Victoire du hamburger?

Marie-Louise Dubouin

Extrait de l'édito de La grande relève août-septembre 99 (N° 991)

" Monsieur Lamy, allez-vous nous défendre contre l'AMI, ou son clône, lors du prochain round du millénaire à Seattle ? " Cette question posée en direct par un auditeur sur les ondes de France Inter, à celui qui a été désigné pour devenir le commissaire européen chargé de la politique commerciale, est tout à fait d'actualité. On vient en effet d'apprendre que les États-Unis n'admettent pas que les Européens puissent refuser d'importer leurs bœufs parce qu'ils sont engraissés avec des hormones probablement cancérigènes, et qu'ils ont décidé, en représailles, des sanctions douanières sur certains produits européens. La réponse de Pascal Lamy laisse peu d'espoir : " la libération du commerce, c'est bon pour la croissance, et la croissance, c'est bon pour l'emploi ". L'expert récite la leçon néo-libérale. C'est toujours la course en avant, en refusant d'en voir les conséquences, alors que chacun s'aperçoit que la croissance n'a jamais cessé, mais qu'elle ne crée pas les emplois annoncés. On voit bien que s'il y a une pseudo réduction du chômage, ce n'est que par création d'emplois précaires, et en nombre bien insuffisant : on dénombre 37 millions de personnes sans emploi dans les pays riches.

Pour se défendre, les citoyens n'ont plus qu'à s'organiser, s'informer et se mobiliser jusqu'à faire passer leur détermination avant celle des négociateurs actuels de l'Organisation mondiale du commerce.

C'est dans cet esprit que nous avons participé aux Rencontres internationales organisées par Attac sur le thème “La dictature des marchés ? Un autre monde est possible” fin juin à l'université Paris VIII. L'affluence (plus de 1 200 délégués, alors que l'association avait à peine un an) et la détermination des représentants venus de 80 pays, furent un encouragement, d'autant que les témoignages sur cette dictature étaient accablants (je pense, parmi tant d'autres, à celui des femmes venues du Tiers monde et à celui du Président de l'Assemblée législative de l'état brésilien du Minas Gerais), et que de nombreuses coordinations se sont établies. Il a été décidé de concrétiser cette mobilisation internationale au cours de la semaine incluant le 12 octobre prochain (journée contre la néo-colonisation) et le 17 octobre (journée contre la misère), avec partout des interpellations pour dénoncer la stratégie des sociétés transnationales. Une autre journée de mobilisation aura lieu au moment de l'ouverture des négociations de l'OMC, le prochain dossier de notre journal sera consacré à ce qui s'y prépare.

La publication 1998 du rapport du Programme des Nations unies pour le développement vient renforcer nos convictions. Il constate que la production de produits de consommation a doublé depuis 1975, mais que l'augmentation de l'inégalité est foudroyante : l'écart entre les 5 % les plus riches et les 5 % les plus pauvres qui était de 30 à 1 en 1960 est maintenant de 74 à 1. Plus d'un milliard de personnes n'ont pas les moyens de satisfaire leurs besoins essentiels de consommation, n'ont pas accès à l'eau potable et aux services modernes de santé. Un nouvel “indice de pauvreté” (IPH-2) révèle que les pays industrialisés comptent entre 7 et 17 % de pauvres, et que c'est dans le plus riche d'entre eux, les États-Unis, que la pauvreté humaine est la plus répandue. Enfin le PNUD a fait une découverte : les progrès liés aux évolutions technologiques, dont celle de l'information, moteur de développement, sont inégalement répartis…