Femmes, agents de transformation

26  novembre 2006

Changez avec les femmes

par Annie Batlle

La moitié féminine de l’humanité a été pendant des lustres assignée à l’enfermement domestique sous prétexte d’être « un être humain appartenant au sexe capable de concevoir des enfants », définition de « femme » dans le petit Robert. Ce qui ne revient pas à dire qu’elles se sont contentées de faire des enfants. Elles ont été hyper actives, créatrices, efficaces, économiquement et socialement. Mais elles l’étaient de façon invisible et non quantifiable, puisque sans rémunération à la clé. Ce sexe là n’a jamais été « faible » et a largement démontré son endurance et sa capacité à maintenir et développer toutes les formes de vie, et pas seulement à la donner, à toutes les époques et sous toutes les latitudes. Le Forum économique mondial, friand de statistiques, estime que si on tient compte de leurs activités « invisibles » les femmes contribuent à plus de la moitié du Produit national brut des pays développés. Ces évolutions porteuses d’espoir ne nous font pas oublier l’oppression, les violences et les injustices que subissent les femmes à grande échelle dans le monde entier.

L’arrivée des femmes dans les sphères traditionnellement masculines ne peut que bouleverser l’ordre patriarcal qui a présidé à la construction de l’ensemble des sociétés humaines fondées sur la domination d’un sexe sur l’autre. Ce numéro de Transversales, à travers une mosaïque de témoignages, donne un aperçu de changements déjà à l’œuvre. Ils sont difficilement réversibles puisqu’ils s’avèrent bénéfiques à la fois pour les hommes et les femmes : sur le plan de la démocratie, de l’éthique, mais aussi sur le plan du développement au sens complet du terme, humain, culturel, économique et social. En politique, la montée des femmes au pouvoir partout dans le monde montre qu’il devient difficile d’imaginer que la politique reste exclusivement aux mains des hommes. Dans le tiers monde, elles jouent un rôle essentiel en matière d’éducation, de santé et d’économie, à travers notamment les entreprises d’économie solidaire qui font vivre des centaines de millions de familles. L’extension de leurs champs d’action est en partie liée au développement chaotique mais significatif des législations. Il est frappant de constater que, dans des pays peu démocratiques, ruinés par les guerres et en faillite économique tels que le Liberia, le Burundi, le Rwanda, l’Afghanistan, le rôle des femmes a été tellement « vital » pendant les conflits et leur présence si cruciale pour aider à la reconstruction qu’elles ont pu renégocier leurs droits : des femmes ont été nommées à des postes de responsabilité. Des droits politiques, parfois même la parité, leur ont été concédés dès les accords de paix. A moyen terme cela devrait accélérer l’accès à l’éducation par lequel passe leur émancipation totale et le développement de leurs pays. Dans des pays comme le Chili, l’Irlande, l’Allemagne, c’est aussi la capacité de dépasser les lignes de division qui a porté les femmes au pouvoir. Dans les entreprises occidentales, les femmes se heurtent encore au « plafond de verre ». Elles montrent cependant sans équivoque leur volonté et leur capacité à redonner des finalités humaines à des organisations devenues des machines à faire du profit et qui ont tendance à oublier leur rôle d’insertion et leurs responsabilités vis-à-vis de la collectivité. Nous ne croyons pas que les femmes soient meilleures que les hommes, ni supérieures, pas plus qu’inférieures. Nous sommes également persuadés que beaucoup d’hommes disposent d’« un quotient féminin » mais qu’on leur a appris à le museler. Les femmes sont simplement et généralement différentes, culturellement, par leur histoire, leur expérience, et non par leur nature biologique ou « leur genre » (qui colle à leur sexe avant même leur naissance comme le dit Maurice Godelier), et dont la traduction culturelle est largement arbitraire. Arrivant avec un regard neuf, un regard d’immigrée, dans des univers tels que la politique ou l’entreprise faite par et pour les hommes, elles introduisent une diversité source de vie et de renouvellement. Elles entament une monoculture dont on constate universellement les limites et agissent de facto comme des agents de transformation dans des sociétés qui aspirent à un renouvellement en profondeur.

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