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Les racines de la Méditérranée et de l’Europe" (Jean Guilaine)

Le 24  septembre 2008 par Jean Zin

Ce petit livre (93 pages) reprend la leçon de clôture des cours de Jean Guilaine au Collège de France sur la protohistoire (plus exactement "Civilisations de l’Europe au Néolithique et à l’Âge du bronze").

La protohistoire, c’est le début du néolithique jusqu’à l’invention de l’écriture. C’est l’une des périodes les plus cruciales de l’humanité déterminant une bonne part de notre civilisation actuelle par la néolithisation des sociétés, c’est-à-dire leur sédentarisation et la production de leur nourriture par l’agriculture et l’élevage, la constitution des premières cités inaugurant l’artificialisation du monde et la production de l’homme par l’homme. Dès cette époque se forge une identité européenne spécifique qui perdurera à travers les millénaires, au-delà même de ce que Braudel appelait la longue durée. Voilà de quoi relativiser les tentatives de changer les hommes (dès que l’URSS disparaît, la Russie renaît) même si on est peut-être à l’époque d’une nouvelle rupture anthropologique qui effacerait ces caractères ancestraux.

Il ne faut pas s’attendre à des révélations, juste un état des recherches. Il faut bien dire qu’on se perd souvent dans les dates qui sont soit BP (Before Present), soit BC (Before Christ). La sédentarisation commence avec la fin de la dernière glaciation (-12000 BP), l’invention de l’agriculture se faisant vers 10500 BP et produisant immédiatement une hiérarchisation des sociétés.

Un de ses plus grands apports, c’est d’avoir montré que l’extension géographique du Néolithique n’a pas été graduelle, km par km, mais par vagues successives suivies de pauses, un peu comme les cycles économiques (c’est très schumpéterien !).

En fait, l’exemple donné d’innovation qui se répand, c’est la diffusion du vin et des récipients qui vont avec...

J’ai été moins convaincu par la réfutation du culte de la bonne mère, ramenée à des pratiques magiques mais dont témoignent pourtant les mythes sumériens (et il faut y joindre le taureau), ni sur l’invention des dieux à la place des ancêtres. Là-dessus je reste partisan des thèses de Jacques Cauvin même si elles restent contestables. Par contre il est salutaire de rappeler que la violence et les guerres entre clans n’ont pas commencé avec le néolithique mais avec la défense d’un territoire, sans qu’il soit cultivé, alors que les hiérarchies (moins marquées en Europe) semblent liées à la sédentarisation ainsi qu’aux richesses accumulées.

Le livre se termine sur l’échec du Néolithique puisqu’il y a toujours plus d’hommes qui ne mangent pas à leur faim !