Science et Société

Jacques ROBIN

C'est un des objectifs essentiels que s'est fixé Transversales de “jauger” les rapports, ambivalents mais de plus en plus tissés, entre science et société. L'éditorial du N°1 de Transversales (janvier 1990), intitulé Cap sur le XXIe siècle, le disait clairement : " Au premier rang des dangers nous situons la mainmise de la technique sur la science... La technoscience, esclave du système industriel né en Occident, asservit de plus en plus à ses propres objectifs la science moderne qui s'était développée sur un impératif fondamental : connaître pour connaître. La mise en place d'une éthique autonome se trouve contrecarrée ", et l'éditorial ajoutait : " Dans deux secteurs centraux, ceux de la “communication” et de la “fabrication du vivant” la culture est en danger de mort ".

Nous y sommes.
En ce dernier numéro de Transversales du deuxième millénaire, nous avons cru opportun de faire un arrêt sur image des thèmes les plus effervescents.

  • L'autonomie de la science est-elle encore concevable ? De larges extraits d'un texte d'Edgar Morin sur ce sujet témoignent de la réflexion en profondeur sur la signification même de la science. Jacques Testart, récent auteur de Des hommes probables, apporte ensuite des propos postconclusifs qu'il tire de sa pratique quotidienne dans la procréation, pour souhaiter des “savants cultivés”.

  • Quel rapport se dégage de la confrontation “sciences et valeurs” ? Jean-Paul Karsenty nous livre en un raccourci frappant sa position sur le congrès de Budapest, qui a eu lieu du 26 juin au 1er juillet dernier, sous l'égide de l'UNESCO. Ce congrès a donné lieu à nombre de présentations et de publications.1

  • La responsabilisation des scientifiques et des techniciens nécessite-t-elle de nouveaux contrats entre ceux-ci et les institutions de la société ? À ce sujet, nous publions des extraits du Manifeste pour une science responsable et solidaire, né après plusieurs colloques initiés par la Fondation pour le progrès de l'homme.

  • L'essor prodigieux de la génétique et de la communication numérisée ne contraint-il pas les instances mondiales à prendre des décisions inédites dès l'entrée dans le XXIe siècle ? Dans ce numéro, Gérard Huber prend position sur la question de la géno-éthique. Certaines modifications génétiques ne conduisent-elles pas à une demande de moratoire ? Les questions de la brevetabilité dans ce domaine, avant les problèmes du consentement et de la précaution, ne nous conduisent-elles pas à des décisions immédiates ? Dans un prochain numéro, Joël de Rosnay discutera des questions d'info-éthique, que l'ordre numérique amplifie chaque jour.

    1. Sciences et valeurs, ombres et lumières de la science au XXIe siècle, sous la direction de Gérard Huber et Augusto Forti, éditions E.D.K., 1999.


    Quelques repères

    Nous avions déjà fixé des points de repères sur ces débats dès les premiers numéros de Transversales. Voici certaines de ces références.
    N°4, 5, et 6, La technoscience en question, Armand Petitjean et Jacques Robin.
    N°9, À propos de l'indécidabilité en sciences, Henri Atlan
    N°11, Science et droit : c'est à quel sujet ?, Gérard Huber
    N°16, Des scientifiques en mal d'écologie, Jacques Robin
    Dans un éclairage du N°17 intitulé Science et société, Anne-Brigitte Kern soulignait les responsabilités réciproques des politiques et des scientifiques dans des choix essentiels. Armand Petitjean, Axel Kahn, André Bourguignon et Henri Atlan y débattaient aussi sur des exemples précis.
    N°20, Maîtriser la technique ? Jacques Grinevald
    N°29, Interdisciplinarité et transdisciplinarité, Edgar Morin
    N°30, De l'expertise à la compétence, Jacques Testart et Une culture scientifique et technique, André Giordan
    N°38, Quelle raison partager ?, Martine Barrère.