Les contrats Creative Commons

30  novembre 2003 | par Rédaction Transversales

L’Interview de Mélanie Dulong-De Rosnay et Jean-Baptiste Souffron - Cersa.

Si vous deviez résumer en quelques mots la philosophie des contrats Creative Commons par rapport au droit d’auteur américain, au droit d’auteur français et aux licences libres telle que la GPL ?

Philosophiquement, Creative Commons n’est pas une initiative opposée au droit d’auteur, mais cherche à promouvoir le développement de la culture en offrant les outils juridiques et techniques nécessaires pour que les auteurs puissent remettre leurs oeuvres entre les mains du public. Bien sûr, les contrats Creative Commons ont été rédigés par rapport au droit de copyright américain, mais la transposition dans un système de droit d’auteur n’est pas une étape insurmontable et ce travail se justifie amplement pour des raisons d’accessibilité linguistique et de sécurité juridique. C’est évidemment pour assurer le sérieux de ce travail délicat que Creative Commons a souhaité travailler avec une institution universitaire reconnue, le groupe de recherche Informatique, Droit et Linguistique créé par Danièle Bourcier et aujourd’hui relié au CERSA-CNRS à l’Université Paris II. En ce qui concerne les autres licences libres, les contrats Creative Commons sont bien sûr inspirés de ce que d’autres ont déjà pu réaliser pour promouvoir le partage et la diffusion de la création, le premier d’entre eux étant Richard Stallman, le fondateur de la Free Software Foundation et le créateur de la General Public Licence. Toutefois, Ils visent plus les œuvres musicales, littéraires, photographiques, etc que les développements logiciels. Les contrats Creative Commons se révèlent finalement comme des outils complémentaires aux autres formes de licence libre et apportent une souplesse, une simplicité et une rapidité d’utilisation qui faisait jusqu’alors défaut en réservant ces possibilités à de petits groupes de spécialistes. On peut noter qu’il n’existe pas un seul contrat Creative Commons, les textes sont modulables ; différentes options peuvent être combinées et toutes n’intègrent pas la mention Share-Alike, partage à l’identique, inspirée par la GPL. Enfin, les contrats Creative Commons ne sont pas seulement destinés à permettre aux auteurs de diffuser leurs œuvres, ils visent d’abord à faciliter l’accès du public à la culture et à la connaissance et à étendre ses possibilités d’interaction avec les œuvres. D’une certaine façon, ces contrats ne sont encore que la première pierre de Creative Commons. D’ores et déjà, des contrats plus adaptés à certains besoins spécifiques comme le sampling sont en préparation et en voie de transposition dans les différents systèmes juridiques internationaux.

Dans le travail d’adaptation, quels sont les principaux problèmes "philosophiques" que vous rencontrez, pour respecter à la fois le principe de la licence américaine et le droit français ?

Les principaux problèmes à résoudre sont d’abord des problèmes de terminologie, un même mot pouvant désigner des concepts différents selon les systèmes juridiques, ainsi un terme employé par les licences américaines peut correspondre à un terme différent en droit français : la définition française d’œuvre collective ne recoupe pas exactement la signification couverte par l’expression "collective work", en droit américain. Parfois la traduction n’est pas réellement possible et il est nécessaire d’adapter le texte original en essayant d’en conserver l’esprit du mieux qu’il est possible.

Peut-on imaginer que l’usage de ces licences connaîtra un succès plus large en nombre d’utilisateurs, que les licences liées aux logiciels ou aux productions artistiques sous copyleft comme Art libre par exemple ?

Les contrats Creative Commons rencontrent déjà un succès phénoménal. Ils sont notamment utilisés par les réseaux altermondialistes comme Samizdat, ainsi que par de nombreux artistes comme ceux qui participent à LegalTorrent, Magnatune, OpenPhoto... mais aussi par des universitaires comme la revue Public Library Of Science ou certains cours du MIT.

Thématiques