L'expérience censurée de Wörgl


1932. À Wörgl, ce village du Tyrol autrichien, la situation économique est dramatique. Un habitant sur trois est enregistré au chômage. Pour sortir de cette crise, le maire M. Unterguggenberger décide d'expérimenter la monnaie fondante, selon Silvio Gesell. Il convainc les membres du comité de secours municipal de soutenir cette initiative.
Le 1er août 1932 le plan d'action est voté. La mairie émet des attestations de travail, plutôt que de s'endetter en déboursant l'argent qu'elle n'a pas. Elle en fait un moyen d'échange local. La municipalité paye donc ses employés et ses ouvriers en bons de travail. Ainsi, les bouchers, boulangers et autres commerçants sont-ils aussi réglés en bons de travail et non plus en monnaie courante.
Grâce à ce système, les chômeurs retrouvent un emploi et un pouvoir d'achat : la fabrique de ciment embauche 400 personnes, l'usine de cellulose engage 350 ouvriers, la mairie poursuit les constructions de route et de canaux. L'engrenage fonctionne.
Le pouvoir d'achat des bons de travail s'aligne sur celui du schilling officiel. Mais pour lutter contre la thésaurisation, les certificats sont taxés à hauteur de 1 % par mois. Ceux qui veulent éviter de payer cette taxe ont évidemment intérêt à s'en débarrasser. D'où une circulation accélérée de ce moyen d'échange. Ces taxes imposées par la mairie sont en fait des timbres émis par elle, et collés au dos des certificats, ce qui permet une rentrée fiscale nette.
Quelques mois après le lancement de ce nouveau mode de paiement la consommation est relancée, les recettes fiscales augmentent, et les arriérés de la commune sont en partie réglés. La situation autorise même la mairie à anticiper le paiement de ses impôts.
En 1933 le gouvernement du Tyrol met fin à l'expérience, il interdit l'émission de ces bons de travail. Le conseil porte plainte auprès du tribunal administratif contre cette interdiction. L'avocat de Wörgl ne manque pas d'arguments ni d'exemples pour prouver les effets positifs de ce nouveau système d'échange pour la commune. Mais le droit exclusif de la Banque nationale d'émettre des billets est violé. La plainte fut rejetée.
L'histoire inspire certains responsables politiques français, en particulier Édouard Daladier qui reconnaît : " Dans ma propre ville, si elle devait connaître la crise effroyable de Wörgl, j'essayerais avec d'ailleurs des modifications importantes, d'y appliquer ce principe, plutôt que de me résigner à ce fatalisme qui est de mode dans notre pays ".

A-L. P.

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