Et maintenant, à nous d'agir ensemble…

Comme nous vous l'avions laissé prévoir, le 7 juillet dernier, une "Promesse de création de société : Transversales Sciences/Cultures S.A." a été signée par dix associés. Un capital de près de 600 000 francs a été rassemblé avec des apports en comptes courants d'une même équivalence. On peut espérer, malgré la période des vacances, obtenir l'avis favorable des administrations dans les semaines à venir et tenir alors en septembre prochain l'assemblée constitutive de cette société à conseil de surveillance et directoire.

Le GRIT (Groupe de Réflexion Inter et Transdisciplinaire) sera l'actionnaire majoritaire et Le Monde diplomatique l'actionnaire minoritaire principal. À leurs côtés, se trouvent des partenaires "pluriels" d'une sensibilité proche : la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l'homme, le groupe de presse La Vie, des représentants de l'économie sociale comme la mutuelle MACIF et l'entreprise Chèques déjeuners. Des apports plus personnels ont été faits par des personnalités proches de nous : Claude Alphandéry, Michel Hervé, André Parinaud.

Dans le prochain numéro (53, à paraître en octobre) nous serons donc en principe en mesure de vous donner des précisions définitives sur les organes de direction et d'impulsion de Transversales Sciences/Cultures S.A. Nous rappelons les objectifs recherchés : déboucher sur une audience internationale, mener une véritable politique de diffusion, installer une présence active sur Internet.

Cette expansion n'a d'intérêt que si nous sommes capables de renforcer nos capacités d'analyses et de propositions lors de cette mutation exceptionnelle dans laquelle entre l'Humanité : l'ère informationnelle succède sans coup férir à l'ère énergétique ; comment y construire un humanisme renouvelé ?

Dans le numéro 50, nous avons cerné les perspectives éditoriales qui nous paraissent les plus cruciales. Il nous faut les approfondir et les confronter en créant les conditions d'une réforme des modes de pensée et d'action. Pour ce faire, nous comptons sur le GRIT mais aussi sur vous, lecteurs et abonnés.

Le GRIT, qui garde son statut d'association loi 1901, se prépare à renforcer ses fonctions de "groupe de pensée". Pour cela, avec la présence de nouveaux participants, il élargira ses débats et tiendra des séminaires avec d'autres groupes ; ses travaux féconderont naturellement le contenu de Transversales.

Ses thèmes auront pour point commun :
- d'être méthodologiquement transdisciplinaires ;
- de participer au projet de refondation d'un humanisme adapté à l'ampleur des mutations contemporaines ;
- de construire une problématique et un débat s'inscrivant dans une tension dynamique entre logique de résistance et logique d'anticipation.
Déjà les angles d'attaque de certains de ces thèmes ont été retenus et nous vous en livrons un bref résumé :

Habiter le temps
La vitesse est aujourd'hui une caractéristique centrale du mode de vie compétitif de nos sociétés. Elle est aussi à l'origine de pathologies sociales et individuelles croissantes : management par le stress, couple excitation/dépression culminant dans l'économie de la drogue ; paradoxe des gains de temps croissants issus des mutations technologiques et de l'incapacité culturelle de nos sociétés à vivre positivement leur temps libéré ; vitesse de circulation des capitaux sans régulation financière, etc. Le développement d'alternatives à la vitesse et à "logique de l'urgence" est au cœur des stratégies positives en vue de nouvelles "politiques du bien-être".

Pour une politique du bien-être
La dérive du welfare state en logique d'État-providence a largement alimenté la critique libérale de l'assistance et de la déresponsabilisation. Or, face à la course généralisée à l'avoir, la question d'un environnement favorable au bien "être" est décisive pour construire des modes de vie et de développement différents. Comment penser et proposer une telle politique sans risquer les rechutes totalitaires des politiques prétendant faire le bonheur des peuples malgré eux ?

Euro, commerce électronique et monnaies plurielles
L'euro n'a de sens positif que s'il se fonde sur un espace social et civique européen qui est aujourd'hui bien loin d'être préparé par la logique monétariste qui prévaut parmi les gouvernements. Dans cette perspective la fonction d'un euro susceptible d'être un vecteur de régulation mondiale face au dollar et d'aider à la formation d'une Europe sociale et politique conduit à intégrer soit une pluralité de fonctions sur une même monnaie, soit une pluralité de monnaies. L'articulation du lancement de l'euro avec le rôle des monnaies nationales actuelles, les monnaies d'échange de type SEL, les monnaies affectées et non thésaurisables de type "chèques déjeuner" et le commerce électronique doit être pensée dans une stratégie globale.

Enjeux éthiques, politiques, économiques de la révolution du vivant
Dans la lignée des articles de Transversales sur les problèmes des biotechnologies et du clonage, la question radicale qui se pose aujourd'hui est celle de la capacité des humains à modifier radicalement leur nature. Dès lors les cadrages éthiques et philosophiques deviennent absolument nécessaires pour penser le cadre juridique et politique de l'évolution des technologies et des marchés dans ce domaine. Faute d'une telle élaboration, le risque de dérive qu'analyse le livre de Jeremy Rifkin (Le siècle biotech) est considérable.

La réforme des savoirs
Le problème de la réforme des savoirs est à la fois lié à la promotion d'une approche pluri et transdisciplinaire (cf. E. Morin) et à un renouvellement pédagogique de l'aspect au savoir (cf. le rapport de Philippe Meirieu au colloque de Lyon). Cette approche chère à Transversales et aux mouvements d'éducation populaire est contestée dans un certain nombre de milieux syndicaux et intellectuels qui y voient un détournement possible de la fonction de l'éducation nationale au profit d'une logique d'adaptation à l'économie. Comme nous entretenons par ailleurs avec ces milieux des rapports étroits sur d'autres terrains (par exemple le syndicalisme enseignant au sein d'ATTAC), il serait utile de construire une véritable éthique de discussion sur le sujet afin de faire la part des procès d'intention, des malentendus et d'authentiques désaccords qui peuvent alors être traités de manière féconde.

Crise du travail, crise du salariat : une sortie positive est-elle envisageable ?
Face aux phénomènes de précarisation du travail, comment articuler logique de résistance et logique d'anticipation de manière à éviter aussi bien le repli défensif, voire corporatiste, sur le noyau dur du salariat industriel que la fuite en avant technologique et économique oublieuse des humains ? Sur ce sujet une véritable éthique de discussion est d'autant plus nécessaire que les protagonistes du débat intellectuel sur le travail n'emploient pas les principaux concepts dans le même sens.

*
*      *

Nous vous proposons donc dès aujourd'hui de nous faire part de vos réactions sur ces premiers thèmes : propositions de partenariats que vous avez repérés, textes proches qui vous ont séduits.

Notre ambition, c'est que vous participiez de plus près aux réflexions et aux actions qui en découlent. En manifestant critiques et suggestions, n'oubliez pas de renouveler votre abonnement, de rechercher de nouveaux lecteurs par des abonnements d'essai ou d'ami (cf. ci-contre). C'est ensemble que nous concevons de bâtir cette aventure de Transversales S.A.

J.R./P.V.