L'arbre de vie est fractal

David LAROUSSERIE

La théorie mathématique des fractales a été appliquée avec succès pour décrire “l'arbre de vie” de l'évolution des espèces. Les chercheurs Jean Chaline (paléontologue), Laurent Nottale (mathématicien) et Pierre Grou (économiste) ont en effet établi une loi empirique reproduisant les séquences temporelles des grands sauts évolutifs. Publiés par l'Académie des sciences en juin et vulgarisés par la revue Eureka en septembre, leurs résultats ont suscité un scepticisme à la hauteur de la faible perméabilité de la communauté scientifique aux idées “neuves”. La découverte donne, d'une certaine manière, le tempo de l'horloge des mutations biologiques et en même temps bouscule les modèles simples du darwinisme.

Ces trois auteurs ont mis en commun leurs approches et leurs méthodes pour démontrer que la structure temporelle des différentes branches des espèces est fractale. Les fractales sont des objets mathématiques, développés par Benoît Mandelbrot dans les années 70 et utilisés dans des domaines aussi variés que la météorologie, la modélisation financière ou la prévision des tremblements de terre. Elles rendent compte de la géométrie complexe de phénomènes présentant, quelle que soit l'échelle d'observation, une structure identique.

Appliquée pour le moment aux branches des dinosaures, des rongeurs, des équidés et des primates, la méthode prévoit la longueur des branches, c'est-à-dire la durée de vie d'une espèce sur la Terre. Pour la branche humaine, les auteurs annoncent la disparition de notre espèce dans 2,3 millions d'années et une bifurcation majeure dans 800 000 ans.

Si cette nouvelle loi semble introduire un déterminisme sous-jacent dans la structure chronologique de l'évolution, elle reste cependant muette sur la nature et les causes des bifurcations. Par suite, aucun des auteurs ne réfute le caractère fondamentalement indéterministe de l'évolution.