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Les neurones miroirs

Le 29  janvier 2007 par Jean Zin

« Quand nous utilisons l’expression "Je sais ce que tu ressens" pour manifester notre empathie, nous ne réalisons pas à quel point cette phrase est exacte ! »

Les neurones miroirs ne sont plus vraiment une découverte mais leur rôle est réévalué dans la constitution d’une "théorie de l’esprit" et de comportements "moraux".

Il faut dire que, ce qu’on appelle morale, en théorie de l’évolution, c’est l’anti-darwinisme, l’anti-égoïsme, la coopération entre individus qui font partie d’un organisme, d’une organisation, d’une famille, d’une espèce, voire du monde du vivant, plutôt que d’être dans la compétition, la lutte pour la vie individuelle ou la volonté de puissance.

Il faut d’ailleurs distinguer ce qui relève plus de la participation que de l’imitation, c’est à dire basé sur le partage du même code, de la même information, et donc sur une communauté d’origine, une même construction, ce qui implique des réactions identiques, une compréhension immédiate, à distinguer du sacrifice, de l’attachement, de la dépendance, voire de l’amour, qui sont programmés hormonalement et constituent une réponse plus spécifique.

Il ne faudrait pas trop surestimer l’imitation pour ce qui nous concerne, non que l’imitation n’ait pas une grande part dans nos comportements mais largement supplantée par l’apprentissage et le symbolique. Il n’y a pas seulement, dans notre cas, imitation immédiate, en miroir, mais dogmatisme du savoir et fanatisme des croyances.

Reste qu’il est fondamental de reconnaître que les mêmes zones du cerveau s’activent lorsqu’on fait une action et lorsqu’on la regarde faire. C’est un mécanisme de base de la communication entre animaux et entre humains, de ce qu’on appelle "la théorie de l’esprit", c’est-à-dire de la représentation de l’esprit de l’autre, de son humeur et de son intentionalité ("décrypter les intentions d’autrui"), sans laquelle il ne peut y avoir de relations sociales. On constate d’ailleurs que les espèces qui ont un gros cerveau sont des espèces sociales. Le cerveau sert d’abord à comprendre les autres, traiter l’information qu’il reçoit pour gèrer les relations sociales. On comprend bien ainsi le mécanisme de projection qui nous fait interpréter les actions des autres à l’aune de nos propres motivations mais aussi le fait que les émotions sont des mouvements du corps et que "l’affect est capacité d’agir" comme dit Spinoza.

« En plus de permettre une compréhension des actions, des intentions et des émotions d’autrui, il serait une composante importante de la capacité des hommes à apprendre des tâches cognitives complexes, juste par observation. »

« Quel est le rôle de ce système dans le langage - l’une des capacités cognitives humaines les plus élaborées ? En effet, le système des neurones miroirs contient l’aire de Broca, un centre cortical fondamental pour le traitement du langage. Et si, comme le pensent certains linguistes, la communication humaine a commencé par une gestuelle faciale et manuelle, alors les neurones miroirs auraient pu jouer un rôle important dans l’évolution du langage. Le mécanisme des neurones miroirs résout deux problèmes fondamentaux de communication : la parité et la compréhension directe. La parité suppose que le sens du message soit le même pour l’expéditeur et pour le destinataire. La compréhension directe signifie qu’un accord préalable entre les individus n’est pas nécessaire pour qu’ils se comprennent. L’accord est inhérent à l’organisation neuronale de deux personnes. Les miroirs internes seraient donc ce qui permet à Jean et à Marie de se parler sans mots... »

En fait, sans remettre en cause ce qui peut lier l’apprentissage du langage et l’imitation, il faut souligner qu’en insistant sur l’imitation on rate ainsi complètement la spécificité du langage humain, de sa double articulation qui sépare le sens du son, où le mot désigne l’absence et surtout où le sens se construit par division d’une totalité et non par agrégation d’éléments. C’est un saut entre deux ordres de réalités aussi éloignés que le monde quantique et le monde classique, même s’il faut bien passer de l’un à l’autre ! Au-delà de l’imitation il faudrait parler, pour les humains, d’identification et d’idéal du moi ce qui est tout autre chose...