Santé, environnement, social : mauvaise gestion des biens publics de l'humanité

Bénédicte Manier*
*Journaliste

Crises sociales, conflits, désastres écologiques, épidémies… Les troubles dont souffre la planète proviennent d'une insuffisance des " biens publics mondiaux " produits par la puissance publique : tel est le constat d'un rapport d'économistes effectué pour le compte du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), intitulé Global Public Goods, International Cooperation in the 21st Century.

Dans l'ouvrage collectif, auquel ont participé notamment Joseph Stiglitz (Banque mondiale), Jeffrey Sachs (Harvard), Ravi Kanbur (Université Cornell), Inge Kaul (PNUD), et le Prix Nobel d'économie Amartya Sen, il est rappellé qu'en théorie, la stabilité financière, la santé, un environnement sain, la sécurité humaine, la paix, le savoir et l'information sont le résultat de productions publiques : politique d'éducation, gestion durable du milieu naturel, régulation du marché, structures de soins et de surveillance épidémiologique, prévention des conflits. Ces biens devraient profiter à l'ensemble de l'humanité.

Les crises actuelles (" les maux publics mondiaux "), comme les conflits, les désastres écologiques, les crises monétaires ou les épidémies, proviennent d'une " grave insuffisance " de ces biens, carence due à un décalage croissant entre l'échelle de leur production et l'échelle des besoins.

Le premier décalage est celui existant entre une société et un marché mondialisés, et des prises de décision qui restent au niveau national : l'interdépendance croissante des pays et des enjeux, estime cet ouvrage, impose une prise en charge mondiale de ces biens publics, jusqu'à présent définis et produits au niveau des États. Il ne peut exister " de dynamique mondiale " pour produire les biens dont toute l'humanité devrait bénéficier tant que " les structures de décision restent au niveau des États ", explique un des auteurs, l'économiste Isabelle Grunberg (PNUD).

Mais il ne suffit pas de se limiter à la gestion des crises, il faut repenser de fond en comble la coopération internationale. Les auteurs estiment en effet que la traditionnelle division entre affaires internes d'un pays et affaires externes (notamment l'aide au développement) a vécu, et que seule une " approche nouvelle " permettrait une action bâtie sur la responsabilité collective et sur des " priorités mondiales communes ". La première réforme suggérée est la création au sein des Nations unies d'un " Conseil de tutelle " sur ces biens publics mondiaux.

Un fonds mondial de participation

Cet ouvrage souligne aussi " la confusion " qui règne actuellement sur les objectifs de l'aide au développement, qui a atteint son niveau historique le plus bas (0,25 % du PNB des pays donateurs, alors que l'ONU a fixé un seuil minimum de 0,7 %). Si l'on définit les priorités des régions en développement destinataires de l'aide, pourquoi ne pas utiliser cette aide pour produire des biens publics régionaux, propose l'ouvrage, qui rappelle qu'une politique de cet ordre (le plan Marshall) a réussi en Allemagne après la guerre. L'ouvrage estime également que la coopération internationale ne saurait être renouvelée que sur une base équitable. Soulignant le décalage qui existe entre le Nord et le Sud en matière de participation aux décisions internationales, il appelle à créer " un fonds mondial de participation " pour aider les pays pauvres à prendre part aux négociations internationales (traités commerciaux notamment) sur un pied d'égalité avec les pays riches, avec la même capacité d'analyse et de défense de leurs intérêts. Ce fonds serait abondé par les pays riches à hauteur de 0,1 % de leur PNB, mais géré par les pays en développement. Enfin, les auteurs proposent d'impulser une nouvelle dynamique de décision en élargissant le G8 en G16 avec l'entrée de huit pays en développement. Même souhait pour l'ONU, qui a besoin d'un " nouveau tripartisme " avec la participation systématique de la société civile (les ONG) et du monde des entreprises. Ces propositions peuvent être consultées sur internet (http://www.undp.org/globalpublicgoods).