Google sonne la victoire du libre et du gratuit !

7  juin 2007 | par Jean Zin

En proposant gratuitement et sous forme de logiciels libres des programmes concurrents à ceux de Microsoft, Google impose enfin le nouveau modèle économique de l’ère numérique, libre et gratuit !

On accusait les défenseurs des logiciels libres et de la gratuité numérique d’être des communistes (dixit Bill Gates), en tout cas des idéalistes, des rêveurs inconscients des réalités du business et des conditions de reproduction des créateurs alors que la gratuité numérique est un fait technique incontournable où copier n’est pas voler car ce n’est rien prendre et que cela ne coûte rien ! Quand aux logiciels libres c’est aussi une contrainte technique qui découle de la complexité et du caractère évolutif de l’informatique.

On peut penser que Microsoft est condamné à plus ou moins brève échéance pour obsolescence. Ce ne sont pas quelques anarchistes barbus qui vont donner le coup de grâce, ce n’est pas une action morale ou idéaliste, non, mais l’arme de la gratuité qui va se révéler simplement dévastatrice pour conquérir des marchés (ensuite quand il y a monopole par étouffement de la concurrence c’est une autre histoire qu’on connaît bien jusqu’à faire de Bill Gates l’homme le plus riche du monde par confiscation d’une rente illégitime). Il y a toujours eu un avantage décisif à la gratuité sur Internet, pas seulement à cause du prix à payer mais surtout à cause du "coût de transaction" qui ralentit la communication et les échanges. C’est ce qui fait qu’il y a un seuil important entre un prix à payer aussi dérisoire qu’on veut et un accès immédiat complètement libre et gratuit. La possibilité technique de la gratuité s’impose par le jeu de la concurrence et non par l’action politique.

Le but de Google, c’est de profiter de sa position dominante pour la renforcer encore, devenir encore plus indispensable et s’assurer ainsi pour l’avenir d’une grande inertie protégeant l’entreprise d’une concurrence toujours dangereuse qui pourrait rapidement dans ce domaine prendre sa place grâce à une quelconque innovation qui s’avèrerait décisive. C’est pourquoi Google devient de plus en plus tentaculaire et s’étend partout où il le peut, toujours au bénéfice des utilisateurs...

Google proposait déjà gratuitement des application en ligne : Google Mail, (traitement de texte, tableur et travail collaboratif), Google Talk (messagerie instantanée), Blogger (création de blogs), Calendar (agenda interactif), Picasa (traitement d’image) et Page Creator (création de site web). La nouveauté c’est non seulement de pouvoir intégrer ces applications directement dans les différents navigateurs mais aussi de pouvoir s’en servir hors ligne ce qui les met directement en concurrence avec les produits Microsoft (Word, etc.) et Linux (OpenOffice). "Google Gears" est non seulement gratuit, c’est aussi un logiciel libre (du moins presque...). C’est sans doute ce qui signe la fin du modèle "propriétaire" un peu comme Apple a dû abandonner une partie de sa spécificité au profit d’une certaine compatibilité IBM (Intel) qui doit une bonne part de son succès au fait que la copie en était un peu plus libre !

Les logiciels de Google ne sont peut-être pas encore assez à la hauteur mais il est intéressant de constater que la gratuité et l’ouverture ne sont pas l’apanage des petits ou des marginaux dans les réseaux numériques, c’est l’arme des plus grands utilisant avec tous leurs moyens les potentialités techniques que les anciens monopoles voudraient vainement brider. Aucune utopie là dedans, ce ne sont que les affaires et le jeu des puissances relatives mais il y a bien un complet changement de logique dans ce "business model" qui signe notre véritable entrée dans l’ère de l’information (de la gratuité numérique, de la programmation collaborative et de l’innovation collective). Les conséquences en seront considérables, à l’opposé des combats d’arrière garde des droits numériques et de toutes les tentatives actuelles de retour en arrière.