Revue des sciences (10/08)

1er  octobre 2008 | par Jean Zin


-  La question de la vie
-  Trous noirs et trous de ver

-  Montée des eaux pire que prévu
-  Le miroir aux allouettes
-  Les arbres ont le secret de l’immortalité
-  L’addiction comme découplage émotionnel





Le temps semble se figer alors que la crise systémique devient de plus en plus incontrôlable. Le LHC tombe en panne à peine mis en route et ne pourra pas redémarrer avant le printemps. Le pôle Nord n'a pas fondu plus que l'année dernière, mais pas moins, et même le trou d'ozone fait de la résistance, refusant d'obéir à nos injonctions ! Ce n'est pas parce qu'on n'arrive pas à le contrôler qu'on n'est pas devenu responsables du climat, et quoiqu'on en pense, dès lors qu'on en est plus ou moins bien informé. Il est très étrange d'apprendre qu'une partie de l'univers visible serait attirée par l'univers invisible, première manifestation de l'au-delà, démontrant simplement que l'univers est plus grand que ce que nous pouvons en voir. Il est sans doute assez important d'avoir pu dénombrer les 68 molécules à la base de la vie mais la carte génétique de l'Europe rappelle de bien sinistres périodes. L'analyse de son propre ADN devrait être bientôt généralisée, à portée de toutes les bourses... Ce sera sans doute sur l'hygiène de vie, la nutrition, le traitement hormonal et les anti-inflammatoires qu'on aura de meilleurs résultats, mais comment refuser ces informations quand elles sont disponibles ? Cela n'empêche pas qu'il y a une alerte au plastique alimentaire, sans que cela change quoique ce soit pour l'instant ! Sinon, on espère toujours pouvoir bientôt grimper aux murs, même sales ! Le solaire et les supercondensateurs n'en finissent pas d'arriver. Pourtant il suffirait d'intégrer le solaire aux bâtiments pour qu'il soit dès maintenant rentable. Il est quand même très étonnant de voir que Google va commencer à coloniser la mer avec ses serveurs en s'alimentant avec l'énergie des vagues mais pour l'instant rien ne bouge en attendant que la crise s'aggrave et nos émissions ne cessent d'augmenter... Un mot sur Science&Vie qui confirme que notre Terre pourrait être unique malgré des milliards de milliards de planètes car ce qui nous semblait normal (un système solaire, une grosse Lune, la Terre, l'air, l'eau, le temps long de l'évolution surtout) se révèle une exception dans l'Univers et ce qui nous semblait exotique la règle !

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Pour la Science no 372, Trous noirs


Pour la Science Pour la Science fait peau neuve ce mois-ci avec une nouvelle formule se rapprochant de son modèle Scientific American, sans abandonner pour autant sa couverture glacée. On n'en parlera pas beaucoup ce mois-ci car les sujets les plus intéressants ont été abordés récemment dans les brèves et Jean-Pol Tassin est présent aussi dans Sciences et Avenir. En fait, j'ai trouvé que, ce qu'il y a de mieux, c'est le cahier central sur l'institut des hautes études scientifiques (IHES), haut lieu de l'interdisciplinarité entre mathématique et physique surtout !

Le métier de chercheur scientifique reste une position privilégiée pour transcender des problèmes purement techniques et contribuer à l'histoire des idées. il se pourrait d'ailleurs que, dans bien des cas, ce rôle humaniste fût aussi important que les découvertes techniques qui l'accompagnent. (David Ruelle)

C'est un jeu qui se joue à 2 : il y faut un enthousiaste et un réticent. L'enthousiaste parce qu'il sait qu'il sait, le réticent "rétice" tant qu'il n'a pas épuisé tous les recours de l'objection. Il ne s'agit pas d'un affrontement, mais d'un effort commun vers un but tellement subtil qu'on n'y atteint qu'au prix d'une rigueur implacable. (Jean-François Dars)

La première chose qui compte, c'est de devenir soi-même sa propre autorité. C'est-à-dire, pour comprendre quelque chose, ne pas chercher tout de suite à vérifier si c'est contenu dans un livre, non ! Ce qu'il faut, c'est vérifier dans sa tête que c'est comme ça. (Alain Connes)

Il faut signaler aussi le Dossier hors série "Où est née la vie ?" dont on peut lire l'avant-propos de Michel Morange qui fait le point sur la question de la vie (impossible de mettre le lien direct car ils trouvent très intelligent de n'avoir que des adresses temporaires. Vraiment stupide !). On notera qu'il oublie l'information dans les caractéristiques de la vie, alors que c'est parce que les flux d'informations régulent les flux de matière et d'énergie que la vie peut lutter contre l'entropie et la mort !

Il n'y a pas de place pour un questionnement direct sur la vie parce que la majorité des scientifiques pense que ses caractéristiques fondamentales sont aujourd'hui connues, tellement connues de tous qu'il n'est plus nécessaire de les rappeler. Un organisme vivant est un système chimique autopoïétique, c'est-à-dire capable de régénérer ses propres constituants, échangeant matière et énergie avec son environnement ; ce système est capable de se reproduire de manière imparfaite, en engendrant des formes légèrement différentes de lui-même, éventuellement mieux adaptées à cet environnement ; ce système chimique est probablement basé sur la chimie du carbone.

Dans ce dossier comme dans les recherches, l'importance prise par la biologie synthétique, nom donné aux essais de fabrication de vie en éprouvette, prouve que la nature de la vie est considérée connue.

Même s'il est de bonne méthode de séparer la question de la vie de celle de la conscience, elles sont sans doute inséparables puisque dès le début la vie c'est l'apprentissage et la réactivité (le computo pour Edgar Morin). La vie est dès l'origine mémoire évolutive et perception de l'environnement puisqu'elle est basée sur l'information et ses capacités néguentropiques de correction d'erreurs, ce pourquoi elle est basée sur l'information et sa reproduction, pas sur un métabolisme spécifique.

Que les fondements de la vie soient considérés comme connus, et que l'essentiel du travail consiste dorénavant à déterminer comment la vie est apparue, n'implique pas que ce travail soit simple, ni en passe d'être achevé. De très nombreuses questions restent encore posées, et de fortes divergences existent sur les réponses à y apporter, et plus encore sur la manière d'acquérir ces réponses.

Quand on entre dans le détail des étapes qui ont dû conduire à la vie, les désaccords sont encore plus flagrants. Quelle était la nature du premier monde vivant ? Un monde encore largement constitué de composants inorganiques comme les argiles, un monde à arn, ou un monde vivant associant étroitement acides nucléiques et petites protéines ? Est-ce que les premiers pas de la vie ont été des systèmes de réactions chimiques auto-entretenues, c'est-à-dire un système métabolique primitif, ou des macromolécules auto-réplicatives ? L'isolement de ces systèmes pré-vivants s'est-il fait par concentration locale sur des minéraux, ou grâce à la formation d'une membrane isolante ? Dans ce dernier cas, quelle en était la nature chimique exacte ? A-t-il existé un ancêtre commun à toutes les formes vivantes que nous connaissons aujourd'hui sur la Terre, ou la vie actuelle a-t-elle émergé à partir d'une communauté d'êtres vivants primitifs ?

Terminons par deux caractéristiques de ce champ de recherches que ce dossier met pleinement en lumière. La première est sa multidisciplinarité. La question de la vie n'appartient pas aux seuls biologistes. Les travaux de chimistes, de physiciens, de spécialistes de planétologie, d'informaticiens seront tous nécessaires pour progresser dans la connaissance du ou des chemins vers la vie. L'interdisciplinarité n'est jamais facile à mettre en œuvre, et une part des désaccords décrits précédemment est certainement le fruit d'une mauvaise communication. Mais elle est, plus que dans tout autre domaine, indispensable.

- Trous noirs et trous de ver, p36
Alain Riazuelo

A la différences des autres articles d'Alain Riazuelo, celui-ci aborde "les singularités nues", c'est-à-dire des trous noirs possédant une charge électrique. "Près du centre du trou noir, nommé singularité (car le champ gravitationnel y devient infini), le champ gravitationnel est même répulsif", ce qui dans certain cas fait qu'il n'y a plus d'horizon et que donc ce n'est plus un trou noir mais une singularité nue (visible). Les trous de ver sont aussi envisagées bien que fort peu probables. En tout cas, si ces trous de ver peuvent nous précipiter dans d'autres univers, c'est sans espoir de retour car si on pouvait revenir, les lois de la causalité seraient violées puisque cela voudrait dire qu'on peut remonter le temps.




Sciences et Avenir no 740, Egypte, découverte exceptionnelle


- Montée des eaux pire que prévu, p16

La fonte des glaces du Groenland pourrait s'accélérer de façon alarmante au cours des prochaines décennies et contribuer, dès ce siècle, à une élévation du niveau moyen des mers supérieure à ce que l'on pensait. Deux études publiées, l'une dans Nature Geoscience du 31 août et l'autre dans Science du 4 septembre, concluent respectivement à une hausse d'un mètre et de près de deux mètres, avant la fin du siècle...

- Le miroir aux allouettes, p32

Face à leur image, deux pies sur cinq ont eu un comportement inhabituel pour la plupart des animaux : elles n'ont pas cherché à séduire ou à attaquer l'animal qui leur faisait face mais ont regardé à plusieurs reprises derrière le miroir, puis bougé devant lui tout en s'observant. Quand les chercheurs leur ont collé une pastille colorée uniquement visible avec le miroir, elles n'ont pas hésité à se frotter contre leur grille et à jouer des pattes pour décrocher la tache, vérifiant ensuite dans le miroir qu'elles avaient réussi. Les pies ont ainsi confirmé qu'elles faisaient partie des oiseaux les plus intelligents, ce que suggérait déjà le poids relatif de leur cerveau, de loin le plus élevé parmi tous les animaux, homme compris. D'autres corvidés semblent bien placés pour réussir le test du miroir. «Nous prévoyons de refaire ces expériences avec des corbeaux et des geais dont les comportements sociaux sont comparables».

- Les arbres ont le secret de l'immortalité, p44
Francis Hallé

L'arbre est un mutant, Darwin le savait bien, son ADN étant différent d'une branche à l'autre, subissant des mutations par son exposition aux rayons solaires, mais grâce à son hibernation, il renaît à chaque printemps aussi jeune qu'avant, potentiellement immortel (le record connu serait de 43000 ans!). Toutes ses cellules meurent, c'est en tant que colonie de cellules qui se régénèrent en permanence qu'il peut être immortel.

Il est impossible de le démontrer mais je pense que cette variabilité génétique intra-arbre est une assurance, contre les changements climatiques notamment.

Cueille une petite feuille en haut de la cime d'un vieil arbre : ses tissus ne présentent aucune différence avec la feuille obtenue à partir d'un semis (...) Les arbres qui connaissent une croissance rythmique (ralentie l'hiver) pourraient être potentiellement immortels. Ils semblent en effet être capables de "rallumer" leurs gènes au printemps.

D'un bout à l'autre de l'existence d'un animal ou d'un homme, des gènes s'éteignent par un mécanisme biochimique connu sous le nom de méthylation, qui est à l'origine d programme de sénescence. Or, chez les pins, la croissance rythmique semble libérer des déméthylases. Selon le généticien Gilles-Eric Séralini, cela pourrat débarrasser les tissus jeunes des gènes éteints et permettrait aux arbres de lutter efficacement contre le vieillissement. Si les arbres meurent, c'est pour des raisons extérieures.

On peut voir une interview en vidéo.

- L'addiction comme découplage émotionnel, p66

Jean-Pol Tassin a écrit un article aussi dans Pour la Science de ce mois ("Le jeu, une drogue comme les autres ?" p28) où il montre les similitudes et les différences entre les drogues et les jeux d'argent qui ne sont addictifs que pour 1% des pratiquants, beaucoup moins que pour les drogues et venant le plus souvent à la suite d'autres addictions ou d'une impulsivité pathologique. Ce serait donc la perte de contrôle de l'impulsivité qui serait la cause première et non pas tant le système de récompense, le plaisir éprouvé ni la dopamine érigée en cause unique de l'addiction depuis 1988 !

Il y a des modes absurdes en sciences aussi, procédant en général par simplismes et généralisation hâtive. Ainsi de la théorie de la dépression qui voudrait faire de la sérotonine le seul coupable alors que pour l'addiction le seul responsable serait la dopamine et le principe de récompense. Même pour les opiacées, on nous expliquait que cela aboutissait finalement à une décharge de dopamine alors que leur effet, massif, était de supprimer toute douleur. En fait, c'est un peu plus complexe et différencié selon les produits.

La nouvelle théorie de Jean-Pol Tassin est bien un progrès, d'avoir un abord un peu plus systémique, ne s'attachant pas tant au manque consécutif à la prise du produit qu'au déséquilibre initial qui pourrait dès lors tout aussi bien en être la cause. A partir de la constatation que le plaisir disparaît mais pas le manque, il explique l'addiction non pas tant par la stimulation du système de récompense que par le découplage entre sérotonine et noradrénaline. La prise des différentes drogues aurait pour effet de compenser ce dérèglement émotionnel, caractérisé par une hypersensibilité, et c'est pour retrouver l'équilibre qu'il faudrait en reprendre.

Il faut souligner que parmi les addictions, il n'y a pas que les produits chimiques puisqu'on y compte l'addiction aux jeux d'argent, au sexe, au pouvoir, à la nourriture, à internet pour certains, au travail pour d'autres. De quoi relativiser l'effet du produit, tout comme le fait que les jouissances fortes ne créeraient pas fatalement de dépendance. On peut admettre cependant que l'activité addictive soit nécessaire au rétablissement d'un équilibre brisé, d'un découplage dysharmonique qui pourrait être premier au moins dans certains cas.

Ainsi, un système émotionnel perturbé par un trop grand stress, constituerait une prédisposition à l'addiction, ce qui semble raisonnable expliquant pourquoi ceux qui sont bien dans leur peau sont peu intéressés par les drogues qui relèvent plutôt de l'automédication. Il est très important que cette dimension thérapeutique soit prise en compte mais il ne faudrait pas non plus trop gommer ce qui reste de part de dérèglement des sens et de plaisir, qui ne se limite pas à la dopamine, raison pour laquelle on reste accroc à ce qu'on aime et pourquoi, effectivement, "le toxicomane qui s'en sort est avant tout celui qui parvient à modifier sa façon de voir la vie".




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