L'Inter-réseaux de l´économie solidaire

Dans l´éclairage du précédent numéro, nous avions annoncé que nous reviendrions sur les réalités concrètes de l´économie solidaire. Nous présentons ici la principale plate-forme incarnant cette dynamique, l´Inter-réseaux de l´économie solidaire (IRES), et offrons à l´un de ses animateurs une tribune libre sur le thème des rapports entre économie solidaire et Etat.

Le 18 juin 1997, le journal Le Monde publiait un "Appel en faveur de l´ouverture d´un espace pour l´économie solidaire". C´est pour donner corps à leurs væux que la quinzaine d´organisations signataires 1 se sont, dès l´été 1997, regroupées au sein d´un Inter-réseaux de l´économie solidaire (IRES).

Qu´elles soient actives dans le champ des services de proximité (comme l´Association pour le développement économique local ou l´Association pour le développement des services de proximité), celui du développement local (comme le Comité national de liaison des Régies de Quartier ou Culture et Proximité), celui de l´épargne de proximité (tel le GIEPP, dans le Nord-Pas-de-Calais) ou le commerce équitable (à l´instar d´Artisans du Monde), qu´il s´agisse de réseaux nationaux ou régionaux, de structures d´appui ou d´ONG, ces différentes organisations sont toutes des praticiens de l´économie solidaire.

Des projets locaux au développement durable

Toutes ces initiatives s´efforcent de mailler création d´emplois, renforcement du lien social, développement de la citoyenneté et promotion de la démocratie participative. Ce qui leur est commun, c´est la volonté de s´inscrire dans des démarches collectives et participatives, ancrées sur un territoire, pour prendre en charge des questions non résolues par le marché ou l´Etat. Il s´agit de promouvoir d´autres manières de créer et de distribuer des richesses, manières ne relevant ni d´une logique commerciale, ni d´une logique administrative.

Pour le commerce équitable, la préoccupation affichée est d´introduire de nouvelles règles (conditions de travail, protection sociale, juste prix... ) qui traduisent l´émergence d´une solidarité internationale. Pour les finances solidaires, l´objectif est de combattre l´inégalité devant l´initiative économique. Pour les réseaux d´échanges non monétaires et d´auto-production collective, la finalité poursuivie est de tisser des liens sociaux. Pour ceux initiés dans les services de proximité, il s´agit de contribuer à la création d´activités économiques et d´emplois tout en renforçant la cohésion sociale.

Dès les années 70, la critique du travail parcellisé et la montée des aspirations à l´autonomie ont généré de nombreuses revendications autour de l´idée de "travailler autrement". Ces actions, soucieuses de la qualité de la vie et du travail, ont rencontré celles qui plaident pour un développement durable. L´économie solidaire a ainsi participé à l´émergence de nouvelles formes de développement local, plus respecteuses de l´environnement et plus soucieuses d´un usage raisonné des ressources du territoire.

Les acteurs d´une autre mondialisation

Ces tentatives pourraient paraître dérisoires au regard de la globalisation de l´économie si elles ne s´articulaient avec d´autres qui, sur la planète, æuvrent pour "une autre mondialisation". Bien avant Seattle, qui a symbolisé la prise de parole d´une société civile internationale, des représentants du Nord et du Sud venus de trente pays se sont retrouvés à Lima en 1997 pour affirmer leur engagement "dans un processus de construction d´une économie solidaire qui remet en question la conception selon laquelle les besoins humains pourraient être satisfaits par le seul marché et ses prétendues lois naturelles."

Au terme de près de trois ans d´existence, l´Inter-réseaux de l´économie solidaire représente l´un des acteurs majeurs de ces nouvelles formes d´économie. Sa lettre trimestrielle 2 permet d´informer l´ensemble de ses membres des initiatives prises par tel ou tel réseau, de faire progresser le débat entre eux, mais aussi d´améliorer la visibilité de l´IRES à l´extérieur, donc d´aider les "profanes" à mieux comprendre les réalités de l´économie solidaire aujourd´hui, en France et de par le monde. n

Philippe Merlant

1. ADEL, ADSP, CNLRQ, Culture et Liberté, Culture et Proximité/Opale, Fonda Rhône-Alpes, GIEPP, MRERS, MRJC, Peuples solidaires, Progrès, REAS, STAJ, Terre des Hommes France. Depuis, d´autres organisations ont rejoint l´IRES en tant que signataires (Artisans du Monde, Biocoop, CCSC, Civilités, Crida, Economie et Humanisme, Fédération des Cigales, MB2, RCS Presq´île) ou membres associés (CCFD, Frères des Hommes).
2. Lettre réalisée par Civilités : 34-36, rue Bréguet 75011 Paris.