Plaidoyer pour la biodiversité

La déforestation tropicale et la réduction des habitats sauvages causées par le développement économique provoqueront bientôt l´extinction de 100 000 espèces animales par an et "si nous continuons à détruire l´environnement au rythme actuel, la moitié des espèces terrestres aura disparu dès le début du siècle prochain." Telle est l´alerte lancée par les auteurs de La sixième extinction, Richard Leakey, paléontologue, et Roger Lewin, spécialiste de la biologie et de l´écologie de l´évolution. Ils en appellent à une "révolution intellectuelle" rendue possible par la mise en perspective de la très courte histoire de l´humanité dans ce grand "flot incessant de la vie" où les temps de la Terre se comptent en millions d´années. Il y a trois milliards et 750 millions d´années, la vie devenait possible. Et si les causes des cinq grandes extinctions de masse qui ont ponctué l´évolution de la vie font encore l´objet de débats, l´origine de l´atteinte actuelle à la diversité du vivant est, elle, parfaitement identifiée : il s´agit d´Homo sapiens.

Homo sapiens, qui n´est pourtant qu´"un produit, un accident de l´évolution, une espèce parmi toutes celles qui constituent la complexité globale de la biosphère", est devenu l´espèce terrestre dominante et met en danger la biodiversité. Les auteurs pointent notamment l´indigence des variétés des cultures agricoles : plus de la moitié des récoltes sont issues de trois plantes (maïs, riz, blé) alors qu´il existe 35 000 variétés de plantes comestibles, dont 7 000 ont été cultivées au cours de l´histoire.

De plus, l´humanité reste en grande partie ignorante du nombre des espèces vivant sur terre : on ne dispose que d´estimations, allant de cinq à cinquante, voire cent millions. Avec la destruction ou la réduction des habitats sauvages, les déséquilibres des écosystèmes, ce sont aussi des espèces qui disparaissent avant même d´avoir été découvertes et répertoriées, autant de médicaments probables qui resteront ignorés, de ressources variées dont l´humanité pourrait tirer parti. Nous ne savons pas quel est le degré de biodiversité nécessaire pour maintenir un biotope sain, ni quelles espèces on peut supprimer sans porter préjudice aux systèmes dont tous les organismes vivants, y compris nous-mêmes, dépendent. "Ce qui est sûr en revanche, c´est qu´"Homo sapiens ne sera pas seulement la cause de la sixième extinction, il en sera aussi l´une des victimes."

Ann-Corinne Zimmer

Richard Leakey et Roger Lewin, La sixième extinction. Evolution et catastrophes, Ed. Champs Flammarion.