Décider autrement


Avec 70 % d´abstentions et près de 5 % de bulletins blancs ou nuls, les résultats du référendum sur le quinquennat ont montré le désintérêt des Français face à une réforme constitutionnelle dont ils ne percevaient ni les enjeux ni les effets concrets. La plupart des politiques y sont allés de leur petit couplet, répétant à l´envi que la question posée à nos concitoyens était sans doute "éloignée de leurs préoccupations quotidiennes", à savoir le pouvoir d´achat, l´emploi, les transports, la sécurité... A les entendre, on croirait que la question de la démocratie nous laisse indifférents !

Ce genre de discours n´est pas vraiment une nouveauté. Interrogez les politiques sur les enjeux de la démocratie participative, et vous obtiendrez presque systématiquement la même réponse : "Nous sommes pour, le problème c´est que les gens ne veulent pas participer..." L´expérience prouve qu´il n´en est rien : s´il est vrai que les citoyens manifestent peu d´enthousiasme face à l´invitation, octroyée par les décideurs, d´être consultés sur telle ou telle question, leur comportement change radicalement dès qu´il s´agit de les associer à la prise de décision. Allez demander aux habitants de Porto Alegre s´ils ne sont pas intéressés par l´idée de participer aux grands choix budgétaires de leur ville !

Cette question de la participation des citoyens aux décisions n´est pas seulement affaire d´éthique ou de position politique. C´est aussi une nécessité en termes d´efficacité. Le récent conflit des transports routiers a montré l´inadaptation des modes de décision classiques au traitement de questions aussi complexes, qui font intervenir différentes échelles de temps et de multiples acteurs 1. Le problème, c´est que cette complexité, à l´heure de la mutation informationnelle, est devenue une donnée constante de nos sociétés. La construction européenne ­ à laquelle nous consacrons l´éclairage central de ce numéro de Transversales Science Culture ­ fournit un autre exemple de cette paralysie qui saisit les acteurs politiques dès qu´ils sont confrontés à une complexité croissante.

Deux leviers permettraient sans doute de sortir de ces impasses. D´abord, faciliter la connaissance, l´évaluation et la diffusion des outils de démocratie participative qui ont déjà fait leurs preuves, afin que chacun puisse s´en saisir. Ensuite, former les élus à ces nouveaux modes de décision : sans doute faudra-t-il qu´ils apprennent à dépasser leurs peurs pour comprendre, comme leurs collègues qui ont déjà franchi le pas, qu´ils ont tout à gagner à abandonner une volonté de "contrôle" systématique, qui devient de plus en plus illusoire à l´êre de la complexité.

Philippe Merlant

1. Voir sur cette question notre appel éditorial paru dans ce numéro.