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La mobilité des gènes ("transposons")

Le 29  janvier 2007 par Jean Zin

Des gènes mobiles ou transposons se déplacent dans le génome désactivant des gènes de façon aléatoire. Le génome est donc beaucoup plus changeant qu’on ne le croyait : "Le manuscrit génomique est réécrit en permanence".

La complexité des organismes pluricellulaires rend la plupart des mutations génétiques délétères, voire létales. On sait donc depuis quelque temps que leur capacité d’évolution relève le plus souvent d’un "bricolage génétique", c’est-à-dire de la réutilisation d’un matériel génétique préexistant (déjà testé avec succès).

Il y a les "pseudogènes" qui sont d’anciens gènes désactivés (comme celui qui permet la production de vitamine C) et qui peuvent redevenir opérationnels, sorte de bibliothèque de fonctions inutilisées qu’une simple mutation peut réveiller pour répondre à de nouvelles contraintes environnementales.

Il y a aussi les virus qui ont une fonction essentielle dans la diffusion des gènes et leur incorporation dans l’ADN (qui a sans doute une origine virale).

Avec les "transposons" on a affaire à une sorte de combinaison des deux : des gènes qui se répliquent et se déplacent dans le génome, un peu comme des virus. Ce qu’on a considéré un peu vite comme des "gènes égoïstes" ou de "l’ADN poubelle", constituent en fait des éléments évolutifs très importants (des "semences de l’évolution") puisqu’ils peuvent représenter 90% du génome de certaines espèces comme le blé, et presque la moitié de notre propre génome !

Il y a 2 types de transposons :

-  classe I : ce sont des "rétrotransposons", proches des rétrovirus, qui sont transcrits en ARN puis en protéine (transcriptase inverse) qui copie l’ARN en ADN et l’insère dans le génome.

-  classe II : ce sont des gènes qui produisent une protéine (la tranposase) "qui reconnaît les extrémités de l’élément, l’excise et l’insère ailleurs dans le génome", sans passer par l’ARN. Ce couper-coller aboutit parfois à une duplication, augmentant le nombre de copies du transposons, multiplication "virale" qui peut être explosive dans un premier temps avant de se réguler ou de disparaître.

On voit que le génome est beaucoup plus changeant qu’on ne le croyait et la position des gènes beaucoup plus mobile. "Le manuscrit génomique est réécrit en permanence". Cependant, plus les gènes sont vitaux et moins ils sont mobiles car leur désactivation signe la mort de la cellule.

On aurait là, peut-être une explication de la différenciation des cellules puisqu’un des principaux effets de cette migration des transposons est une modification de la forme de l’ADN, et donc des gènes exprimés et de ceux rendus inaccessibles (repliés) par l’hétérochromatine, les configurations qui correspondent aux contraintes locales faisant ensuite l’objet d’une sélection. On peut considérer les transposons dans de nombreux cas comme des suppresseurs de gènes puisqu’ils désactivent la plupart des gènes qu’ils intègrent (qu’ils infectent, coupent et désorganisent), c’est donc un outil de sélection et un facteur de simplification qui réduit les fonctions au minimum vital.

Il y a d’ailleurs deux systèmes de régulation des transposons : une régulation purement extérieure par sélection des cellules viables (la multiplication des transposons fragilisant le plus souvent l’organisme) ou une régulation interne, le transposons produisant un "répresseur" ("plus le nombre de copies est élevé, plus il y a de répresseur fabriqué et moins il y a de transposition").

Pour certains organismes, les transposons permettent d’allonger les télomères, qui sont les extrémités des chromosomes dont 70 paires de nucléotides sont éliminés à chaque recopie (division cellulaire), les transposons augmentant ainsi la durée de vie des cellules, leur nombre de divisions possibles.

Pour d’autres, cela peut être un facteur de différenciation entre espèces par modification de la forme des chromosomes, ce qui peut affecter l’interfécondité. C’est aussi la cause de cancers et d’autre maladies comme l’hémophilie en perturbant des gènes essentiels comme le gène suppresseur de tumeurs ou celui de la coagulation du sang mais ils peuvent être utilisés aussi pour la thérapie génique.

En tout cas cette mobilité du génome renforce le rôle de l’environnement et de la sélection des cellules dans l’organogénèse, très loin d’une programmation mécanique (et dont la programmation des robots autonomes devrait dailleurs s’inspirer)...

Voir Pour la Science no 351, janvier 2007 : Transposons : des gènes anarchistes ? Dominique Anxolabéhère - Stéphane Ronsseray - Danielle Nouaud - Hadi Quesneville