Thématiques > Vivant

Si rien ne change, tout va changer !

Le 30  septembre 2003 par Jacques Grinevald

L’effet de serre constitue un des problèmes majeurs auxquels nous devons faire face dès aujourd’hui. Les termes du débat sur le changement climatique doivent être posés dans un cadre compétent. Ce débat ne relève pas uniquement de la météorologie, mais plutôt de la biogéochimie, qui étudie à la fois l’atmosphère, l’hydrosphère, la lithosphère, et la biosphère : il nécessite une vision globale. A ce titre, la planétologie comparée nous aide également à comprendre : l’effet de serre explique la température à la surface de Vénus (chaleur extrême) et de Mars (froid extrême). La vie a donc totalement transformé la géochimie de la face de la Terre, et cette biogéochimie a eu un impact considérable. La Nasa a lancé l’étude des changements de la Terre, le "Global Change", dont le paradigme est biogéochimique, avec une perspective interdisciplinaire et holistique : c’est le véritable cadre scientifique pour discuter du problème de l’effet de serre. Mais il faut noter que les économistes ont envahi l’expertise de l’IPCC (GIEC), ainsi que les négociations internationales !

L’origine de l’inquiétude apparaît vers 1970, avec la courbe de Keeling (dérive de la concentration du CO2 dans l’atmosphère) : cette courbe est, depuis la révolution économico-industrielle, en croissance sur-exponentielle ! J’appelle cela la "pierre de Rosette" de l’effet de serre. Par conséquent, si rien ne change tout va changer : déstabilisation du système, événements météorologiques extrêmes. L’Homme accélère les cycles biogéochimiques de façon trop brutale. Il faut réduire notre impact sur le système climatique (également appelé biosphère chez Vernadsky, ou Gaia chez Lovelock).

Il est donc urgent d’agir de tous les côtés. A l’échelle internationale, on n’échappe pas à la contrainte majeure de diminution des émissions de CO2 (même si les Etats-Unis ne montrent pas l’exemple). L’industrie fait certes de gros progrès, mais il y a cependant l’effet rebond : même si une diminution par unité produite est constatable, c’est l’impact global, en augmentation parce que le nombre d’unités vendues a lui-même augmenté, qui compte. Un énorme travail pédagogique reste à faire : l’Union Européenne pourrait par exemple décider que le mythe de la vitesse, c’est terminé. Limitation à 100 km/h sur autoroute. C’est techniquement faisable, très symbolique : un déclic pour les mentalités. Au niveau de l’éducation nationale, il faut une écologie globale propédeutique. Une année de culture environnementale pour tous.

La solution nucléaire est souvent évoquée comme énergie de remplacement aux énergies fossiles émettrices de CO2 (le nucléaire n’émet pas de gaz à effet de serre). Mais cela me semble un leurre : l’histoire du nucléaire est intimement liée à l’histoire des Etats nucléaires. Pas de nucléaire civil sans nucléaire militaire, enseigne l’histoire. Multiplier les centrales dans le monde n’est pas raisonnable et ne résoudra rien durablement.

La voie à suivre, c’est la décroissance soutenable. Il faut sortir de la logique de la croissance sur les biens matériels, parce que la Terre est limitée : c’est un monde aux ressources finies. Les gens dans la misère ont besoin d’un peu de croissance, ceux à niveau de vie élevé d’une baisse en valeur absolue. Il faut sortir du mensonge de l’amalgame du taux de croissance, en changeant le calcul économique. La décroissance, c’est aussi le désarmement (militaire et industriel), et une démographie compatible avec la capacité de charge de la biosphère. Le développement dit "durable" n’est donc pas soutenable à long terme : on ne peut pas développer indéfiniment si les ressources sont finies. Nous devons prendre conscience des limites. Nous n’habitons pas sur la Terre, nous faisons partie du système Terre.

En savoir + : Institut d’études économiques et sociales pour la décroissance soutenable - l’effet de serre de la biosphère : de la révolution industrielle à l’écologie globale

Le texte ci-dessus est un résumé de l’entretien complet avec Jacques Grinevald :Lire l’entretien complet (format PDF).