Une critique du travail

Tiré d´une brillante thèse repérée par Jacques Robin 1, l´ouvrage que publie Françoise Gollain 2 constitue une réflexion critique sur l´idéologie et la pratique qui, dans nos sociétés, font du travail le principe organisateur tout à la fois de la vie des citoyens et du corps social dans son entier.

Or, en mettant en danger de façon toujours plus accentuée les équilibres biosphériques et en excluant progressivement l´homme de l´appareil productif, cette utopie «travailliste» tourne aujourd´hui au cauchemar. Il s´agit pour l´auteur de défendre, à la suite d´André Gorz «la nécessité d´un dépassement progressiste de la société salariale et de sa réorientation sur des bases éco-socialistes » (p. 8). Un premier pan du livre est consacré à l´exposé des prémisses d´une pensée critique sur le travail dans le cadre de l´écologie politique, tandis qu´un second présente une analyse des transformations récentes dans les pratiques du travail ainsi qu´une exploration des réformes (réduction du temps de travail, revenu minimum garanti, pluriactivité) devant être entreprises. La conclusion appelle à l´émergence d´une culture de la frugalité, d´une revalorisation de «l´autolimitation comme valeur éthique et comme dynamique concrète de changement » (p. 206). Le livre s´achève sur un entretien de plus de vingt pages entre l´auteur et André Gorz (dont nous reproduisons un extrait dans ce numéro).

Tout au long d´un texte extraordinairement fouillé mais toujours clair et vivant, Françoise Gollain trace les voies d´une libération, non dans le travail, mais du travail. Malgré un titre un peu académique, ce livre mérite de toucher un public bien plus large que celui des seuls spécialistes des questions sociales. Les lecteurs de Transversales devraient y trouver une riche matière à réflexion.

Jean-Paul Maréchal

1. Voir Transversales n°56, mars-avril 1999.
2. Une critique du travail. Entre écologie et socialisme, Françoise Gollain, Paris, La Découverte, 2000, 145 F.