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La « logique absurde » de la biologie synthétique

Le 7  décembre 2004 par Jacques Testart

La « biologie systémique » prétend faire l’alliance de nombreuses disciplines scientifiques (biologie, physique, chimie, mathématiques, médecine, ingénierie, informatique, ...) pour créer de nouvelles façons d’être vivant. Ce faisant, elle se réclame de la transdisciplinarité, comme si un savoir intégral pouvait résulter de l’effet d’accumulation des sciences dures, et que la maîtrise du vivant était une affaire seulement compliquée plutôt que terriblement complexe. Les gourous de la biologie synthétique n’ont pas sollicité la contribution des sciences humaines pour réfléchir au sens d’un projet qui vise à instrumentaliser les êtres vivants en les réduisant à n’être que rouages d’une machine-monde prétendument rationnelle. Ils n’ont pas même imaginé leur incapacité durable à fabriquer la vie, arguant que leur mission est de poursuivre l’œuvre du Créateur, coupable de s’être reposé le septième jour alors qu’il restait tant à faire... On peut s’étonner d’une telle ambition, dont le fondement est surtout dans le bricolage de l’ADN, alors que les projets plus modestes de soigner les gens ou de transformer les plantes à coups de gènes sont encore en échec. Les avatars du « clonage » des mammifères ont révélé l’indigence de la pensée mécanicienne et l’importance de l’univers épigénétique, lequel est à la molécule d’ADN ce qu’un poème est à l’alphabet. Une chose est certaine : l’homme sera vite incapable de survivre dans le monde fini de la technosphère. Certains admettent alors que « la science trouvera toujours les moyens de réparer ses erreurs » et justifient ainsi la course en avant des artifices. Le pari de ces optimistes invétérés est considérable... et déjà redoutable. Mais, en proposant des aménagements du monde pour le confort de notre espèce, il n’est encore qu’exaltation technophile comparé à ce qu’on doit bien nommer la logique absurde de ceux qui veulent changer l’homme pour l’adapter à la ruine du monde.