Les monnaies affectées, l'exemple de l'économie sociale

Anne-Laure PORÉE *
* Journaliste

Le système des tickets-restaurant connu depuis plusieurs dizaines d'années, a fait les preuves de son efficacité. Sur le même principe, un récent rapport 1 sur les emplois de proximité propose de créer des tickets-service. Le but : subventionner les consommateurs de certains services par des aides ciblées, plus ou moins importantes, matérialisées sous forme de tickets. Un instrument a priori idéal pour solvabiliser la demande.

Si les tickets-service étaient mis en place, ils s'adapteraient parfaitement à l'échange de services de proximité. Ce moyen de paiement pourrait exister sur support papier, comme l'actuel titre-emploi-services, ou sur support électronique, comme l'illustre le système Adicarte expérimenté avec succès par les services d'action sociale du conseil général des Bouches-du-Rhône.

Cet outil permettrait de définir des priorités en amont : qui choisit-on d'aider ? Comment aider ceux qui en ont le plus besoin ? Mais dans son usage, le ticket-service ne différencierait ni les utilisateurs, ni les prestations offertes. Donc sur support papier rien n'indiquerait qu'à l'origine le cadre aurait payé 80 % de la valeur faciale, l'employé 30 %, ou que le chômeur ou la personne âgée dépendante n'aurait rien payé. Sur support électronique, l'affichage éviterait par nature une telle discrimination. Pour limiter les possibilités de trafic des tickets-service sur support papier, il serait nécessaire d'instituer une pratique de "marquage" des tickets remis aux personnes imposables.

Les potentialités

L'utilisation du ticket-service pourrait concerner l'ensemble des services de proximité compris dans le champ de l'intervention publique plutôt que de se limiter à telle ou telle prestation. En effet, le ciblage sur un service particulier comme la garde d'enfants est coûteux à gérer pour les pouvoirs publics et peut finalement freiner le développement des services de proximité dans leur ensemble. Dans son principe, le ticket-service est un dispositif très simple qui a déjà fait ses preuves : il est analogue à celui des ticketsrestaurant, dont le succès ne se dément pas depuis des décennies ; il peut également s'appuyer sur les expérimentations menées à l'aide du titre-emploi-services. L'idée consiste à gérer le temps de prestation grâce à la carte à puces. Quand le prestataire de service arrive chez le bénéficiaire, tous deux introduisent leur carte dans un lecteur spécial. À la fin du rendez-vous, le décompte du temps est enregistré sur ces cartes qu'ils récupèrent. Autorisé par l'arrêté ministériel du 13 septembre 1996, le chèque-emploi-services a montré la validité du principe.

1. Les auteurs du rapport au Premier ministre : Gilbert Cette, Pierre Héritier, Dominique Taddei, Michel Théry, Michèle Debonneuil et Reza Lahidji. La Documentation française.


" Le Crédit mutuel, c'était les SEL de l'époque ! "

Un débat récurrent concernant l'économie sociale porte sur le passage de la micro à la macro-économie, d'une expérimentation locale à une expérience plus large avec une dimension d'efficacité pour atteindre la transformation sociale.
Souvent, les institutions de l'économie sociale ont démarré avec la même énergie militante que dans les SEL aujourd'hui. Pascal Dorival, directeur de Chèque Domicile, raconte les témoignages qu'il a recueillis sur les débuts du Crédit mutuel :
" Tout cela se faisait dans une cuisine entre les habitants du village qui avaient décidé de mettre un peu d'économie entre eux, pour faire de l'argent entre eux. Petit à petit le groupe s'est structuré. Je connais encore des gens qui se souviennent des permanences du Crédit mutuel il y a vingt ans : c'était le dimanche dans leur cuisine pour tenir les comptes. Depuis, cela s'est professionnalisé. Le Crédit mutuel, c'était les SEL de l'époque ! "