Du groupe des 10 à Transversales...

  février 2007 | par Jacques Robin

Du Groupe des Dix, au CESTA, au GRIT et à Transversales Science Culture, Jacques Robin a tissé l’histoire d’une pensée vivante en action... Voilà comment il présentait son parcours dans son dernier livre "L’urgence de la métamorphose" :

-  En 1966, à l’issue d’un colloque entre biologistes, sociologues, et philosophes, Robert Buron, Henri Laborit, Edgar Morin et Jacques Robin décidèrent de créer un groupe de réflexion qui pris le nom de Groupe des Dix. Ils furent rapidement rejoints par Jacques Attali, René Passet, et Joël de Rosnay.

L’objectif de ce groupe : mieux comprendre et cerner les rapports entre les sciences et les techniques d’un côté, la culture et le "politique" de l’autre.

Avec la participation de Jacques Baillet, Jean-François Boissel, Jacques Sauvan, André Leroi-Gourhan, Henri Atlan, Gérard Rosenthal, David Rousset, Monette Martinet, Françoise Coblence, Michel Serres, Jacques Piette, Odette Thibault, Alain Laurent, et bien d’autres, ce groupe a fonctionné régulièrement de 1966 à 1976, dans le cadre de rencontres mensuelles informelles sur des thèmes transversaux. Michel Rocard et Jacques Delors ont relayé la dimension du "politique" après la mort de Robert Buron.

Le Groupe des Dix noua des contacts avec de nombreux invités comme Jacques Monod, François Jacob, René Thom, François Meyer, Gérard Mendel, Jean-Pierre Dupuy, Marian Apfelbaum, et de nombreux autres chercheurs et penseurs.

A ces échanges s’ajoutèrent des participations du Groupe des Dix à divers colloques et séminaires, notamment avec le Club de Rome. Après 1976, le Groupe des Dix cessa d’exister en tant que groupe organisé mais l’importance des liens resta permanente entre de nombreux membres du groupe. Certains d’entre eux trouvèrent, durant 2 ans, un autre mode de fonctionnement proposé dans le cadre de "Macroscope", revue bimensuelle animée par Serge Lier et Annie Batlle.

-  En 1982, dans les suites d’un rapport de Joël de Rosnay sur la nécessaire création d’un centre d’études et de réflexions sur les mutations en cours et les technologies dites "avancées", fut créé le CESTA (Centre d’Études des Systèmes et Technologies Avancées). Sa mise en place interministérielle fut confiée à Jacques Robin, à la demande du Premier Ministre Pierre Mauroy.

Avec des ressources humaines et des moyens financiers d’importance, le CESTA, qui sera confié à Yves Tourdzé après sa mise en place, joua un rôle considérable en matière de sensibilisation de la communauté scientifique aux explosions scientifiques en cours : contribution à la création du programme EUREKA, trains à grandes vitesses, nouveaux matériaux, percée de la robotique, des télécommunications numérisées, et des biotechnologies. Le CESTA initia, en France, les colloques sur "l’intelligence artificielle".

-  Parallèlement fut fondé, en 1982, le Groupe Science Culture placé sous la co-présidence d’Henri Atlan, Jean-Pierre Dupuy et Jacques Robin. Trois départements se mirent en place autour de chercheurs de haut niveau :

le LDR (Laboratoire de la Dynamique de Réseaux) s’orienta vers des recherches sur la formalisation et la simulation des systèmes complexes, avec Henri Atlan, Von Förster, Maurice Milgram, Françoise Fogelman, et Gérard Weisbusch ;

le CREA (Centre de Recherche en Épistémologie et Autonomie) lié à l’École Polytechnique, renforça les réflexions sur les concepts d’autonomie et de complexité. Sous l’impulsion de Jean-Pierre Dupuy, les travaux sur l’autonomie se multiplièrent avec les apports entre autres de Isabelle Stengers, Daniel Andler, et Francisco Varela... ;

le GRI (Groupe de Réflexion Interdisciplinaire) fut chargé d’animer des réunions plus "ouvertes" autour de trois thèmes centraux : l’impact des technologies informationnelles, les questions liées à l’évolution biologique, et les concepts d’autonomie et de complexité.

De nombreux débats eurent lieu. Parmi les participants à ces débats, citons, parmi d’autres, René Passet, Jean-Pierre Changeux, André Bourguignon, Henri Atlan, Edgar Morin, Joël de Rosnay, Cornélius Castoriadis, Isabelle Stengers, Albert Jacquard...

Une Lettre d’information mensuelle, la lettre du GRI, La lettre du Groupe Science Culture, fut créée. Sa vocation : être un espace d’informations critiques sur les multiples interactions entre science et culture. Guy Beney en fut le premier secrétaire de rédaction. Armand Petitjean, Ilya Prigogine, Basarab Nicolescu, Bernard d’Espagnat et bien d’autres y écrivirent. Bioéthique sociale, auto-organisation, théorie de l’autonomie, partage des richesses et des activités, conception systémique, sémantique générale, crise de la psychiatrie, concept de "système politique" comptèrent parmi les thèmes discutés.

-  En 1987, le Groupe Science Culture se scinda en ses propres départements. Le GRI confirma son activité de "lieu de débats" sous le nom GRIT : Groupe de Réflexion Interdisciplinaire et Transdisciplinaire.

Après la parution du livre "Changer d’ère" (Jacques Robin, Le Seuil, 1989), en janvier 1990, le GRIT publia la Lettre du Groupe Science Culture qui devint Transversales Science/Culture. Ses locaux, qui se situent tout d’abord au Ministère de la recherche et de la technologie, à l’ancienne Ecole Polytechnique, se déplacèrent à l’INSEP, près de la place de la Nation, grâce au soutien de Dominique Genelot. En 1992 le GRIT s’installa boulevard de Grenelle avec le soutien de Michel Hervé, alors Maire de Partenay. Le GRIT participa à la vie de la Maison Grenelle qui s’enrichit de nouvelles associations et projets : Charte de la citoyenneté, Les journées de Partenay, Europe 99, VECAM, le Centre Pierre Mendès France (CIPMF), Place Publique et, en 2001, Interactions Transformation Personnelle-Transformation Sociale. En lien avec la Maison Grenelle, Patrick Viveret initiera le Collectif richesses, sur l’impulsion des conclusions de son rapport "Reconsidérer la richesse", ainsi que le projet Dialogues en humanité. Cécile Blériot puis Maud Mokadem assureront pendant toute cette période un secrétariat des différentes actions et surtout un dialogue avec les participants.

-  Transversales Science/Culture, deviendra société de presse en 1996 ; elle se développera particulièrement grâce à l’investissement de Marie-Elisabeth Lautrou durant 2 ans. Un grand nombre de personnalités ont joué un rôle important à cette période en particulier Gérard Andrek pour la Macif, Ignacio Ramonet et Bernard Cassen pour le Monde Diplomatique, Gérard Boulanger pour Chèque déjeuner, André Parinaud pour les Arts de la rue. Elle élargit ses objectifs à l’étude du rapport entre les connaissances scientifiques et les données actuelles en anthropologie et écologie. La lettre bimestrielle Transversales Science/Culture éditera 78 numéros dans une première série. Les 60 premiers numéros de cette lettre furent animés par Jacques Robin, Anne-Brigitte Kern, et Armand Petitjean. De nombreux collaborateurs y participèrent. Citons, aux côtés d’anciens du Groupe des Dix Henri Atlan, Edgar Morin René Passet, Joël de Rosnay, d’autres chercheurs, penseurs, et praticiens et parmi eux : Félix Guattari, André Bourguignon, Jacques Testard, Alain Caillé, Michel Hervé, Pierre Calame, Dominique Méda, ainsi que Jean Chesneaux, Mireille Delmas-Marty, Jacques Delors, Serge Depaquit, Michèle Dessenne, Sacha Goldman, André Giordan, André Gorz, Stéphane Hessel, Véronique Kleck, Jean-Louis Laville, Jean Liberman, Gérard Paquet, Riccardo Petrella, Valérie Peugeot, Martine Rémond-Gouilloud, Michel Rocard, Roger Sue, Armen Tarpinian, Patrick Viveret, Ann-Corinne Zimmer, Jean Zin.

Les numéros qui suivirent s’élaborèrent sous l’animation de Patrick Viveret et Philippe Merlant. En 2002, la formule de la lettre bimestrielle se transforma en "Revue", de parution trimestrielle, sous la direction de Philippe Merlant. De nouveaux auteurs apparurent comme Jacques Capdevielle, Daniel Le Scornet, Laurence Baranski, Annie Batlle, Didier Livio, Jean Tellez, Hervé Sérieyx, Guy Roustang... En 2003, la société de presse cesse son activité car l’équilibre financier ne peut être établi.

-  En 2002 naît le Collegium international éthique, politique et scientifique, animé par Sacha Goldman. Cette initiative fait suite à une première réunion qui s’était tenu en mars 2001, en Slovénie, sur invitation de son Président de la République, Milan Kucan. Cette initiative réunit notamment Stéphane Hessel, Patrick Viveret, René Passet, et Michel Rocard qui prendra la co-présidence du Collegium avec M.Kucan. Jacques Robin assurera la direction scientifique, qui sera reprise en 2006 par Jean-Pierre Dupuy. (http://www.collegium-international.org).

-  A partir de 2003, sous l’impulsion de son nouveau président Joël de Rosnay et de Jacques Robin, et avec l’implication forte de nouveaux contributeurs dont Philippe Aigrain, Laurence Baranski, Claire Souillac, Jean Zin, le GRIT-Transversales recentre ses activités sur quatre axes :

* l’édition. Une collection en partenariat avec les Editions Fayard voit le jour avec la parution, en 2006, du premier ouvrage "Pourquoi ça de va pas plus mal" signé Patrick Viveret. Les coordinateurs de la collection sont Valérie Peugeot et Philippe Aigrain en liaison avec Henri Trubert. Parallèlement, en 2006, un rapprochement est effectué avec la nouvelle maison d’édition Des Idées et des Hommes créée et dirigée par Véronique Anger.

* la publication d’une lettre de veille et d’information sur les thèmes majeurs de société, diffusée sur le web. Son édition est coordonnée par Thierry Taboy et Valérie Peugeot, et assurée par Valérie Chapuis, Alexandre Faesch, Laurent Jacquelin. Son contenu est alimenté par les contributions proposées par les membres du réseau, scientifiques, chercheurs, praticiens...

* l’organisation de séminaires et d’événements visant d’une part à œuvrer pour un renforcement des connaissance et des questionnements citoyens, d’autre part à relier les acteurs et mouvements. En mai 2005, Grit-Transversales a ainsi organisé la journée Mémoire vive, à la Maison des Métallos, avec le soutien de Gérard Paquet. un rapprochement avec le journal d’information citoyenne "AgoraVox" créé par Joël de Rosnay.

-  En 2006, GRIT-Transversales se présente comme un réseau de réseaux, et fonctionne sur un mode associatif. Sont membres du collectif d’animation, outre des personnes déjà citées dans les différentes activités évoquées ci-dessus, Armen Tarpinian, directeur de la Revue de Psychologie de la Motivation, Daniel Brabis, Mieg Delacour, Henryane de Chaponay, Celina Whitaker.

-  Le courant de pensées et d’actions Grit-Transversales a progressivement fait avancer la réflexion sur le concept de "l’information" et sur celui des technologies informationnelles qui en sont issues et qui bouleversent les perspectives économiques, sociales et culturelles. Il a également porté ses réflexions sur les transformations anthropologiques et écologiques qui accompagnent l’entrée dans l’ère de l’information. ont inspiré nombre de nos contemporains,

Il a pu rassembler autour de lui des milliers de personnes (chercheurs, décideurs, praticiens, ou simples citoyens) qui, à leur tour, ont contribué à nourrir la réflexion et l’action, malgré l’autisme complet des décideurs politiques et économiques.

-  Enfin, considérant là qu’il s’agissait d’un thème majeur, Grit-Transversales s’est très tôt intéressé à l’articulation entre la transformation sociale et la transformation personnelle. Le projet Interactions Transformation Personnelle-Transformation Sociale a été initié en 2001 au sein du réseau Grit-Transversales, avec le soutien d’Edgar Morin, par Laurence Baranski et Jacques Robin, Philippe Merlant, Patrick Viveret, ainsi que d’autres personnes et associations oeuvrant pour l’émergence d’un monde plus responsable et plus solidaire. Les membres fondateurs en sont : Laurence Baranski, Annie Batlle, Jacques Boussin, Karine Boyer, Daniel Brabis, Henryane de Chaponay, Pascale Delille, Claire Héber-Suffrin, Marie Seguette, Jean-Paul Karsenty, Célina Whitaker, Philippe Lefèvre Wittier, Eric Langevin, Philippe Merlant, Laurence Mermet, Didier Minot, Edgar Morin, Dominique Picard, Jacques Robin, Danielle Salomon, Armen Tarpinian, Patrick Viveret, Ann-Corinne Zimmer

La perspective que propose le Grit-Transversales est :

* d’une part le développement d’une vue plus générale de l’ère de l’information en s’appuyant sur trois piliers fondamentaux : la mutation informationnelle, l’écologie politique comme finalité du développement humain, et la prise de conscience de la nécessité de développer l’autonomie personnelle qui ne peut s’exprimer de manière valable que dans des projets collectifs ;

* d’autre part la recherche des conditions et réalités concrètes d’une gouvernance mondiale favorisant le développement de l’humanité toute entière, en prenant appui sur la société civile, sous la forme d’une démocratie participative à tous les niveaux, et l’appui des ONG, l’ensemble étant placé dans une perspective humanitaire, porteuse d’un "vivre ensemble" durable et de qualité.

En lien avec d’autres mouvements et acteurs, le Grit-Transversales veut contribuer à donner corps à ce qu’il convient de nommer une "nouvelle politique de civilisation", et favoriser l’adhésion en ce sens des citoyens aujourd’hui désemparés et sans repères.

Extrait du dernier livre de Jacques Robin, "L’urgence de la métamorphose" co-écrit avec Laurence Baranski (Editions ’’Des Idées et Des Hommes’’) - 2007

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