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Quels risques climatiques majeurs ?

Le 13  janvier 2008 par Jean Zin

Prendre conscience des risques majeurs à long terme !

Même si ce n’est pas le plus probable à court terme, le risque d’un emballement du climat qui provoque un empoisonnement de l’atmosphère et des extinctions massives doit constituer notre horizon, la menace qu’il faut absolument éviter et, pour cela, même si on n’arrive pas à limiter le réchauffement à 2°C, ce qui semble hors de notre portée, tout faire pour ne pas dépasser en tout cas les 4°C de réchauffement, ce qui n’est pas gagné d’avance et dépend entièrement des prochaines décennies.

Impossible de réduire les incertitudes du climat !

La recherche climatique est de plus en plus active et tous les mois sont riches de nouvelles dont la plupart sont inquiétantes et dérivent par rapport aux modèles jusqu’à nous forcer à envisager le pire. Certes, il faut souligner qu’on ne peut avoir aucune certitude, la science du climat est d’une telle complexité qu’elle est encore en construction, les dernières données en témoignent. Les incertitudes sont immenses mais pas au point qu’on devrait faire comme s’il n’y avait aucun risque, ce qui serait irresponsable ! Nous sommes bien dans le cadre du principe de précaution mais par rapport à un risque majeur qu’il faut tenter d’éviter à tout prix. La difficulté est non seulement de se projeter dans le long terme, mais surtout de se prémunir de risques dont on ne peut même pas prétendre qu’ils soient absolument certains ! Le premier enjeu est bien cognitif, il est de constituer effectivement une "vérité officielle" pour guider l’action publique mais il ne peut être question pour autant de "vérité dogmatique", seulement de "consensus scientifique" du moment sans que cela signifie que le consensus actuel sera forcément celui de demain... Ceux qui s’offusquent du poids du consensus et du nombre ne voient pas que c’est le fonctionnement de la science elle-même, alternant "science normale" et révolutions scientifiques, même si cette fois, cette "démocratie scientifique" forcément imparfaite prend effectivement une dimension véritablement politique. Ce n’est pas une raison pour condamner ceux qui pensent autrement et bloquer ainsi la recherche. Au contraire, on a besoin des arguments des sceptiques pour éprouver les points faibles des modèles actuels, il faut simplement y répondre point par point, par des mesures et par des faits. L’heure reste au débat autant qu’à l’action.

L’histoire mouvementée du climat

L’excentricité évolue avec comme principales périodes 412 800 ans et 100 000 ans
(il y a aussi l’inclinaison avec des cycles de 41 000 ans et la précession de 23 000 ans)

Une des difficultés, c’est de juger une évolution de long terme sur des variations à court terme. Les cycles à long terme ne sont pas décelables en général par les acteurs, tout comme les fluctuations boursières à court terme ne rendent pas compte des tendances lourdes qui n’apparaissent souvent que vues de loin (au macroscope). Notre échelle de temps est relativement insignifiante par rapport aux temps géologiques, aussi les préhistoriens sont fondés à relativiser notre rôle dans un réchauffement caractéristique, à l’intérieur d’une glaciation depuis 3 millions d’années, de périodes inter-glaciaires qui durent 10 000 ans en moyenne, ce qui voudrait dire qu’on toucherait bientôt la fin, sauf que celle-ci pourrait durer 30 000 ans si nous sommes bien dans la même configuration qu’il y a 400 000 ans (4 cycles de 100 000 ans et 10 cycles de 40 000 ans) ! Cela semble être la seule époque où l’on ait trouvé des pollens de vigne sauvage dans le Vercors, avec un niveau des mers plus élevé (une dizaine de mètres ?).

Cependant, on ne peut s’appuyer sur le passé pour prétendre qu’il n’y aurait jamais eu de dérapages ni d’extinctions massives, en général d’origine volcanique il est vrai ! La dernière extinction, touchant particulièrement le genre homo, dont très peu survécurent (2000 individus ?), daterait de l’éruption du Mont Toba, il y a 74 000 ans, mais aurait plutôt fait chuter les températures de 5°C et provoqué une nouvelle glaciation ! La plus grande extinction était celle du Permien, il y a 251 millions d’années (puis -201 et -64 millions d’années avec la fin des dinosaures). L’hypothèse la plus catastrophique envisagée actuellement c’est la crise climatique du maximum thermique paléocène-éocène (PETM), il y a 54 millions d’années, qui avait augmenté la température de 5°C par dégagement de CO2 volcanique :

Les risques sont donc considérables, et l’écart de 5°C significatif des événements extrêmes. Or il est possible que notre réchauffement dépasse les 6°C ! Si on insiste bien en général sur le caractère catastrophique de ces valeurs extrêmes, on détaille rarement l’engrenage mortel qui pourrait en résulter et qui est plus effrayant que ce qu’on imagine d’habitude. Pour résumer, nous sommes bien dans une phase de réchauffement longue, mais la question qui se pose est celle de savoir si le supplément de CO2 que nous dégageons, même relativement modeste par rapport aux émissions naturelles, pourrait à la longue nous faire basculer dans les événements extrêmes que la Terre a déjà connus et, surtout, si on peut l’éviter encore !

Nous nous sommes situés dans le très long terme mais il y a plusieurs temporalités à prendre en compte : le siècle, le millénaire et au-delà. On peut dire qu’il est difficile de se projeter au-delà du siècle, qui doit être notre référence principale, car la technique peut évoluer considérablement d’ici là, notamment la géoingénierie. On ne peut se désintéresser pour autant des conséquences à très long terme de notre mode de vie, au moins pour prendre conscience des ordres de grandeur :

Notre situation

Sur le plus court terme, pour prendre la mesure des changements climatiques actuels il faut savoir que, sans remonter à 7000 ans ni au déluge, il y a eu plusieurs périodes de réchauffement, favorables au développement de la civilisation, vers -600, au moment du miracle Grec, et au début du Moyen-âge (de 950 à 1100), les températures ayant pu dépasser les valeurs actuelles de 0,5°. Il y a eu aussi un petit âge glaciaire (1550-1850) à l’époque du roi Soleil, avec 1° de moins que maintenant !

Depuis, on n’arrête pas de battre des records mais on voit qu’on a beau être en phase de réchauffement accéléré, pour l’instant on n’a encore rien vu, on est dans la norme voire dans l’optimum, la difficulté étant de se projeter dans une situation toute autre au-delà de 2°C, sans parler de bien plus... LA TEMPÉRATURE MOYENNE a augmenté de 0,8 ºC au cours du dernier siècle, dont 0,6ºC sur les trois dernières décennies.

Malgré un léger refroidissement dans nos contrées de 2007 à 2009 à cause d’El niña, la situation actuelle se caractérise surtout par une accélération inquiétante de la fonte de la calotte glaciaire (arctique, Groenland) et du permafrost sibérien, par la baisse des capacités d’absorption du co2 par la mer, la déforestation et l’augmentation des rejets de gaz à effet de serre. On peut craindre toute une série d’auto-amplifications (réduction de la glace réfléchissante, augmentation du méthane) alors que c’est déjà la rapidité du réchauffement qui est exceptionnelle, dépassant tous les modèles. Il est difficile d’évaluer la portée à long terme de ces phénomènes relativement récents, en particulier des risques d’emballement à l’échelle du siècle, sachant que plus le réchauffement sera rapide, plus il sera meurtrier et moins nous serons préparés à y faire face...

-  L’Atlantique absorbe moins de dioxyde de carbone

-  Fonte de la banquise en Arctique : un emballement est possible

-  L’emballement (bis) : nos émissions augmentent et l’absorption par la mer diminue...

-  C’est le rythme du réchauffement qui est dramatique

-  Regain d’émissions de gaz à effet de serre dans les pays riches

-  Fonte record de la banquise arctique, événement météo de l’année au Canada

-  Coup d’accélérateur pour la fonte des glaces du Groenland

-  La zone tropicale s’étend avec le réchauffement de l’atmosphère

 

Scénarios catastrophes

La Recherche du mois de décembre 2007 dressait la liste des incertitudes du climat : les effets des nuages, l’incidence des aérosols, l’adaptation des écosystèmes végétaux, la capacité d’absorption du CO2 par les océans, la circulation océanique, la stabilité des hydrates de gaz, le dégel du permafrost, la fonte des glaces, l’activité solaire et le rayonnement cosmique, les rejets humains de gaz à effet de serre, les événements extrêmes...

Ces incertitudes ont donné l’espoir que des phénomènes de rétroaction négative (comme les nuages à basse altitude) réduiraient l’impact du réchauffement, voire pourraient produire un refroidissement ! Ces espoirs ne semblent pas fondés, il y a plutôt des boucles de rétroaction positive qui accentuent les variations que ce soit vers le plus chaud ou le plus froid. Les périodes de stabilité sont rares et fragiles, en général perturbées par le volcanisme ou des astéroïdes.

Pour l’instant, le principal risque semble la fonte du permafrost et de la banquise arctique car c’est ce qui aggrave tout le reste. Disons tout de suite que les premières études sont plutôt rassurantes à court terme sur ce point mais, étant donnée l’enjeu vital, c’est ce dont il faudrait s’assurer un peu mieux et ce qu’il faut étudier en premier lieu.

Or, justement, le supplément de La Recherche du mois de janvier 2008 (Objectif Terre 2050) insiste sur la mauvaise prise en compte du méthane dans les modèles :

Les premières études se veulent très rassurantes, établissant que les dégagements massifs de méthane seraient peu probables.

C’est la bonne nouvelle de ce début d’année, repoussant l’hypothèse d’un emballement du climat par la fonte du permafrost ou le dégagement des hydrates de méthane :

D’autres études minimisent le risque actuel. Ce sont de très bonnes nouvelles mais qu’il faut relativiser un peu car ce n’est pas maintenant que les dégagements de méthane devraient se produire. C’est au-delà des 2°C que ça se gâte et il semble acquis qu’on n’arrivera pas à se limiter à 2°C malgré l’appel des scientifiques de Bali. Le dégagement du permafrost semble très sous-évalué et le dégagement du méthane marin qui est certes à plus long terme ne devrait pas prendre 10 000 ans si on en juge par le passé. Certes, l’extinction massive du maximum thermique paléocène-éocène (PETM) a été provoquée d’abord par un dégagement du CO2 d’origine volcanique, qu’il faudrait comparer au dégagement anthropique actuel, mais qui a bien déclenché un emballement mortel assez rapide (et qui a duré ensuite 100 000 ans, c’est-à-dire le temps d’une glaciation). Par ailleurs, nous ne sommes pas à l’abri d’un volcanisme qui viendrait s’y ajouter, même si nous sommes plutôt dans une période calme à ce niveau et que cela nous dépasse complètement encore.

Retenons que cette hypothèse extrême n’est pas la plus probable dans ce siècle, heureusement, mais elle doit rester malgré tout notre horizon et il faudrait en informer la population car cela constitue ce qu’il faut absolument éviter mais dont le risque augmente considérablement dès lors qu’on pourrait atteindre un réchauffement de plus de 5°C, ce qui n’a rien d’impossible, hélas !

Tant qu’il n’y a pas de rupture de seuil, ce qui est de l’ordre du tout ou rien, le risque principal tient surtout à la rapidité du bouleversement climatique, ce qui rend difficile l’adaptation des populations mais aussi des plantes et des animaux. Un réchauffement de 1°C se traduirait par un déplacement vers le nord de 180 km des aires de répartition des espèces. Et par des extinctions... Plus le réchauffement sera rapide et plus la biodiversité devrait s’effondrer (avant de se reconstituer mais à plus long terme). Notons que si la biodiversité est vitale, c’est justement de pouvoir répondre à ces brusques changements environnementaux, favorisant dans cette diversité les organismes les plus adaptés aux nouvelles conditions. L’effondrement de la biodiversité n’est pas forcément une catastrophe dans un premier temps. C’est là où la biodiversité est déjà réduite que le risque est le plus grand. Or, la 6ème extinction a bien déjà commencé mais initiée par l’homme avant même que le climat ne s’en mêle !

Ce sont les coraux qui sont les premiers menacés par la rapidité du réchauffement, et toute la chaîne alimentaire qui en dépend, mais on doit s’attendre plus généralement à une baisse de la productivité marine à mesure que la température de la mer augmente, à cause de la diminution de l’oxygène et de l’acidification de l’océan. Sur terre, on assiste à une extension des zones tropicales avec son lot de maladies et de parasites, mais surtout à un décalage des saisons qui perturbe les cycles reproductifs et désynchronise les associations symbiotiques. Les conséquences sur la faune et la flore marines et terrestres, et donc sur les famines qui peuvent en découler, dépendent de l’échelle de temps considéré dans le contexte d’une population qui pourrait commencer à décroître avant la fin du siècle. A court terme, le risque de famine est lié aux biocarburants et non directement au climat.

Les problèmes d’approvisionnement en eau dépendent aussi des périodes considérées. Il n’est pas si évident que le réchauffement soit une période de sécheresse, du moins c’est très difficile à prévoir. Le changement du régime des pluies peut profiter à l’un et nuire à l’autre mais les pluies devraient augmenter plutôt dans un premier temps. On ne peut en être sûr mais les plus gros problèmes viendront sans doute une fois les glaciers fondus (Himalaya, etc.), pas avant 2050 sans doute ? En attendant, l’eau est déjà devenue une ressource rare sur toute la planète à cause de l’agriculture principalement.

C’est le risque le plus concret, déjà observable à petite échelle. Les plus exposés sont les populations côtières, surtout le Bangladesh, et les petites îles (très actives contre le réchauffement). C’est certainement la source du plus de problèmes dans les prochaines années.

La vitesse de la fonte de l’Arctique et du Groenland pourrait accélérer la montée des eaux au-delà des prévisions et pousser vers les valeurs hautes (jusqu’à 7 mètres !). Le scénario catastrophe envisagé par "The age of consequences" prévoit un réchauffement de 5,6°C sur le siècle et une montée des eaux de 2 mètres (à plus long terme 12m, voire 25m !). Il faut savoir que si le niveau de la mer monte d’un mètre, cela se traduit par un recul des côtes de 100 mètres en moyenne et l’inondation des basses altitudes comme le Bengladesh, les Maldives, le nord-ouest de l’Allemagne et New York (par contre, avec 5 °C en moins, le niveau de la mer baisserait de 100 mètres !). L’inondation des côtes devrait gonfler les déplacements de population qui prendront sans doute encore plus d’ampleur dans la période qui s’ouvre.

Les autres risques sont plus flous. La multiplication des événements extrêmes n’est qu’une probabilité : une atmosphère plus chaude, plus chargée d’énergie et d’eau devrait provoquer des phénomènes climatiques plus violents mais il est difficile de dire si ce sont les petits cyclones inoffensifs qui se multiplieront ou des méga-cyclones beaucoup plus destructeurs. Il faut savoir qu’il y a quelques siècles les ouragans qui dévastaient les Amériques étaient bien plus fréquents et terribles que ceux d’aujourd’hui grâce au déplacement de l’anticyclone des Açores. C’est la combinaison de la montée de la mer et la multiplication des ouragans qui pourrait précipiter l’évacuation des zones côtières.

 

Pour autant que je puisse en juger, il me semble qu’il faut plutôt insister sur le risque vital au-delà de 5°C et, en attendant, sur la montée des mers et l’extinction de masse qui a déjà commencée, sans oublier la question de l’eau. Il ne me semble pas raisonnable de garder la fiction qu’on pourrait maintenir le réchauffement à 2°C. Il vaut mieux s’y préparer, en s’attachant avec encore plus d’urgence à ne pas aller trop au-delà ! La conscience de l’inertie du réchauffement doit permettre de nous persuader que c’est maintenant qu’on peut encore agir, dans les 30 ans à venir, qu’ensuite il sera peut-être trop tard...

 

Ces projections du rapport Stern sont très hypothétiques et semblent déjà dépassées...

 

 

-  Les principales conclusions du GIEC

-  Les six scénarios du Giec

-  Une vérité qui dérange (vidéo)

-  Dossier sur le climat de Futura-Sciences

-  GEO4, Global Warning, rapport de l’ONU (résumé, 7 pages)

-  Rapport mondial sur le développement humain 2007/2008

 

 

-  L’hypothèse extrême

-  Le point sur le climat

-  Alerte sur un climat bientôt irrespirable...