doivent mettre en mesure de remplir toutes les missions que sa charte lui confie. Si l’ONU paraît insuffisamment efficace, c’est que ses Etats membres et notamment les plus puissants d’entre eux n’ont trop souvent pas pris au sérieux les engagements qu’ils ont pris dans ce cadre. La Charte n’a pas vieilli, même si la situation du monde, les défis nouveaux, l’accession de cent nouveaux Etats souverains exigent une adaptation de son fonctionnement pratique.

Que faire alors pour redonner à l’ONU sa légitimité ?
Il convient de conférer une nouvelle interprétation aux principes fondateurs de la Charte. Le Conseil de Sécurité (chapitres VI et VII de la Charte) doit être constitué selon ses missions qui sont essentiellement axées sur le maintien de la paix et le règlement des conflits. Pour remplir ces missions, cet organe a besoin de la coopération énergique des nations qui assument dans le monde actuel les principales responsabilités, au plan mondial et au plan régional. Ce ne sont plus les mêmes qu’en 1945. Il faut donc revoir sa composition et inclure d’autres Etats parmi ses membres permanents afin d’accroître son efficacité.
Le Conseil Economique et Social (chapitres X et XI de la Charte) à qui la Charte donne des compétences très larges n’a pas tenu ses promesses. Son rôle doit être réaffirmé et sa composition révisée. Afin de lui donner tout son poids face au déséquilibre scandaleux de l’économie mondiale, ce sont les chefs de gouvernement qui devraient y siéger, comme actuellement au G8.
Troisième aggiornamento : le déficit de la prise en charge des enjeux de l’environnement et ceux de l’information et de la communication doit pouvoir être pris en compte par des organes appropriés de l’ONU .

A l’image de l’Europe, un accès direct des citoyens à une forme internationale de représentation reconnue par les Etats doit-il être envisagé ?
C’est l’interprétation moderne à donner à la Charte qui commence par les mots "Nous, peuples des Nations Unies…". Au-delà du rôle consultatif dont disposent déjà les ONG, il faut rendre opérationnel l’accès de la société civile aux décisions élaborées par les instances intergouvernementales, en prenant exemple sur le tripartisme : Etat, employeurs, salariés, qui existe depuis 1919 dans l’Organisation Internationale du Travail.

En savoir + : La Charte des Nations Unies.

  Repères

Ménopause : entre controverses, enjeux financiers et modes
[ vivant ]
Les controverses tant sur les bénéfices (contestés) que sur les risques associés des traitements substitutifs de la ménopause se multiplient. L’été dernier, des résultats anglais ont confirmé les risques accrus de cancers du sein et d’accidents cardio-vasculaires associés à la prise d’oestrogènes et de progestatifs. "Depuis dix ans et en Grande-Bretagne, les traitements substitutifs ont causé 20 000 cancers du sein supplémentaires chez les femmes âgées de 50 à 64 ans" conclut l’étude faite sur un million de femmes anglaises (MWS). Le risque est supérieur pour les femmes prenant une association de deux molécules (oestrogènes et progestérones) par rapport à la prise d’oestrogènes seuls et il perdure même après arrêt des traitements (1). Un point majeur est toutefois à relever : la prise de ces hormones par voie transdermique (patch, gel) - qui constitue la majorité des prescriptions en France - semble supprimer les effets néfastes cardiovasculaires (2).
Désormais, les instances françaises
(Afssaps) mais surtout allemandes préconisent la prudence : usage quand symptômes aigus, surveillance et limitation de la durée. Pourtant, aux États-Unis, plusieurs personnalités dirigeant la North American Menopause Society ou le Kronos Longevity Research Institute contestent les effets négatifs relevés et prônent des traitements anticipés. Il faut dire que, dans la mentalité américaine où ces traitements sont banalisés depuis 1960, la ménopause est non seulement un gros marché mais elle est considérée comme une maladie, un état à dominer, comme la reproduction le fut avec la pilule ! De façon plus globale, les millions de femmes habitant les pays du Sud continuent d’affronter seules les conséquences médicales liées à cette étape de vie.

 

USA : La science instrumentalisée ?
[ citoyenneté ]
Publié le 7 août dernier sous la direction du démocrate Henry A. Waxman, le rapport officiel "Politique et science dans l’administration Bush" suscite de nombreuses interrogations sur la capacité de l’actuel gouvernement américain à instrumentaliser le processus scientifique. 21 domaines sont ainsi abordés (réchauffement climatique, éducation sexuelle, sida, pollution agricole…), au sujet desquels l’intégrité scientifique d’Agences Fédérales aussi réputées que la "Food and Drug Administration" aurait été, selon les termes du rapport, "sacrifiée" à des fins politiques. Des accusations graves, qui vont de la publication d’analyses peu fiables à la censure pure et simple d’études, en passant par la désignation au sein de comités d’expert de personnalités aux "faibles références scientifiques mais (qui) cultivent en revanche des liens très étroits avec l’industrie".
L’exemple le plus médiatisé de ces potentielles "manipulations" concerne le réchauffement climatique. Le rejet par les USA du protocole de Kyoto repose, outre la défense du mode de vie américain, sur des "études" scientifiques contestant l’existence d’un réchauffement d’origine humaine comme celle rédigée par Willie Soon et Sallie Baliunas et publiée en 2003 par la très sérieuse revue "Climate Research". Analyses aujourd’hui mises à mal par nombres de travaux comme l’étude "Global surface temperatures over the past two milliennia" de Michael E. Mann et Philips. D. Jones.

Voir également l’analyse de J. Grinevald
.


 

Si rien ne change, tout va changer !
[ changement climatique ]
L'Analyse de Jacques Grinevald
> Philosophe et historien du développement scientifique et technologique, spécialiste de l’écologie globale, la science de la Biosphère. Chargé de cours à l’IUED, Université de Genève et à l’Ecole polytechnique Fédérale de Lausanne.

Le texte qui suit est un résumé de l’entretien complet avec Jacques Grinevald : lire l’entretien complet (format PDF).

L’effet de serre constitue un des problèmes majeurs auxquels nous devons faire face dès aujourd’hui. Les termes du débat sur le changement climatique doivent être posés dans un cadre compétent. Ce débat ne relève pas uniquement de la météorologie, mais plutôt de la biogéochimie, qui étudie à la fois l’atmosphère, l’hydrosphère, la lithosphère, et la biosphère : il nécessite une vision globale. A ce titre, la planétologie comparée nous aide également à comprendre : l’effet de serre explique la température à la surface de Vénus (chaleur extrême) et de Mars (froid extrême). La vie a donc totalement transformé la géochimie de la face de la Terre, et cette biogéochimie a eu un impact considérable. La Nasa a lancé l’étude des changements de la Terre, le "Global Change", dont le paradigme est biogéochimique, avec une perspective interdisciplinaire et holistique : c’est le véritable cadre scientifique pour discuter du problème de l’effet de serre. Mais il faut noter que les économistes ont envahi l’expertise de lIPCC (GIEC), ainsi que les négociations internationales !

L’origine de l’inquiétude apparaît vers 1970, avec la courbe de Keeling (dérive de la concentration du CO2 dans l’atmosphère) : cette courbe est, depuis la révolution économico-industrielle, en croissance sur-exponentielle ! J’appelle cela la "pierre de Rosette" de l’effet de serre. Par conséquent, si rien ne change tout va changer : déstabilisation du système, événements météorologiques extrêmes. L’Homme accélère les cycles biogéochimiques de façon trop brutale. Il faut réduire notre impact sur le système climatique (également appelé biosphère chez Vernadsky, ou Gaia chez Lovelock).

Il est donc urgent d’agir de tous les côtés. A l’échelle internationale, on n’échappe pas à la contrainte majeure de diminution des émissions de CO2 (même si les Etats-Unis ne montrent pas l’exemple). L’industrie fait certes de gros progrès, mais il y a cependant l’effet rebond : même si une diminution par unité produite est constatable, c'est l'impact global, en augmentation parce que
le nombre d'unités vendues a lui-même augmenté, qui compte. Un énorme travail pédagogique reste à faire : l’Union Européenne pourrait par exemple décider que le mythe de la vitesse, c’est terminé. Limitation à 100 km/h sur autoroute. C’est techniquement faisable, très symbolique : un déclic pour les mentalités. Au niveau de l’éducation nationale, il faut une écologie globale propédeutique. Une année de culture environnementale pour tous.

La solution nucléaire est souvent évoquée comme énergie de remplacement aux énergies fossiles émettrices de CO2 (le nucléaire n’émet pas de gaz à effet de serre). Mais cela me semble un leurre : l’histoire du nucléaire est intimement liée à l’histoire des Etats nucléaires. Pas de nucléaire civil sans nucléaire militaire, enseigne l’histoire. Multiplier les centrales dans le monde n’est pas raisonnable et ne résoudra rien durablement.

La voie à suivre, c’est la décroissance soutenable. Il faut sortir de la logique de la croissance sur les biens matériels, parce que la Terre est limitée : c’est un monde aux ressources finies. Les gens dans la misère ont besoin d’un peu de croissance, ceux à niveau de vie élevé d’une baisse en valeur absolue. Il faut sortir du mensonge de l’amalgame du taux de croissance, en changeant le calcul économique. La décroissance, c’est aussi le désarmement (militaire et industriel), et une démographie compatible avec la capacité de charge de la biosphère. Le développement dit "durable" n’est donc pas soutenable à long terme : on ne peut pas développer indéfiniment si les ressources sont finies. Nous devons prendre conscience des limites. Nous n’habitons pas sur la Terre, nous faisons partie du système Terre.

En savoir + : Institut d'études économiques et sociales pour la décroissance soutenable - l’effet de serre de la biosphère : de la révolution industrielle à l’écologie globale


 

 

SMSI : un échec au goût de réussite ?
L'opinion de Valérie Peugeot - Vecam
[ citoyenneté ]
La troisième réunion préparatoire du Sommet mondial de la société de l’information (SMSI) vient de s’achever sur un constat d’impasse : impossible de finaliser les deux textes - déclaration de principe et plan d’action – que les chefs d’Etat et de gouvernements doivent entériner en Décembre à Genève. Au point qu’une session préparatoire supplémentaire est prévue en novembre.
Ce sommet annoncé à grand renfort de publicité comme "multipartenarial", c’est à dire associant des acteurs du monde de l’entreprise et de la société civile au processus intergouvernemental, a surtout fait la démonstration de son incapacité à penser un mécanisme susceptible de prendre en compte dans les discussions les propositions de la la société civile.
Les documents en discussion sont marqué par :
- l’obsession sécuritaire au mépris des libertés publiques,
- la fascination pour la technologie sans évaluation des risques,
- le renforcement des droits de propriété intellectuelle au dépens du domaine public ou de toute forme d’aspiration à un bien public de l’information,
- la marginalisation des acteurs associatifs et médias locaux dans leur capacité à intégrer les plus pauvres dans cette fameuse société de l’information…
Au point qu’on peut se demander si un échec ne vaudrait pas mieux que ce galimatia.
A quand une véritable vision sur le rôle que peuvent jouer les technologies de l’information pour aller vers des sociétés pacifiées et solidaires ?

  Brèves

Transmission du prion chez le cerf en Amérique du Nord
[ vivant ]
C’est le résultat d’une étude publiée dans le magazine Nature aux Etats-Unis début septembre 2003. La maladie du dépérissement chronique des cerfs et des Wapitis se transmet bien "horizontalement", c’est-à-dire d’animal à animal. La contamination s’effectue par le regroupement dans le même enclos d’animaux contaminés et sains.
En savoir + : Quelles espèces aujourd’hui touchées par le prion ? - Les statistiques des décès en France et au RU.

Energies nouvelles : une bactérie artificielle pour produire de l’hydrogène
[ vivant ]
La question de la fin des ressources énergétiques actuelles, et de leur remplacement, se pose. Avec une croissance annuelle du PIB mondial de 2% par an, nous épuisons théoriquement toutes les réserves connues dans 50 ans, et les réserves supposées à l’horizon 1 siècle. Le scientifique américain très controversé Craig Venter, le premier à avoir décodé le génome humain, exploite ses compétences en génétique pour développer une nouvelle bactérie capable d’absorber du CO2 par photosynthèse, et produire de l’hydrogène à partir de l’eau, à très haut rendement. Le gouvernement américain investit fortement dans ces recherches (projet recontextualisé).
En savoir + : Energie et développement durable par JM Jancovici.

La Commission européenne ouvre la porte aux brevets sur les OGM
[ vivant ]
La Commission européenne a engagé des poursuites à la mi-juillet à l’encontre de 8 pays européens (dont la France, l’Alllemagne, les Pays-Bas et l’Italie) qui n'ont pas traduit dans leur droit national sa directive 98/44/EC sur le brevetage des inventions biotechnologiques (alors qu'ils avaient jusqu'au 30 juillet 2000 pour le faire). Cette directive, adoptée en 1998 après dix ans de discussion, demande aux Etats-membres d’inscrire le brevetage des innovations biotechnologiques dans le droit national. Mais des controverses existent sur son champ d’application, puisque la directive européenne inclut des process faisant intervenir l’ADN, des produits dérivés du corps humain, et surtout les OGM. Chacun des huit Etats concernés a ses propres objections, mais tous se retrouvent pour juger que la directive ne donne pas suffisamment de garde-fous face aux dérives possibles. Cette action est à mettre en lien avec la directive 98/220 relative à la levée du moratoire sur les OGM en Europe (voir Transversales n°1, Brèves).

 

 

Le clonage se rapproche de l’Homme
[ vivant ]
A la liste des animaux clonés vient de s’ajouter le rat, première mondiale réalisée en France dans le service du professeur Jean-Paul Renard. Le rat est, d’un point de vue physiologique, plus proche de l’homme que la plupart des espèces animales. Le clonage des primates se rapproche encore.
Les perspectives pour comprendre le contrôle génétique de la croissance des mammifères franchit également une étape avec les débuts du décodage du génome du chien, encore plus proche de l’homme que le rat.
La question du déterminisme génétique obtient également des réponses : la spécialisation des termites (ouvrier, soldat, reproducteur) provient apparemment de certains gènes. Néanmoins, en fonction des besoins de l’environnement, les termites peuvent changer de statut au cours de leur vie, en activant les gènes adequats.
Une découverte qui vient confirmer la thèse proposée par Richard Lewontin (cf. Voir /  Lire).

Le Parlement européen rejette la brevetabilité des logiciels
[ citoyenneté ]
Le 24 septembre dernier, le Parlement européen a adopté la directive sur la brevetabilité des "inventions implémentées par ordinateur", après avoir fortement amendé celle-ci. Ces amendements, en garantissant entre autres que le traitement de l'information n'est pas un domaine brevetable, interdisent de fait la brevetabilité logicielle en Europe.
Ce vote des députés européens a suscité la satisfaction des défenseurs du logiciel libre. Avant de devenir définitivement une directive, ce texte, soumis à la procédure de "codécision", a été renvoyé devant la Commission européenne qui doit l'adopter dans les mêmes termes - sinon il retournera devant les députés. Avant d'être proposé pour validation finale au Conseil européen.
Au-delà de ce combat nécessaire mais “défensif”, certains spécialistes se battent pour la reconnaissance de “droits intellectuels positifs” (voir notamment Philippe Aigrain).

L’observatoire des inégalités : chiffres à l’appui
[ citoyenneté ]
Le niveau de vie par habitant des pays à hauts revenus (26 500 dollars par an) est cinq fois plus élevé que la moyenne mondiale (5 120 dollars) et 62 fois supérieur aux ressources des habitants des pays les plus pauvres (430 dollars), d'après le rapport sur les indicateurs du développement de la Banque mondiale. Les pays d'Asie du Sud et d'Europe centrale rattrapent un peu leur retard, mais l'Afrique sub-saharienne stagne et l'Amérique Latine recule. Ces chiffres sont publiés sur un site tout récent : celui de l'Observatoire des inégalités, où l'on relève également cette information : en 1975, les salariés de cinquante ans gagnaient en moyenne 15% de plus que les salariés de trente ans. Aujourd'hui, l'écart est de 40%.

 

  Voir / Lire

La triple hélice
Richard C. Lewontin, Ed. Seuil, 09/2003.

Contre les simplifications des néodarwiniens et des généticiens, prisonniers de leurs métaphores, il faut rétablir qu'un organisme ne se développe pas à partir du programme génétique : il est façonné par quantité de phénomènes aléatoires. L'environnement n'est pas une sorte de toile de fond immuable sur laquelle s'agitent les organismes, mais il participe pleinement au développement de chacun d'eux en même temps que les organismes modifient leur environnement. Au schéma classique - et simpliste - "gène / organisme", Lewontin suggère de substituer la triade "gène / organisme / environnement" bien plus complexe.

En savoir + : Lire l’article intégral de Jean Zin.

 

Enfants du Ciel - Michel Cassé & Edgar Morin, Ed. Odile Jacob, 04/2003.
L’astrophysique et la cosmologie (Michel Cassé) ont entre autres finalités celle de situer l’homme dans l’espace et le temps. Aujourd’hui, elles nous enseignent que nous avons atteint la 6ème révolution copernicienne : matière, lumière et énergie que nous percevons ne constituent que 4% de l’univers ; les lois que nous croyions "universelles" ne sont liées qu’à notre petite "province cosmique" ; d’autres dimensions (environ une dizaine) que nous ne pouvons percevoir, existent bel et bien. Notre univers, prisonnier de l’entropie, irait désormais vers une expansion sans fin qui conduit à sa mort thermique, sans espoir de retour. Le vide, quantique, n’est pas le néant. "L’invisible devient présence…"
Ces découvertes scientifiques vertigineuses demandent la rencontre avec la philosophie (Edgar Morin) pour offrir à l’Homme des réponses sur sa condition sans cesse nouvelle : à la fois enfant de l’univers et étranger à ce dernier. Finalement, émerge la notion d’anthropo-cosmos, selon laquelle chacun d’entre nous contient la totalité de l’univers, dans sa nature biologique, physique, et dans ses comportements, sans en être toutefois conscient. L’amélioration de notre conscience, par l’amour, la poésie, la relation aux autres, devient dès lors une voie pour apprendre à vivre sans forcément connaître les fondements de l’univers et de l’Homme.

 

 

La société civile face au pouvoir - Roger Sue, Ed. Presses de Sciences Po , 09/2003.
Ce livre trouve dans la société actuelle des raisons d'espérer et propose des solutions concrètes aux problèmes qu'il débusque. Roger Sue, sociologue, professeur à Paris V Sorbonne, analyse depuis des années l'évolution des liens sociaux qui se défont et se retricotent à la faveur des mutations contemporaines (dont le déploiement des marchés sans frontières et la recrudescence des inégalités). "Divine surprise" pourtant, nous dit-il à la suite de Bourdieu, "le politique s’affirme contre la politique". Cette dernière est minée par l’atrophie progressive de ses fonctions classiques : pouvoir, discours, représentation et légitimité, alors que progresse l’exigence démocratique. Les mouvements sociaux et citoyens se développent dans le monde entier et l’opinion perçoit désormais que c’est là que se joue l’avenir de la démocratie. Pour l’auteur nous vivons un renversement majeur de la vie politique, et une nouvelle dynamique sociale est en marche. Il en donne deux illustrations. Tout d’abord les défaillances du système représentatif (comment d’ailleurs l’individu d'aujourd'hui qui revendique son ego et préfère l'affiliation à l'appartenance, pourrait il être "représentable" ?). Le développement du phénomène associatif ensuite qui reflète la volonté de chacun de construire ses liens sociaux par affinités au lieu de les subir. C’est dans cette logique que se situe Roger Sue pour préconiser la généralisation de "la relation d'association", à ne pas réduire aux Associations 1901, et dont on trouve déjà de nombreux exemples : en famille, où les relations ressemblent de plus en plus à celles de "libres associés", dans les réseaux multiples qui se créent avec Internet, dans d'autres réseaux informels, dans certaines entreprises innovantes aussi. Pas d’angélisme cependant : "Le lien d’association est vivant, tumultueux, conflictuel" mais il est libre et il prépare le rôle de la société civile comme acteur politique majeur. "C'est par le bas comme toujours qu'on reconstruira un système politique crédible."


Président et directeur de la publication : Joël de Rosnay

Groupe d'orientation : Jacques Robin, Laurence Baranski, Philippe Merlant, Annie Battle, Thierry Taboy, Patrick Viveret, Jean Zin, Valérie Peugeot.

Equipe de rédaction :Philippe Merlant (rédacteur en chef), Thierry Taboy, Valérie Peugeot, Laurent Jacquelin, Valérie Chapuis, Alexandre Faesch, Dorothée Benoit Browaeys.
Design et production : Agence Révolutions / Nicolas Berranger, Philippe Clavaud.

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