UNE RICHESSE MECONNUE : LES HOMMES

Derrière le drame des colonnes de réfugiés existe la géopolitique la plus cynique. Celle-ci se traduit au sein de l'Afrique elle-même et illustre les nouveaux conflits d'influence de l'ère mondiale inaugurée par l'effondrement du bloc soviétique. Comme le note justement l'organisation non gouvernementale &laqnoAction contre la faim» dans une brochure récente, la faim est devenue une arme politique et militaire majeure dans les conflits qui ravagent le continent noir. Il est grave qu'à l'heure où l'Europe doit montrer qu'il existe une voie différente de celle que cherchent à imposer au monde les États-Unis, notre pays soit si mal placé, du fait des politiques cyniques que ses gouvernants ont conduites en Afrique, pour montrer ce chemin.

Mais la France, l'histoire en témoigne abondamment, ne se résume pas à ses rois et à ses chefs. Elle existe par la capacité de ses citoyens à s'intéresser à la question du monde du point de vue des droits des humains plutôt que de celui des États et des marchés. Le seul universalisme acceptable, parce que non suspect d'impérialisme, est celui qui rappelle que nous sommes des &laqnosemblables» dans la radicalité même de nos différences. Il est dès lors un universalisme critique de toutes les logiques de deshumanisation qui, par fascination des rapports de force ou fétichisme de l'argent, finissent par s'intéresser davantage à l'administration des choses qu'au gouvernement des hommes. C'est à la citoyenneté des habitants de cette terre, à cette universalité humble de la condition humaine, que l'Europe doit oeuvrer par la mise en oeuvre d'un humanisme conséquent.

Elle doit, pour ce faire, cesser de courir après une Amérique qui a choisi d'être dure aux faibles ; elle doit préserver un modèle de société qui considère que la protection sociale est une chance et non un boulet. Mais il ne suffit pas d'adopter une position défensive. Il nous faut créer, en particulier avec l'Afrique martyre, une alliance dynamique fondée sur cette immense richesse ignorée des places boursières et des nouveaux despotes : les hommes.

P. V.