Théorie de la crise et crise de la théorie

15  décembre 2008 | par Jean Zin

La crise, et après ?, Jacques Attali, Fayard

Alors qu’on s’enfonce dans la récession, que les premiers effets commencent tout juste à s’en faire sentir mais que montent déjà l’angoisse et la révolte, on aurait bien cru devoir approuver sans réserve pour une fois ce petit livre de Jacques Attali, tant l’accord peut être grand sur le diagnostic, aussi bien sur les causes que sur la gravité d’une crise qu’il avait été l’un des premiers à annoncer. Ce qui ne gâte rien, on y retrouve une rhétorique de gauche assez "percutante".

Comme on le verra, ça commence fort, effectivement, et rien à dire sur le déroulé des événements, mais ça se gâte tout de même sur la fin au niveau des propositions. Non que la plupart ne soient pas raisonnables mais ce sont surtout ses conceptions idéologiques de l’économie et de la démocratie qu’on peut trouver très insuffisantes et bien trop technocratiques, minimisant par trop les dimensions sociale et politique.

Cette théorie de la crise révèle une crise théorique plus profonde de l’économie libérale et de la place qu’y occupe la politique, crise provoquée par l’éclatement de la bulle idéologique, tentative désespérée de retrouver un nouveau consensus sans rien chambouler, juste en serrant quelques boulons par-ci par-là, voire en imaginant quelque autorité supérieure. Comme s’il y avait des sages qui en savaient assez pour décider de l’avenir sans faillir, alors que les économistes se disputent sans arrêt dans de véritables guerres des religions ! Ce n’est pas encore la fin de l’histoire. La question est de savoir s’il ne s’agit que de rétablir l’ordre ou d’en changer, ce qui d’ailleurs ne dépend pas tellement de l’opinion qu’on peut en avoir mais ne se fera pas pour autant sans luttes ni sans douleurs. Le meilleur qu’on peut en attendre, c’est la refondation de nos solidarités dans une crise systémique qui nous dépasse tous mais nous réunit aussi de par toute la Terre.

    Cette première crise de la mondialisation s’explique très largement par l’incapacité de la société américaine à fournir des salaires décents aux classes moyennes ; elle les pousse alors à s’endetter pour financer l’achat de leur logement, entraînant une croissance de la valeur des patrimoines et de la production ; les institutions financières et les "initiés" qui les animent s’octroient l’essentiel de la richesse ainsi produite sans courir le moindre risque, grâce à la titrisation. p9

Voilà un assez bon digest des causes de la crise. Effectivement, la baisse de la part des salaires était déjà la cause de la bulle financière en 1929 (selon Eccles, Livingston, Galbraith, etc.) et la sortie de crise s’est traduite par une réduction drastique des inégalités par l’impôt pendant les 30 glorieuses (jusqu’à l’éclatement de la bulle des salaires, si l’on en croit cette fois Denis Clerc, pour qui c’est ce qui aurait provoqué la stagflation de 1974 et une correction en faveur du capital avec le retour des inégalités jusqu’aux emballements récents !). Tout de même, on peut être étonné de voir surgir le terme d’"initiés" à la place de celui de capitalistes ou d’actionnaires, prenant sans doute acte du fait que l’information est devenue le premier pouvoir mais il y a bien substitution et, de façon encore plus significative, là où l’on pourrait penser qu’il devrait être question de lutte des classes. On va voir en effet que la citation suivante, qu’on peut encore approuver largement, fait un glissement vers l’état de droit :

    Pour moi, la crise actuelle s’explique simplement : si le marché est le meilleur mécanisme de répartition des ressources rares, il est incapable de créer par lui-même l’état de droit dont il a besoin, ni la demande nécessaire au plein usage des moyens de production. Pour qu’une société de marché fonctionne efficacement, il faut à la fois qu’un état de droit garantisse le droit de propriété, impose le maintien de la concurrence, et crée une demande de salaires décents et des commandes publiques ; ce qui suppose une intervention politique si possible démocratique, dans la répartition des revenus et des patrimoines. p10-11
    Le marché permet d’allouer librement des ressources rares pour produire et acquérir des biens privés. La démocratie permet d’allouer librement des ressources rares pour produire et distribuer des biens publics. p151

Tout cela semble raisonnable, sauf qu’on impute alors les folies du capitalisme à des règles de droit insuffisantes et qu’on fait du droit comme de la démocratie de simples correcteurs du marché. Dès lors la question devient plus technique que sociale ou politique. Ce n’est pas le marché ni le capitalisme qui est en cause mais son organisation, les règles de droit. Il faut faire bien attention car d’avoir réduit la démocratie à une fonction technique pourrait mener à se passer d’autant mieux de la démocratie peut-être ? En tout cas, cela donne des discours enflammés assez réjouissants :

    La crise ne fait que commencer ; la récession est là ; le désendettement s’accélère ; la dépression menace. Elle va maintenant, si rien n’est fait, toucher très profondément les entreprises, les consommateurs, les travailleurs, les épargnants, les emprunteurs, les villes, les nations. Inquiètes de leur avenir, les banques refuseront alors de prêter à des entreprises parfaitement saines qui tomberont en faillite (...) La crise financière mondiale, devenue économique, basculerait alors dans une crise sociale et politique majeure. p 15-16
    Si l’on veut éviter que l’histoire prenne ce tour terrible, il est temps de comprendre que tout cela trouve sa source dans le déséquilibre entre le marché et l’état de droit : il réduit la demande, la transfère sur la dette et crée des rentes financières majeures, légales, a-légales, illégales, voire criminelles. Parfaitement conscients des risques que le développement anarchique des marché fait alors courir au monde, les « initiés » font tout pour maximiser leurs profits, comme des voleurs se hâtant de rafler le plus possible d’or dans les coffres d’une banque, prenant tous les risques dans les dernières secondes d’un hold-up, juste avant l’arrivée de la police.
    Il est temps de comprendre que les contribuables paient aujourd’hui les bonus des banquiers qui les ont plongés dans une pareille situation. Il est aussi temps de voir que cette crise peut représenter une chance pour le monde, ultime alerte sur tous les dangers d’une globalisation anarchique et gaspilleuse. p17-18

Les banquiers à la lanterne ! Sûr qu’ils le méritent, ce ne sont pas du tout d’innocentes victimes et ils devront payer, mais on n’est pas très loin tout de même des théories du complot avec cette description des initiés profitant des failles du droit pour nous plumer et tout rafler avant la faillite ! C’est forcer un peu le trait alors qu’il y a plutôt des effets systémiques et des effets de groupe ou de mode. Rien à voir d’ailleurs dans cette désignation des coupables avec une critique du capitalisme, seulement de ses "excès", de ses mauvais côtés qui ne sont pourtant à chaque fois que l’envers de ses supposés bons côtés ! Il y a certes, on ne va pas le nier, quelque chose de juste dans l’insistance sur le pouvoir de l’information et des initiés mais c’est occulter ici que ce pouvoir reste lié au pouvoir financier ordinaire dont il n’est qu’un mode de gouvernement, c’est occulter la logique du capitalisme salarial, de la plus-value et de la lutte des classes qui en constituent les fondements. Car ce ne sont pas seulement quelques initiés qui mènent la danse, mais plutôt comme Warren Buffet l’avoue explicitement, une guerre des riches contre les pauvres, guerre gagnée (provisoirement ?) par les riches !

L’information est bien devenue stratégique mais le système de production n’a pas encore changé, toujours basé sur les mêmes mécanismes. Il ne suffit jamais de dire la vérité, il faut voir ce qu’on en fait. Toute idéologie est fondée sur des vérités dogmatisées, où le vrai n’est plus qu’un moment du faux. Attali reconnaît d’ailleurs assez bien la fonction de l’idéologie :

    L’idéologie, qui sert à asseoir le pouvoir d’un groupe, doit aussi avoir la capacité d’expliquer la vie des gens, de leur donner une raison de travailler, même à ceux qui souffrent. p142

Il vaut de citer Rousseau "le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir" pour souligner à quel point la fonction du droit est idéologique et comme la fonction de l’état de droit est de conforter les pouvoirs en place. L’idéologie sert aussi à conformer les travailleurs aux exigences du mode de production, à une sorte de dressage comportemental qu’on trouve autant dans l’idéologie libérale que communiste, en tout aussi stakhanoviste. Le libéralisme voudrait nous persuader ainsi que nous ne sommes intéressés que par nous, par l’argent et la compétition ! Nous savons à quel point c’est faux et ne correspond pas à ce que nous sommes ni à notre désir de reconnaissance. Attali dénonce surtout les ravages de la "pensée positive", confiance dans l’avenir qui est certainement constitutive de l’idéologie libérale et se trouve être un élément déterminant des moments d’euphorie irrationnelle des marchés, où il faut voir la véritable cause des krachs qui suivent inévitablement. C’est hélas ce qui nourrit aussi le négationnisme climatique...

    Pour éviter de prendre en compte ces rares discours inquiétants, apparaît une théorie, une pensée, une idéologie : la positive attitude. Elle consiste à se convaincre qu’un but est facilement accessible si on y aspire avec assez de sincérité, de force, de concentration. Que ce soit dans l’économie, en peinture, en sport, se diffuse globalement l’idée que la conquête de bons résultats passe nécessairement par la conviction et que le mieux adviendra si l’on y croit. Méthode Coué qui renvoie souvent à une attitude américaine puérile face aux contraintes de la réalité.
    Chacun se met à penser que pour décrocher un bon emploi, la recette consiste à être optimiste. En particulier, et c’est là un point essentiel, nul ne peut devenir dirigeant s’il annonce de possibles désastres. Et le fait d’être persuadé de pouvoir assumer financièrement un emprunt immobilier à taux variable revient à en avoir les moyens. p81-82

Peut-on croire pour autant, que la cause de la crise soit purement théorique ou contingente et liée à quelque mesure technique ou de simples faiblesses humaines ? On n’est encore qu’à l’écume des choses si on ne remarque pas que les crises sont relativement cycliques et qu’on est au début d’un nouveau cycle, marqué en général par des moments révolutionnaires d’adaptation à de nouvelles forces productives et de nouvelles règles du jeu. Envisager que la cause soit plutôt générationnelle et technologique permet d’interpréter tout cela (pensée positive, bulle immobilière, inégalités) comme moments du cycle et non comme causes premières, témoignant simplement de notre rationalité limitée et de l’abus de position dominante d’une génération sur les autres. Il est vital de savoir distinguer ce qui relève du cycle ou du plus long terme et de s’attacher aux causes matérielles et démographiques. Cela implique sans doute que le rapport de force dans la lutte des classes ne dépend pas tellement de nous. Du moins, c’est ce qui fait qu’il y a des périodes où l’on a le vent dans le dos et d’autres par devant ! Ainsi l’inflation favorise les revendications collectives (d’augmentation des salaires) alors que la baisse des prix favorise l’individualisme (l’individualisation des augmentations de salaire). Cependant, avec tout cela on s’éloigne complètement du livre, car pour Attali, la cause n’est pas matérielle mais bien idéologique, une simple erreur théorique, une virgule dans un texte de loi...

En effet, l’histoire s’écrirait dans le combat de titan entre le marché et l’état de droit, sauf que c’est très récent qu’on puisse présenter les choses ainsi, depuis la fin des économies dirigistes seulement et l’autonomisation d’un marché financier mondialisé ! Comme toujours l’histoire est reconstruite à partir du présent mais elle est surtout niée comme histoire. Ainsi mettre sur le compte de la liberté des contrats la remise en cause de toutes les valeurs, c’est dénier à l’histoire sa dimension cognitive où les traditions et dogmes religieux sont remis en cause parce qu’ils ont montré leur fausseté tout bêtement ! S’ils ont perdu leur légitimité, c’est d’être illégitimes : il n’y a pas de paradis du savoir originel, la science se construit pas à pas contre nos préjugés et notre ignorance qui peuvent être dépassés, y compris le relativisme des marchés. Ce qui est en jeu fondamentalement, c’est la commune vérité, même si le marché est bien pratique quand on veut faire comme si personne n’avait décidé du résultat le plus impitoyable, c’est en même temps la fondation d’une nouvelle légitimité, une nécessaire refondation politique et sociale basée non sur des valeurs toujours contestables mais sur notre solidarité effective qui est bien réelle et ne dépend pas de notre bon vouloir.

Il est tout aussi frappant de voir qu’il introduit bien la rupture de l’ère de l’information, avec la mention des "initiés" qui réfutent le caractère supposé optimal des marchés du fait de la dissymétrie de l’information, pour en dénier finalement son caractère de rupture, en particulier dans le travail, car fondamentalement rien ne change pour ses projections dans l’avenir en dehors de la réglementation du marché, comme dans un présent éternel qui éclaire l’avenir tout en reconstruisant son passé...

Si on ne peut qu’être d’accord sur un certain nombre de mesures qui s’imposent pour sortir de la crise, en premier lieu un revenu garanti ou le retour de la taxe Tobin et l’inévitable inflation pour réduire le poids de la dette, beaucoup sont de simples "whisful thinking" (des prix bas, un marché stabilisé, etc.). Plus généralement, c’est la conception technocratique d’ensemble qui apparaît bien trompeuse comme s’il suffisait d’un catalogue interminable de solutions techniques (tout comme dans son plan de libération de la croissance !) alors que le bateau prend l’eau de toutes parts. Il ne suffit pas de créer des agences, de nommer des contrôleurs, d’édicter des normes, de promulguer des lois : il y a des intérêts à combattre et des rapports de force à établir. Impossible de déterminer à l’avance les excès de confiance et les abus de position dominante, l’impact réel des dernières technologies ou de comportements mimétiques. Il y a toujours des polémiques en tous domaines où il faut prendre parti sans disposer de tous les éléments pour se décider. Il est toujours aussi risqué de prendre position quand on manque d’informations et qu’il y a conflit des interprétations, laissant dès lors bien trop de place à l’idéologie comme aux émotions.

Cette confiance excessive dans l’expertise, le droit et la bureaucratie est de la même veine que la mathématisation de l’économie qui fait croire qu’en faisant appel à des scientifiques on pourrait résoudre les problèmes et même éliminer le risque, ce qui n’a pour résultat, on l’a vu, que de l’augmenter jusqu’à le rendre systémique ! C’est la prétention d’un monde d’abondance sans crise qui crée le maximum de risque ! Bien sûr tout cela se fait au nom d’un nécessaire matérialisme mais pas du tout dialectique, hélas, ne pouvant donc avoir une quelconque pertinence au-delà d’un horizon réduit au très court terme, et encore cela dépend des périodes. Il vaudrait mieux intégrer le caractère cyclique des crises pour y opposer des politiques contra-cycliques.

La constitution d’un gouvernement mondial occupe une assez grande place dans cette utopie et il faut bien dire qu’on n’en est pas si loin même s’il semble que le protectionnisme et les antagonismes vont rapidement faire éclater cette belle unité, dans un premier temps du moins. La sortie de crise devrait se traduire effectivement par un renforcement du système, une plus grande unification et une meilleure gouvernance mondiale. L’hypothèse d’une monnaie mondiale (le Bancor de Keynes) n’est pas non plus tout-à-fait hors de saison mais on en reparlera après l’effondrement du dollar... Jacques Attali, qui s’occupe de micro-crédit maintenant, attache beaucoup d’importance enfin à la possibilité de donner accès au micro-crédit grâce à la banque par mobile, il en attend des miracles mais on peut douter que cela puisse prendre rapidement de l’ampleur, simple gadget dans l’immédiat sans doute.

Et après ?

Il ne faut pas se cacher que c’est la critique qu’on peut faire tout aussi bien à l’option que je défends, de toutes façons nécessaire et qui pourrait avoir plus d’impact malgré tout : celle d’une relocalisation avec des monnaies locales. L’avantage ici, c’est qu’on ne part pas de rien mais à la fois du mouvement altermondialiste, premier mouvement politique mondial, ainsi que de l’expérience de l’effondrement de l’Argentine. Des économistes se veulent rassurants en soulignant qu’il y a 50% de la population qui dispose de revenus fixes mais il y a de quoi s’inquiéter qu’on en soit à le dire, et pour les 50% qui restent aussi ! En tout cas, si l’on veut savoir ce qui risque de se passer de pire au niveau économique, l’Argentine est l’exemple à prendre où les monnaies locales, ignorées par les économistes, se sont substituées à l’argent qui manquait pour assurer la continuité de l’approvisionnement et la survie de la population. Il ne s’agit pas de prétendre dogmatiquement que ce serait la seule voie et qu’on pourrait se passer de plans de relances et de grands travaux plus ou moins "verts". On comprend que des écologistes critiquent de façon un peu pavlovienne les plans de relance accusés de productivisme mais il est question de survie dans ces moments de crise, ce qu’il faut prendre en compte quand on se prétend écologiste. Ce n’est certes pas en décimant la population qu’on peut construire une politique écologiste, ni en mettant plus d’un quart de la population au chômage, mais en construisant un système alternatif ce qui est autrement difficile et prend du temps !

On doit s’attendre à ce que les lignes bougent, il est donc très difficile de préfigurer ce qui va en sortir mais étant donnée la conjonction des crises (économique, écologique, politique, géopolitique) pour l’instant on ne peut plus croire, comme au début, que tout pourrait s’arranger assez rapidement car le mécanisme de la dépression risque de jouer à fond et pour longtemps. Une seule chose pourrait nous sauver peut-être, c’est une forte mobilisation sociale pour augmenter les revenus des salariés, rmistes et chômeurs, permettant de refonder la solidarité sociale et de faire repartir l’économie, sinon on entre dans le cycle de la violence (qui a déjà bien commencé !). Toutes les options sont possibles en même temps : 1936, le fascisme, le New Deal, mais il faut s’attendre à ce que la tentation autoritaire soit forte et qu’en l’absence des forces de gauche, complètement laminées, on se cherche un sauveur ou bien qu’on s’enfonce dans un terrorisme stérile. En tout cas il n’y aura pas de réorganisation globale sans sa traduction politique.

En attendant, il ne semble pas qu’on puisse éviter une restriction du crédit par rapport à la situation précédente, ce qui devrait enclencher une spirale dépressive avec des faillites en chaîne et une déflation qui a déjà commencé avec le pétrole mais dont on sait que c’est la pire situation pour l’activité. Le Japon l’a déjà expérimentée à ses dépens. Cette fois cela pourrait être bien plus dramatique de toucher le coeur du capitalisme mondial ainsi que des pays très peuplés comme la Chine où les conséquences sociales seront massives. Et plus ça dure, plus c’est dangereux, plus les tensions s’exacerbent. La baisse du pétrole ne peut même plus enrayer l’effondrement de l’automobile américaine qui se trouve à la conjonction des crises économique et écologique. L’aide américaine puis européenne dans ce puits sans fond ne fera sans doute que retarder l’échéance...

Sur l’autre front, avec la dévaluation du Yuan et les premières annulations de commandes d’avion, la Chine a déjà ouvert les hostilités mais la guerre est sans issue qui aboutira inévitablement à une dévaluation du dollar bien plus conséquente ! De toutes façons, en opposition frontale aux statuts de la BCE, il n’y a pas d’autre solution qu’une inflation généralisée, et donc une dévaluation généralisée, afin de relancer l’économie en dégonflant la dette (par "l’euthanasie des rentiers"). Il n’y aurait rien de pire en effet que la déflation qui augmente le poids d’une dette devenue démentielle. Notre chance, c’est qu’on est justement dans une période inflationniste, à cause du développement des pays les plus peuplés. C’est même l’inflation qui a servi de déclencheur à la crise (et, paradoxalement, provoquant une déflation à court terme en contre-coup) ! Bien sûr l’inflation peut être terrible pour les plus pauvres en rognant sur les salaires mais, dans notre contexte, elle devrait être accompagnée plutôt que combattue. Il faudrait donc augmenter RMI et allocations chômage d’un côté (à défaut de revenu garanti), quitte à augmenter la TVA et la TIPP de l’autre, tout en baissant les charges sociales pour augmenter les salaires.

Le problème, c’est qu’il faudrait faire cette relance au niveau européen si on ne veut pas creuser le déficit commercial, et ce n’est pas vraiment le chemin qui est pris pour l’instant... Il ne semble pas que les conditions sociales, politiques, géopolitiques soient réunies pour qu’on s’en sorte sans heurts, même si un accord n’est pas complètement impossible ! Comme dans toutes grandes crises, les gouvernements vont plus probablement s’évertuer à faire le contraire de ce qu’il faudrait, en croyant faire ce que les gouvernements n’avaient pas fait lors de la dernière grande crise, mais en jouant les uns contre les autres tout en engloutissant des centaines de milliards en pure perte !

En tout cas, c’est certainement dans les périodes de credit crunch où l’argent se fait plus rare que les monnaies locales seraient le plus utiles et le plus faciles à mettre en place car une création monétaire ex nihilo est non seulement possible mais plus qu’utile dans ces moments là, création monétaire pilotée au niveau local sur des produits et services ciblés, sans les risques de "déficit commercial" donc. C’est certainement ce qui serait le plus efficace car ne servant pas à subventionner nos importations de produits de première nécessité mais privilégiant la consommation locale. Ce localisme évite les inconvénients du protectionnisme comme du libéralisme aussi bien que le risque de provoquer des pénuries. La sortie de crise devra être l’occasion aussi d’une adaptation du système de production et de la protection sociale aux nouvelles forces productives de l’économie numérique, ce qui est encore une autre paire de manche !

Bien sûr, pour que le besoin s’en fasse sentir, il faut d’abord qu’on tombe au plus bas afin de renoncer à vouloir continuer comme avant, mais on y va car, dans l’état, on ne voit pas comment la machine pourrait repartir ! Dire que cela ne durera qu’un an, comme la plupart des économistes, c’est se persuader que ce n’est pas si grave, encore cette foutue "positive attitude" qui retarde les réactions énergiques qu’il faudrait prendre dès maintenant. En 1929, on n’arrêtait pas de voir le bout du tunnel, en se persuadant que tout s’arrangerait tout seul jusqu’à la catastrophe finale. C’est dans ces moments là qu’il faudrait se mobiliser en masse et que nous prenions nos affaires en main plutôt que de se fier aux experts qui prétendent nous sauver...

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