Quand les habitants gèrent
vraiment leur ville.

Le Budget Participatif :
l’expérience de Pôrto Alegre au Brésil,
Tarso Genro, Ubiratan de Souza.

Éditions Charles Léopold Mayer
38 rue St Sabin F-75011 Paris. Tél : 33 1 48 06 48 86.


Dans la foulée de son passionnant travail mené au moment d’Habitat II1, la Fondation Charles Léopold Mayer vient de publier undossier sur l’une des plus riches expériences de démocratieparticipative menées à travers le monde, celle de la mairie de Pôrto Alegre au sud duBrésil et de son budget participatif.

Depuis près de dix ans, cette ville de 120 000 habitants, sous l’impulsion de son maire Tarso Genro2 a mis en place un processus d’élaboration collective du budget de la ville, auquel chaque habitantpeut librement participer.

Le montage est complexe. Il alterne des périodes de consultation et dedébat intenses avec des élections (élection d’un forum dedélégués qui a essentiellement un rôle de contrôle ; élection des conseillers au budget, les véritables représentants de lapopulation et interlocuteurs de la mairie). Les périodes de vote surprojet constituent une phase essentielle puisqu’elle permet àchaque quartier de la ville— celle-ci est découpée en 16 secteurs — ainsiqu’aux cinq missions thématiques qui portent les problèmestransversaux à la ville, de hiérarchiser leurs priorités d’investissement. Sur une grille comportant 12 thèmes — de lavoirie à l’éducation, en passant par la politique de l’habitat et le transport… — chaque groupe choisit, au termed’une longue phase d’évaluation et de débat, ses quatre priorités. Les votes sont ensuiteconsolidés. La formation joue également un rôle important,puisqu’elle permetà chaque citoyen d’acquérir descompétences dans un domaine dont la technicité ferme l'accès au plus grandnombre.

Le temps — meilleur allié de la démocratie — est enfinessentiel puisque ce processus s’étale sur 9 mois. Le résultatde ce processus est une proposition budgétaire soumise à la Chambredes élus municipaux3. Une fois voté, l’exécutif et le conseil dubudget participatif élaborent un plan d’investissement sur labase de la proposition budgétaire en repondérant les investissementspour tenir compte de la densité de la population et du degré de carence en équipements dans chaquesecteur.

Les résultats, à en croire le document et les photographies quil’accompagnent, sont surprenants : favelas désenclavées etassainies, quartiers insalubres déplacés, reconstruits non pas artificiellement mais selon les demandes de leurshabitants, axes réaménagés…

Tout aussi importants, si ce n’est plus, que ces résultatsvisibles, sont les effets sociaux et politiques de ce processus. Carc’est bien là la radicalité et la force du budgetparticipatif. Ses concepteurs sont partis des mêmes constats que nous effectuons de ce côté de l’Atlantique etde l’équateur : crise de la représentation politique, pouvoirexécutif de l’expertise, aspiration à une connaissance de la part des citoyens et recherche de sens,délitement du lien social qui fait le lit d’un individualismerégressif, etc.

Les hypothèses qui sous-tendent leur démarche peuvent se résumerainsi :

- il n’y pas à opposer démocratie représentative etdémocratie participative, l’une renforce l’autre et leurmariage est indispensable pour «démocratiser la démocratie»;
- de même, gestion et mobilisation ne sont pas antinomiques, l’État n’a pas l’apanage de la responsabilité, celle-ciest compatible avec un souci de plus grande justice sociale ;
- le mandat essentiel de l’élu n’est plus de déciderpour le citoyen, mais avec lui. L’élu est alors un médiateuret un promoteur. On a là une réponse à la critique de laliberté formelle où le citoyen rentrait chez lui après avoir voté et éprouvésouvent un sentiment d’impuissance voire d’amertume ;
- la réforme du pouvoir politique doit partir du local, mais l’expérience menée à Pôrto Alegre doit inspirer la réforme detous les niveaux de l’espace politique.

Il était grand temps que cette expérience, aussi innovante etessentielle, soit diffusée en Europe au-delà d’un cénacled’avertis. Mais l’ouvrage conduit à poser d’autresquestions aussi bien sur la manière concrète dont l’expérience a été menée que sur saconceptualisation. Ses porteurs prétendent à l’universalitéde leur démarche — celle-ci serait exportable aux autreséchelons de l’espace public mais aussi à d’autres pays, d’autrescultures. On aimerait les croire, mais cette affirmation, qui contrasteavec la modestie avec laquelle l’expérience semble avoirété menée, demande à être vérifiée. Et l’on aimerait en savoir plus sur les expériencessimilaires menées ailleurs en Amérique latine.

Autre questionnement majeur : la place du pouvoir législatif. Celui-ciintervient quasiment en fin de parcours. Peut-il refuser le projet debudget issu du processus participatif ? Si l’ouvrage n’apporte pas de réponse sur ce point— tout au plus, est-il fait référence à une«négociation» — on peut en douter. Quelle assembléeassumerait de s’opposer à la «volonté populaire» ? Maisalors quel est son rôle résiduel dans un pays où les «Vereadores» — élusmunicipaux — fonctionnent pour la plupart sur une baseclientéliste ? Le forum des délégués et les conseillers au budget participatif ne constituent-ils pas de cefait le nouveau pouvoir législatif ?

Troisième groupe d’interrogations liées au rôle desmédiateurs et des leaders. Dans la plupart des expériences dedémocratie participative rencontrées, le talon d’Achille duprocessus vient du rôle joué par les impulseurs de la dynamique —, souvent des leaderscharismatiques — et des personnes qui construisent l’interface entre les citoyens et les élus — les médiateurs. Defait on découvre souvent comment derrière une façade de démocratie participative quelques individus jouentun rôle fondamental, orientent les choix des citoyens, et ne peuventêtre remplacés au risque de voir le processus s’effondrer.

Pôrto Alegre semble avoir su éviter ce dernier écueil, puisqueTarso Genro n’est plus maire de Pôrto Alegre. Il seraitintéressant de savoir si ce départ a joué sur le processus, demême qu’un détour par la genèse du projet serait éclairant. L’idée du budget participatifest-elle le fruit du travail du Parti des Travailleurs ou l’idéed’un homme ?

Quant aux médiateurs — ici les «coordinateurs de secteurs»— cadres de la municipalité, ils jouent un rôle essentiel :porter une approche globale des actions de la municipalité, amener dans les quartiers un centre administratif ambulant, véhiculerdes valeurs, promouvoir une attitude de coopération et denégociation, établir la passerelle entre les leaders communautaireset le pouvoir municipal… Sur ce point, le texte est plus éclairant puisqu’il insiste surla complexité de ce rôle, note la possibilité des dérives etprésente deux garanties mises en place : le coordinateur de secteur nepeut exercer son activité dans le secteur où il habite et cette tâche est confiée aux«meilleurs cadres politiques». Mais deux lignes laissent rêveur :«Il n’y a pour cela ni formation, ni qualificationspécifiques. Notre seule école de formation, c’est la vie, l’action est une constanteréflexion critique».

Sans mettre en doute la sincérité de ceux qui portent aujourd’hui cette démarche, la question de la transmission reste entière.Comment s’assurer que les futurs médiateurs soient animés parle même sens critique et n’aient pas plus d’appétit de pouvoir que ceux qui l’exercent aujourd’hui à Pôrto Alegre ?

Les éditeurs/traducteurs de l’ouvrage, dont on saluera au passagel’excellent travail pédagogique, sollicitent les commentaires deslecteurs en prévision d’une 2ème édition. Souhaitons que celle-ci voie le jour et apporte des réponsesà ces interrogations.

Valérie Peugeot

1. Sommet mondial des villes qui s’est tenu à Istanbul en 1996.
2. Tarso Genro est l’un des responsables du P.T., Parti desTravailleurs.
3. Au Brésil, il existe un pouvoir législatifmunicipal élu indépendamment du maire et qui peut donc êtred’une coloration politique différente.

CAFECS


Constitué à la suite de l’appel «Refondons l’Europe», le Carrefour pour une Europe Civique et Sociale souhaitemobiliser la société civile et les associations sur l’urgenceà donner à l’Europe une colonne vertébrale et un nouveau souffle face au tripledéficit démocratique, institutionnel et social dont elle souffre.Depuis, ce carrefour a élaboré une problématique pour un débat«De nouvelles fondations pour l’Europe» que l’on peut se procurer à Transversales.

Aujourd’hui le CAFECS entend faire avancer dansles faits ce débat en liaison avec les mouvements qui poursuivent un butanalogue, lors d’un séminaire au Palais Bourbon le 24 octobre 1998. Transversales y participeraet ne manquera pas de vous rapporter l’état du débat dontl’enjeu est bien entendu les prochaines élections européennesde juin 1999.



Conférences Inter Citoyennes


Les CIC ont tenu leur assemblée bi-annuelle les 2 et 3 octobre 1998 àSaint-Ouen. Des citoyens de 35 associations ont débattu pendant deuxjours de l’enjeu des élections européennes. «25propositions à l’adresse des citoyens et des candidats» ont été retenues etpermettront à chacun de s’impliquer.

Pour en savoir plus :
CIC : Tel : 01 40 11 52 36.
Email : cic-icc@globenet.org

Globenet


GlobeNet co-organise avec Iris, le Mini-Rézo, Neuronnexion/Humanet, leR@s, les "Premières Assises de l’Internet non marchand etsolidaire" le 7 novembre 1998 à l’Assemblée Nationale àParis.

Le but de cette journée ouverte au public est de réunir toutes lesassociations et initiatives de solidarité utilisant Internet, afin queces associations se connaissent mieux entre elles d’une part, etfassent connaître leurs activités au public d’autre part, tout en confrontant leursexpériences.

Pour en savoir plus :
Tél. : 01 45 78 34 07
Site : http://www.assises.sgdg.org