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Le point sur le climat

Le 28  septembre 2007 par Jean Zin

Les réactions suscitées ce mois-ci par le rapport du GIEC sur les émissions de gaz à effet de serre justifiaient d'essayer de faire le point sur le climat. En effet, Courrier International joue la provocation en titrant Le réchauffement n'existe pas, du moins certains le croient, pour nous présenter un dossier qui confronte les opinions dissidentes à l'état des connaissances sur le sujet. De son côté, Pour la Science essaie de nous persuader, de façon un peu prématurée, "Réchauffement climatique : le temps des certitudes" !

On verra que ce n'est pourtant pas tout-à-fait aussi simple, les incertitudes sont immenses, on en apprend encore tous les mois ! On n'est donc pas au bout de nos surprises mais il y a peu de chances qu'il y en ait de bonnes, c'est plutôt le pire qui s'annonce, en particulier à cause de notre inaction, et, à la vitesse où ça va, la question de savoir si on pourra faire face ou s'il est déjà trop tard est bel et bien posée...


 

Courrier International - Pour la Science - Brèves


 


Courrier International no 881, Le réchauffement n'existe pas*



 

Contrairement à la plupart des écologistes, je trouve indispensable qu'il y ait des sceptiques pour mettre en cause le consensus du GIEC et ne pas tomber dans une pensée unique imbécile. Bien sûr on n'a pas besoin de la mauvaise foi des mercenaires appointés par les pétroliers (10 000 $ offerts pour un article critiquant le GIEC !) ni des délires de ceux qui voient un complot derrière le consensus scientifique sur le réchauffement climatique ! Il n'empêche qu'il est utile d'avoir une bonne évaluation des points faibles de l'argumentation et une fois débarrassés des critiques outrancières, il reste de réels points d'interrogation à prendre en compte. Il n'y a aucun dogme à défendre en ces affaires, de même qu'il est ridicule de vouloir "négocier" avec les écologistes alors que c'est avec la réalité qu'il faut négocier...

Le réchauffement en lui-même ne fait guère de doutes. Quelques irréductibles le contestent encore sous prétexte qu'il a fait presque aussi chaud que maintenant pendant la première renaissance du Moyen-Âge (de 950 à 1100), avant le petit âge glaciaire (1550-1850), mais c'est plutôt l'évidence contraire qui s'impose à la plupart. Les objections viennent d'abord (1) du fait que ce réchauffement soit imputable à l'homme dans une proportion significative étant donné son caractère marginal par rapport à la quantité globale de CO2, ensuite (2) le fait qu'on y puisse quelque chose est mis en cause (on n'a pas la technologie!), enfin (3) on prétend que s'y adapter est plus sûr et moins cher que de remettre en question notre mode de développement et notre consommation d'énergie. Ces objections sont très sérieuses et doivent être examinées attentivement.

Les intérêts, les ambitions personnelles, le dogmatisme, les effets de groupe, les pressions politiques sont bien présents dans le GIEC, cela ne fait aucun doute, mais ce n'est pas cette dénonciation qui importe, seulement les arguments scientifiques. Je dois dire que, ce qui me semble donner poids à l'argument que le réchauffement serait un phénomène qui nous dépasse, c'est que j'accuse moi-même le GIEC d'écarter, pour des raisons diplomatiques, les valeurs extrêmes et les ruptures de seuil au profit de valeurs moyennes sous-estimées. En d'autres mots on risque beaucoup plus qu'on ne dit un emballement qui aille bien au-delà de ce qui est prévu et nous emmène vers une catastrophe majeure. Le fait que cela ne soit pas forcément le plus probable n'empêche pas que c'est quand même un risque bien réel dont il faut se prémunir et que ce serait folie de ne pas le faire, comme c'est une folie de continuer à alimenter la chaudière à toute berzingue, parce qu'il n'y aurait rien d'autre à faire, paraît-il... On donne vraiment le spectacle de notre rationalité limitée ! Car le plus imbécile, c'est de prétendre que ce réchauffement climatique serait absolument inoffensif !

Non contents d'offrir 10 000 dollars aux scientifiques prêts à critiquer le texte, ils mettent en avant un nouveau thème : même si le monde est en train de se réchauffer, et même si ce réchauffement est dû en partie à la combustion des carburants fossiles, il n'y a pas de quoi s'inquiéter. D'une certaine manière, la machine à nier est désormais en pilotage automatique.

C'est d'une grande irresponsabilité par rapports aux mécanismes de renforcement à l'oeuvre et aux risques de rupture de seuil, mais on voit comment fonctionne l'intérêt dans la pensée, sur le mode sans gène de l'histoire juive que raconte Freud du chaudron qu'on demande de rendre et que 1) on n'aurait jamais emprunté, 2) on l'aurait déjà rendu, 3) il était déjà cassé ! D'un autre côté c'est une façon d'explorer toutes les raisons de ne pas se compliquer la tâche ! Bien sûr l'impasse dans laquelle nous nous sommes mis est difficile à admettre, non seulement parce qu'il faudrait se sacrifier pour une période lointaine mais surtout pour des catastrophes qui n'ont aucun caractère de certitude malgré ce que les scientifiques trop zélés croient devoir affirmer. Il faut éviter un accident dont on ne sait quand il risque de se produire. C'est bien ce qu'on fait quand on conduit prudemment notre voiture mais on sait que la peur du gendarme n'y est pas étrangère ! On ne comprend que trop qu'on veuille se soustraire à une contrainte si faible, et, qu'on se dise, comme avant la Révolution, "après-nous le déluge"...

Il y a un argument qui ne manque pas de pertinence : "nous n'avons pas la technologie pour y faire face". Effectivement, dans l'état actuel des choses, et si on veut que tout continue comme avant, on n'a aucun moyen d'arrêter la consommation de pétrole ! Effectivement les changements sont à terme révolutionnaires s'ils impliquent une relocalisation de l'économie et une limitation des déplacements, au moins dans une période intermédiaire d'adaptation à d'autres énergies. Commencer par les économies d'énergie est déjà un bon début, mais on ne pourra pas s'arrêter là...

New Scientist répond aux sceptiques en 6 questions, mais la première réponse est loin d'être convaincante car en expliquant le décalage entre niveaux de CO2 et températures, on pourrait en conclure que la part humaine n'entre pas en ligne de compte. La confirmation d'une brève établissant qu'il y a un décalage entre fin de glaciation et réchauffement pourrait expliquer notre situation actuelle comme un effet différé de la fin de la dernière glaciation (-10 000 ans), voire de la fin du petit âge glaciaire, même si la raison pour laquelle cela se produirait en même temps que l'industrialisation n'apparaît pas évidente...

Il faut environ 5 000 ans pour qu'une phase glaciaire se termine et, après le décalage initial, la température et les concentrations de CO2 dans l'atmosphère s'élèvent de concert pendant au moins 4 000 ans.

il semble donc que, à la fin des périodes glaciaires, le réchauffement initial provoqué par les variations d'orbite a accru les émissions de CO2 dans l'atmosphère, ce qui à son tour a élevé encore les températures puis la quantité de gaz carbonique libérée, et ainsi de suite. une partie du CO2 supplémentaire émis provenait probablement des océans.

A l'heure actuelle, les océans absorbent jusqu'à 40% du CO2 d'origine humaine. Si à cause de l'élévation de température ils se mettent plutôt à en libérer, une diminution des émissions d'origine humaine ne fera guère de différence.

La période la plus chaude s'est probablement déroulée durant le maximum thermique paléocène-éocène, il y a environ 55 millions d'années. cet événement a coïncidé avec des extinctions massives d'espèces, et à cette époque les températures moyennes ont gagné de 5°C à 8°C en quelques milliers d'années. l'océan Arctique atteignait 23°. Les niveaux d'isotopes dans le plancton fossile montrent que ce réchauffement était dû à la libération massive de méthane ou de CO2 (...) La période chaude a duré 200 000 ans.

Il est vrai que les émissions de CO2 imputables à l'activité humaine sont faibles par rapport aux sources naturelles. Pourtant, les carottes glaciaires montrent que les niveaux de CO2 dans l'atmosphère sont restés plutôt stables - entre 180 et 300 parties par million (ppm) pendant un demi-millions d'années - avant de monter en flèche : jusqu'à plus de 380 ppm depuis le début de l'ère industrielle.

Plusieurs éléments prouvent que nous sommes responsables de cet excédent, comme la baisse du taux de carbone 14 (un isotope du carbone) dans l'atmosphère pour la période comprise entre 1850 et 1954. Une baisse qui n'est explicable que si une bonne partie du carbone relâché dans l'atmosphère à l'époque provenait de combustibles fossiles, qui ne contiennent pratiquement pas de carbone 14.

Il n'y a donc aucun doute sur le fait qu'on accélère au moins le réchauffement mais il faudrait savoir si nous ne sommes pas dans un mouvement plus ample, bien que cela paraisse a priori une coïncidence improbable, ou si on n'a pas déclenché une avalanche qui nous emporte inexorablement. Pour le Danois Bjorn Lomborg, dont j'avais déjà critiqué le livre "L'écologiste sceptique", l'argument est plutôt celui de l'efficacité économique : étant donné le coût d'une réduction des émissions de CO2, cet argent serait mieux employé à améliorer le sort des plus pauvres et des plus menacés par le réchauffement. Son honnêteté statistique est loin d'être évidente mais la question mérite d'être posée, sauf que le risque d'une rupture de seuil ne permet pas de rester dans le jeu des petits calculs économiques entre profits et pertes.

"Mais alors que le protocole de Kyoto nous coûterait plusieurs milliers de milliards de dollars pour une réduction des dégâts d'à peine 0,5%, de simples mesures préventives seraient moins onéreuses et cent fois plus efficaces."

Le Danois ignore complètement les données qui le contrarient et il se concentre sur les moins préoccupantes, raisonnant ensuite comme si ces données recueillaient l'unanimité.

En tout cas, une des raisons d'être pessimiste, c'est que la demande de pétrole ne cesse d'augmenter au lieu de se réduire, les pays producteurs étant eux-mêmes de plus en plus consommateurs à mesure qu'ils se développent. C'est peu de dire que les promesses de réduction ne sont pas tenues et si on laisse aller, on ne peut qu'aller au pire, le plus dangereux étant la vitesse du réchauffement qu'on ne fait qu'accélérer...

Entre 2000 et 2006, l'OPEP a contribué à hauteur de 22% à la hausse de 8 millions de barils par jour de la demande mondiale d'or noir. Durant cette période, l'appétit de la Chine a représenté environ 32% de cette augmentation, et celui des USA 12,5%.


 


Pour la Science no 360, Réchauffement climatique : le temps des certitudes


Dans la recherche sur le réchauffement climatique, les progrès sont rares. Ils résultent en général d'une lente compilation de relevés de température, de mesures satellitaires ou de simulations numériques du climat et d'autres indices complexes.

Au cours de ce travail ardu, les données sont vérifiées et revérifiées, les idées testées et retestées. Comme tous les scientifiques, les climatologues veulent être sûrs de la solidité de leurs conclusions.

Les preuves que le climat évolue sont apparues dans les archives climatiques. Dans le même temps, l'amélioration de notre compréhension du système climatique s'est traduite par une plus grande fiabilité des modèles. Ces progrès ont révélé avec toujours plus de netteté l'influence humaine sur le climat et l'évolution climatique qu'elle annonce. Cette inquiétante réalité est reflétée dans le dernier rapport du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, que des experts du monde entier ont présenté à Paris en février 2007.

Il semble pour le moins prématuré de parler pour autant de certitudes sur l'évolution du climat, c'est fort peu scientifique et ne correspond pas à la réalité des incertitudes effectives ni à l'imperfection de nos modèles climatiques. Cet article n'en est pas moins intéressant à faire la synthèse des arguments du GIEC.

Deux observations importantes prouvent l'influence humaine : la répartition géographique des concentrations montre que les sources de gaz à effet de serre se trouvent principalement au-dessus des zones très peuplées de l'hémisphère Nord ; l'analyse isotopique des gaz à effet de serre, qui distingue les différentes sources d'émissions, met par ailleurs en évidence que la plus grande partie du dioxyde de carbone émis est d'origine fossile.

Les incertitudes sont maximales en ce qui concerne l'effet indirect des aérosols sur la formation des nuages (...) L'effet direct des aérosols d'origine humaine est aussi mal cerné : dans quelle mesure ces particules en suspension dans l'atmosphère réfléchissent-elles et absorbent-elles la lumière solaire ?

On estime aujourd'hui avec plus de confiance la part anthropique du réchauffement climatique. Il s'avère qu'elle est quelque 10 fois plus grande que les forçages radiatifs dus aux variations de l'activité solaire.

Il apparaît que 11 des 12 dernières années ont été parmi les plus chaudes repérées depuis que nous disposons d'enregistrements fiables, c'est-à-dire depuis 1850 environ.

L'argumentation sur la fiabilité des modèles, malgré leurs imperfections reconnues, vient d'une part de l'assez bon accord avec les projections faites par le GIEC depuis 1990 ainsi qu'avec la reconstitution du climat passé, mais c'est aussi la multiplication des modèles (18 équipes) et leurs convergences qui leur donne une plus grande crédibilité. Dans tous les cas l'introduction de l'influence humaine est indispensable pour rendre compte du réchauffement climatique observé depuis le milieu du XXè siècle.

Deux tendances trahissent particulièrement l'influence humaine. La première est un réchauffement plus important au-dessus des terres qu'au-dessus des océans, et un réchauffement plus grand à la surface des océans qu'en profondeur.

La seconde tendance est que, tandis que la troposphère (la couche atmosphérique la plus basse) se réchauffe, la stratosphère, c'est-à-dire la couche située juste au-dessus se refroidit.


 

Les prévisions sont à prendre pourtant avec prudence (augmentation de 0,2°C par décennie, élévation des mers de 60 à 80 cm) car les modèles ne sont pas si fiables que cela puisque les mesures dépassent systématiquement les prévisions et ne prennent pas en compte, par exemple, le risque avéré de libération des hydrates de méthane contenus dans le permafrost sibérien :

Le rapport du GIEC est paru juste avant une étude publiée en ligne au cours du mois d'avril dans Proceedings of the National Academy of Sciences USA, qui fait apparaître qu'entre 2000 et 2004, les émissions de dioxyde de carbone ont augmenté 3 fois plus vite que dans les années 1990 (3,2% d'augmentation par an au lieu de 1,1%). En d'autres termes, les émissions réelles de gaz à effet de serre croissent plus vite depuis 2000 que ce que prévoient les scénarios les plus pessimistes. La réalité semble pire que les projections du GIEC les plus alarmistes !

On est donc loin des certitudes, mais il y a certainement de quoi paniquer quand même... :-)


 



 

- Les incertitudes des modèles climatiques

Lors de la conférence, le professeur Richard Lindzen, professeur de météorologie au MIT, a exposé les limitations des modèles climatiques et a expliqué pourquoi les tentatives d'attribuer l'augmentation globale de la température à un accroissement des émissions de CO2 étaient en grande partie erronées. Les modèles informatiques prennent en compte de nombreux facteurs comme par exemple l'activité solaire ou les particules atmosphériques, mais selon lui, d'autres éléments sont encore trop mal compris comme l'influence des nuages et de la vapeur d'eau dans notre atmosphère et ces facteurs "rétroactifs" fragilisent la crédibilité des modèles.


 

Un des éléments absent des modèles, c'est l'imprévisible d'une météorite, qui n'est pas si rare, ou d'une éruption volcanique plus violente que d'habitude...

- Deux pluies de micrométéorites auraient changé le climat

Des chercheurs ont découvert deux couches de micrométéorites, espacées de "seulement" 50 000 ans, dans la glace du forage européen EPICA formée en Antarctique il y a plus de 400 000 ans.

D'après la chronologie du forage EPICA, ces deux événements eurent lieu il y a 434 000 et 481 000 ans, c'est-à-dire, curieusement, au cours de la période glaciaire qui a précédé la période interglaciaire n°11, laquelle a été particulièrement longue. Cette période correspond à la transition climatique dénommée "Mid Brunhes", qui marque un changement à la fois dans le rythme des cycles glaciaires-interglaciaires, qui deviennent plus longs, et dans la durée et l'ampleur des périodes interglaciaires, qui deviennent plus longues et plus chaudes.

- Une chute de météorite à l'origine de la fin du dernier âge glaciaire

Confirmation de ce qu'on avait appris le mois dernier mais cette chute d'astéroïde n'aurait pas été seulement à l'origine de la disparition des Mammouths mais de la fin du dernier âge glaciaire. Les chutes de météorites seraient plus fréquentes qu'on ne croyait et leur impact sur le climat décisif...

La cause de l'extinction de nombreuses espèces, y compris celle des mammouths ainsi que le déclin de la civilisation de l'âge de pierre, reste une énigme. Mais les recherches d'une équipe de scientifiques internationaux privilégient aujourd'hui la thèse de l'explosion d'un astéroïde ou d'une comète dans la haute atmosphère terrestre voici environ 13 000 ans.

"La détonation qui s'est produite a carbonisé la plupart des êtres vivants ou l'onde de choc qui en a résulté les a tués", déclare Ted Bunch, qui est aussi un ancien spécialiste des cratères et de leur formation pour le compte de la Nasa. "Cela a provoqué un mini-hiver nucléaire".

L'absence de tout cratère d'impact correspondant à cette période peut s'expliquer par la fragmentation d'un noyau cométaire au-dessus de l'atmosphère, dont les résidus se seraient ensuite éparpillés sur au moins deux continents.

Selon l'équipe, cet événement cataclysmique aurait déstabilisé l'épaisse couche glaciaire qui recouvrait alors le Canada et le nord du continent américain. La chaleur produite aurait transformé une grande partie de cette masse en eau et en vapeur, qui se serait répandue dans l'atmosphère en provoquant une élévation des températures moyennes d'environ 8 degrés pendant un siècle.

Le groupe de chercheurs estime que ce type d'impact avec explosion en haute altitude pourrait avoir été beaucoup plus commun que ce que l'on pensait, les statistiques étant faussées par le manque de traces clairement visibles telles des cratères.

- C'est le rythme du réchauffement qui est dramatique

Le débat relatif à «l'interférence anthropogénique dangereuse dans le système climatique» s'est, jusqu'à maintenant, presque exclusivement concentré sur l'augmentation générale des températures, non sur le rythme de cette augmentation. Or, ce second aspect des changements en cours apparaît important dans l'évaluation de ce qu'en seront les conséquences.

5% de tous les écosystèmes ne pourraient pas s'adapter si la vitesse du changement était supérieure à 0,1°C par décennie. Les forêts seraient parmi les premiers écosystèmes à expérimenter cette difficulté parce que leur capacité à migrer en restant dans la zone climatique à laquelle elles sont adaptées est limitée. Si le rythme est de 0,3°C par décennie, 15% des écosystèmes ne pourront pas s'adapter. Si le rythme excède 0,4°C par décennie, tous les écosystèmes seront rapidement détruits, des espèces opportunistes domineront, et la décomposition du matériau biologique conduira à des émissions encore plus importantes de CO2. Cela accroîtra en retour le rythme du réchauffement. Selon le Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC), la température moyenne globale aujourd'hui s'accroît de 0,2°C par décennie.

S'intéresser au rythme du changement impliquerait que l'on concentre un peu plus l'action sur les gaz à effet de serre de vie courte, tels que le méthane et l'ozone troposphérique, et des particules ayant un effet en terme de réchauffement, telles que la suie.

- L'ampleur du réchauffement de l'Arctique stupéfie les chercheurs

Ce n'est plus de réchauffement climatique que l'on doit parler en Haut Arctique, mais de véritable vague de chaleur. L'été dernier, les conditions ont été à ce point extrêmes qu'elles ont stupéfié les chercheurs.

Le Dr Scott Lamoureux, à la tête d'une expédition conduite dans le cadre de l'Année Polaire Internationale, a déclaré en ce début de semaine que les modifications observées dans le Nunavut (le plus jeune et le plus grand des territoires du Canada) étaient extrêmement rapides. "Nous avions bien prévu tous ces changements pour le futur, mais les voir se produire maintenant est tout à fait remarquable", annonce-t-il.

Alors que la température moyenne d'un mois de juillet au camp de Melville est de 5° C, ce sont des pics dépassant nettement les 20° C qui ont été enregistrés cette année durant la même période. Les membres de l'équipe ont aussi observé avec stupéfaction que l'eau contenue dans le pergélisol se mettait à fondre, lubrifiant la couverture végétale qui se mettait à glisser en bas des pentes, balayant tout sur son passage et se plissant en formant des arêtes dans les creux du relief "comme une couverture", selon les termes du Dr. Lamoureux. "Les bandes de terrain se déchiraient littéralement en lambeaux sous nos yeux, et un fleuve important a été complètement endigué sur une longueur de 200 mètres. Son tracé en sera modifié pour des années, sinon pour des décennies", ajoute-t-il.

- Les glaciers subissent le réchauffement climatique à toute altitude

Quant aux simulations portant sur le futur, elles montrent que quel que soit le scénario de réchauffement climatique utilisé, les glaciers des Alpes actuellement "froids", situés entre 3500 et 4250 m avec une température en profondeur allant de 0 à environ -11°C, pourraient devenir "tempérés", avec une température en profondeur d'environ 0°C. Si ce réchauffement atteignait la base des glaciers suspendus (3), il pourrait affecter dangereusement leur stabilité.


 

- L'augmentation du CO2 réduit la valeur nutritionnelle des plantes

Le CO2 stimule la croissance des plantes mais en réduit d'autant la valeur nutritionnelle, jusqu'à 20% en moins (protéines, sels minéraux et vitamines).

- Les biocarburants aggraveront le dérèglement climatique !

Non seulement les biocarburants risquent d'affamer les pauvres mais ils ne règlent en rien la question de l'effet de serre. C'est du moins ce que Paul Josef Crutzen, prix Nobel de chimie en 1995 et spécialiste de la couche d'ozone, tente de montrer dans Atmospheric Chemistry and Physics Discussions : les biocarburants risquent au contraire d'aggraver considérablement le dérèglement climatique !

La production d'un litre de carburant issu de l'agriculture peut contribuer jusqu'à deux fois plus à l'effet de serre que la combustion de la même quantité de combustible fossile.

Dans leurs travaux, Paul Crutzen et ses coauteurs se sont penchés sur les émissions de protoxyde d'azote (N2O) dues à l'agriculture intensive. Gaz qui, à quantité égale, contribue 296 fois plus à l'effet de serre que le dioxyde de carbone (CO2).

La combustion de biodiesel issu du colza (80 % de la production européenne de cet agrocarburant) contribue ainsi 1 à 1,7 fois plus au réchauffement que l'utilisation d'une énergie fossile en quantité équivalente. Ce même coefficient est compris entre 1,3 et 2,1 pour le bioéthanol issu du blé et entre 0,9 et 1,5 pour celui issu du maïs. La seule culture dont l'utilisation sous forme de combustible est, selon les estimations des chercheurs, bénéfique au regard du changement climatique, est la canne à sucre, dont le coefficient est toujours inférieur à 1 (compris entre 0,5 et 0,9).


 

- La planète se réchauffe... et s'obscurcit

On avait sous-estimé la production de poussières et de particules qui nous masquent le soleil mais réduisent d'autant le réchauffement... Paul Crutzen justement proposait d'obscurcir le ciel pour nous protéger de la chaleur du soleil, mais c'est déjà fait ! Cela veut dire aussi qu'on a déjà entamé nos marges de manoeuvre et que le réchauffement pourrait être pire encore, voire qu'à réduire les déplacements et les industries polluantes on pourrait aggraver notre cas ! Cela ajouté au fait que le dégel du permafrost va dégager des quantités supplémentaires de gaz à effet de serre donne bien l'impression qu'on est pris dans un cercle vicieux et dans un emballement inévitable...

On croyait vivre dans un monde qui se réchauffait, mais c'était faux. On vit dans un monde qui se réchauffe et qui s'obscurcit. Maintenant qu'on réduit l'obscurcissement, il ne va plus rester que le réchauffement, et il sera bien plus fort qu'on ne le pensait. (Dans l'ombre du ciel, Arte le 24/09/07)

A noter que Pour la Science dit à peu près le contraire (p65) :

Cette brume absorbe le rayonnement solaire, ce qui a pour effet d'émettre de la chaleur dans l'atmosphère et ainsi de contribuer au réchauffement climatique. De plus, en recouvrant les surfaces de glace et de neige qui, normalement, réfléchissent le rayonnement solaire (ce qui, indirectement, refroidit l'atmosphère), la suie fait perdre cette capacité et même les fait fondre plus vite. Ainsi, le réchauffement de l'Arctique de 0,8°C au cours des 200 dernières années aurait provoqué un réchauffement de 0,5° à 1,5°C dans le reste du monde.

Certaines études indiquent néanmoins que la suie peut aussi avoir l'effet inverse : les particules de suie peuvent constituer des germes de nucléation où la vapeur d'eau se condense, ce qui renforcerait la formation de nuages, qui réfléchissent une partie du rayonnement solaire.

- La protection de la couche d'ozone relancée

On ne sait pourquoi les grands médias ont prétendu que le problème de la couche d'ozone serait désormais résolu alors que le trou de la couche d'ozone n'a jamais été aussi grand ! Certains d'ailleurs mettent en cause la réduction des gaz HCFC comme une mesure inutile et "colonialiste" ! Un nouvel accord qui vient d'être signé relance au contraire l'élimination de ces gaz qui détruisent l'ozone stratosphèrique.

Cet accord sonne aussi comme un rappel à l'ordre face à une production et une consommation de HCFC qui continuent d'augmenter malgré les disposition adoptées en 1987. L'UNEP estime que les quantités de HCFC doubleraient d'ici 2015 sans ces nouvelles mesures.


 



 

- Comprendre le changement climatique
Sous la direction de Jean-Louis Fellous et Catherine Gautier, Odile Jacob, 2007, 298 pages

Les chapitres de ce livre ont été rédigés par des experts américains et français de la question du réchauffement climatique. Après avoir décrit le consensus du GIEC, ils relatent les recherches passées et présentes sur chacune des grandes composantes du système climatique, sur la question des impacts du changement climatique et sur les parades possibles. La conclusion reprend l'essentiel des résultats de chaque chapitre. Le discours est tenu dans un langage scientifique clair. De quoi se renseigner à la source sur le changement climatique.

- Homo disparitus
Alan Weisman, Flammarion, 2007, 352 pages

Si tous les humains disparaissaient brutalement, que se passerait-il ? Combien de temps nos infrastructures, nos écosystèmes, nos déchets resteraient-ils visibles ? C'est sur ce scénario de science-fiction qu'est bâti ce livre passionnant.

À quel point l'histoire future du climat est-elle déjà gravée dans la composition de l'atmosphère ? À cause du temps de résidence du dioxyde de carbone dans l'atmosphère, force est de constater que les activités humaines laisseront leur empreinte pendant très longtemps (millénaires, dizaines de millénaires) sur l'évolution de la composition atmosphérique et du climat. Travaillant sur les climats passés, il est tentant d'imaginer l'évolution future du climat sur le long terme...

L'auteur dresse une fresque jubilatoire de la reconquête de la planète par les espèces sauvages, loin des tableaux alarmistes d'une planète désolée. Mais c'est pour mieux enfoncer le clou, souligner à quel point nous avons manipulé notre environnement, introduit des plantes invasives, des millions de carnivores redoutables (les chats domestiques) et introduit en masse des composés dont la durée de vie est immense et les effets pernicieux mal connus. Il développe en particulier une réflexion très poussée sur le devenir des matières plastiques fragmentées dans le milieu marin.

Extrait de la revue des sciences octobre 2007.