Changer la politique

Tourner le dos à la mondialisation sauvage et au productivisme, impulser une démocratie participative et délibérative, promouvoir une économie plurielle, placer la culture et le savoir au cœur de la société, pratiquer l'altérité : tels sont les enjeux pour construire une alternative politique à la hauteur des défis posés par la mutation informationnelle.

Les partis sont-ils les mieux qualifiés pour le faire, dans une situation dont la radicalité est inédite ? Et la mutation en cours ne suppose-t-elle pas le dépassement des clivages partidaires en même temps que la reconnaissance effective des associations, mouvements et réseaux qui contribuent à faire vivre au quotidien la démocratie et la solidarité ? Ces dernières années, de nouvelles forces civiques et sociales sont apparues sur le devant de la scène. Au-delà d'une réponse conjoncturelle au discours d'impuissance et de résignation tenu par les politiques face à la mondialisation, ce sont des questions structurelles que ces mouvements de citoyenneté — aussi divers qu'Attac, Icare 1 ou le Forum de la société civile européenne — posent à la démocratie.

Face à la complexité grandissante, on ne peut plus imaginer la transformation sociale et politique comme découlant mécaniquement d'un programme, aussi complet soit-il. L'alchimie du changement réside plutôt dans la capacité à "synchroniser" un foisonnement d'actions dans des champs différents, à des niveaux territoriaux distincts et selon des logiques complémentaires (résistance, anticipation, proposition…). Au politique d'opérer cette synchronisation, mais il ne peut le faire qu'en ayant de multiples acteurs, puissants et autonomes, à ses côtés.

Par-delà leur fonction de représentation et leur nécessaire rénovation interne, les partis doivent donc s'engager dans une mission d'intérêt général : favoriser l'expression autonome et la capacité d'action des acteurs de la société civile. Il leur faut devenir des "ingénieurs" des démocraties de participation et de délibération, capables, par exemple, d'aider les associations locales à mieux comprendre le monde qui les entoure, à se mettre en réseaux, à stimuler l'échange d'expériences, la remontée d'initiatives, la progression du débat d'idées…

L'essentiel, aujourd'hui, est de créer des espaces publics où les citoyens puissent s'approprier les enjeux politiques. C'est tout l'intérêt des Etats généraux de l'écologie politique, par exemple, qui visent à ouvrir un processus de dialogue avec les acteurs civiques et sociaux 2. L'enjeu sera d'échapper à la classique "ouverture" sous contrôle d'un parti pour reconnaître ces mouvements comme des partenaires à part entière, sur la durée. n

Philippe Merlant