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Les medias citoyens sont-ils fiables ?

Le 26  avril 2006 par Emily Turrettini

Le journalisme citoyen « marque un tournant dans l’histoire de l’information, le public est dorénavant un partenaire plutôt qu’une ressource » (Le Temps, quotidien suisse, d’après un article du Guardian).

Les groupes de presse n’ont plus le monopole ni de l’information, ni de sa diffusion. Blogs et Wikis, derniers outils Internet en date, permettent aux individus de s’affranchir de la suprématie de la grande presse ou, du moins, de la contourner en publiant leur propre journal. Dans un article édifiant, intitulé « Comment les blogs ont changé le Times », un journaliste de l’agence United Press écrit : « Les médias alternatifs basés sur Internet disposent aujourd’hui d’un pouvoir extraordinaire. (...) Désormais, les blogs peuvent réclamer la tête de l’une des plus puissantes figures politiques de la nation et mettre en cause la réputation du plus important quotidien national ». Avec une information qui circule très vite et s’enrichit en permanence de commentaires ou de nouveaux éléments critiques, une réactivité inégalable et le fait que certains blogueurs ont atteint une notoriété comparable à celle d’organes de presse, la blogosphère fait dorénavant figure de « contre-pouvoir ».

Prenant en compte cette évolution, de nombreux journaux sollicitent désormais photos et témoignages de la part de leurs lecteurs, afin de les intégrer à leurs publications. Ceci valide toute l’importance accordée à ce nouveau phénomène participatif : tout citoyen, au bon endroit et au bon moment, peut participer à la grande presse, voire la concurrencer. « Tous Journalistes ! », comme l’a si bien titré Le Monde.

De fait, les informations émanant des médias citoyens peuvent être considérées comme fiables, dès lors que le citoyen est le premier sur place lors d’un événement ou se trouve au cœur même d’un drame (tsunami, attentats de Londres...). En publiant ses récits ou ses photos sur Internet, il apporte un témoignage important, susceptible d’être repris par la grande presse. Après les attentas de Londres, c’est la photo d’Adam Stacey , prise avec un téléphone mobile dans le tunnel du métro, qui a fait la une des journaux du monde entier, et non celle d’un journaliste professionnel.

Néanmoins, ces nouveaux médias ne sont pas sans faille. Le danger de dérapage existe. Des photos, prises par des citoyens lors d’un accident, puis diffusées sur Internet, peuvent manquer de respect aux familles des victimes et/ou s’avérer beaucoup plus choquantes que celles publiées par la presse traditionnelle. Avides d’un scoop, les nouveaux paparazzi en viennent même à mettre en danger leur vie ou celles des autres. L’accident d’Air France au Canada en août 2005 en est exemple probant : avant d’évacuer l’avion en flammes, un des passagers a pris le temps de faire quelques photos, qu’il a ensuite vendues à la presse. Lors des dernières présidentielles américaines, c’est la crédibilité même des blogueurs qui en a pris un coup, lorsque certains d’entre eux ont annoncé l’élection de John Kerry, pronostic que la grande presse, plus avertie quant au processus électoral, s’est bien gardée de faire.

Moins polémiques sont les véritables journaux citoyens qui émergent aujourd’hui, à l’instar du site coréen OhmyNews. Bien que ses créateurs ne le qualifient pas de « blog », OhmyNews en possède presque tous les attributs. Sorte de site collaboratif, sa devise en résume bien le concept : « Tout citoyen est un reporter. » Le journal publie quotidiennement des centaines de photos ou d’articles rédigés par plus de 40 000 citoyens d’origines diverses (femmes au foyer, étudiants, employés de bureau, policiers, professeurs d’université...). Les informations sont validées par une équipe de journalistes professionnels, employés par la rédaction. Cinq ans après sa création en février 2000, il est lu chaque jour par un million de personnes.

Le modèle OhmyNews a fait des émules. Aux Etats-Unis et ailleurs, de multiples initiatives vont dans le même sens et on assiste à la naissance régulière de « journaux locaux en ligne » d’un genre nouveau, produits par et pour la communauté.