Revue des sciences (11/08)

1er  novembre 2008 | par Jean Zin





Beaucoup de tout ce mois-ci avec rien qui se dégage vraiment. Les véritables débuts commerciaux de la cryptographie quantique ne sont qu'une confirmation, tout comme l'arrivée des exosquelettes ou la théorie métabolique du cancer, de même que les échanges de savoirs dans l'antiquité. La bioinformatique non plus n'est pas vraiment une nouveauté. Tout de même on peut gamberger sur la possibilité de communiquer par télépathie, d'effacer des souvenirs ou de mettre les manipulations génétiques à la portée de n'importe qui. Sinon, il apparaît de plus en plus que les virus font parti de la régulation des espèces, comme une part extérieure de notre génome. On peut bien se rassurer en se disant qu'on n'a pas dépassé cette année, relativement froide, les records de l'année dernière, mais on n'en était pas loin quand même. Heureusement, on pourrait arriver à se passer des énergies fossiles d'ici 2090 nous assure Greenpeace...

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Pour la Science no 373, Sons & Musique


Pour la Science

- Le Vésuve, un volcan strombolien ?, p14

Il se pourrait (ce n'est pas sûr) que le Vésuve ne soit plus de type explosif catastrophiste (éruptions rares mais dévastatrices) et se rapproche du Stromboli (éruptions fréquentes mais peu importantes), ceci parce que sa chambre magmatique serait passée de 7km à 3km de la surface. Ce qu'il faudrait savoir, c'est surtout si le supervolcan situé juste à côté ("champs phlégréens" ou campi flegrei), où les romains situaient les portes de l'enfer, ne risque plus d'exploser ce qui aurait des conséquences bien plus grandes au niveau de l'Europe si ce n'est de la planète...

- Le dos vert après le billet vert ?, p33

Retenons surtout qu'Ivar Ekeland pense inévitable un effondrement du dollar étant donné l'énormité des sommes injectées. "Et quand le dollar ne vaudra plus rien, qu'est-ce qui le remplacera ?".

- Un cafard peut-il vivre sans tête ?, p38

Cela est vrai : leur corps survit ainsi plusieurs semaines.

Un couple de cafards a ainsi vécu plusieurs semaines dans un bocal.

La tête du cafard isolée survit aussi. Elle fonctionne pendant quelques heures et agite ses antennes dans tous les sens jusqu'à ce qu'elle n'ait plus d'énergie.

Les caractéristiques physiques d'un insecte font que sa tête n'est pas un organe aussi vital que pour un mammifère.

En effet, la tête ne sert pas pour respirer à l'insecte qui respire par les pores de sa peau (si l'on peut dire), qu'il n'y a pas de circulation sanguine et que le système nerveux n'est pas centralisé mais réparti en ganglions dans tout le corps.

- La circulation des savoirs astronomiques dans l'antiquité, p140

Les échanges de savoir entre sages de différentes cultures expliquent sans doute une certaine unité des traditions "ésotériques" et de ce qu'on appelle la "philosophia perennis" dont l'astrologie constitue une part essentielle, au fondement de la rationalité du monde et qu'on retrouve partout. Les connaissances astronomiques sont sans doute largement préhistoriques et on peut être étonné du caractère relativement tardif de l'astronomie babylonienne, mais il ne suffisait pas de pouvoir en faire le relevé par écrit, il fallait que la durée des observations laisse apparaître des lois, ainsi qu'un progrès des mathématiques sans doute. En tout cas, c'est ce qui fait tout l'intérêt de suivre la diffusion des données astronomiques de Babylone jusqu'en Chine, la circulation souterraine des idées, même avec des retards qui peuvent se compter en siècles, voire en millénaires, prouve que notre évolution cognitive était déjà planétaire, surtout depuis l'invention de l'écriture, et que l'unité de l'humanité était déjà effective, en esprit du moins, derrière les diversités apparentes (les Grecs l'ont reconnu explicitement d'Hérodote à Platon).

Depuis le Néolithique, les civilisations humaines, loin de vivre isolées, ont échangé des objets, des ressources, mais aussi des idées et des savoirs.

Les racines des savoirs astronomiques se trouvent en Mésopotamie. Parmi les plus anciennes observations qui nous sont parvenues, certaines relatent les apparitions héliaques de Vénus. Elles datent du règne d'Ammi-Saduqa (vers 1646 à 1626 avant notre ère), roi de la première dynastie de Babylone et arrière-petit-fils de Hammurabi. La Mésopotamie a par la suite livré la plus longue série d'observations astronomiques jamais réalisée : débutées durant le règne de Nabonassar (-746 à -733), elles se sont achevées sous l'Empire Parthe (après -60). La durée de ces observations, près de 700 ans, explique que l'astronomie de Babylone ait servi de base à l'astronomie grecque et arabe (...) Dès avant le Ve siècle avant notre ère, le système de notation des positions planétaires a été standardisé selon les 12 signes du zodiaque, qui découpent la voûte céleste en secteurs de 30 degrés. Ce système de notation, très pratique, était facile à utiliser et c'est ce qui peut expliquer son passage chez les Grecs. La préférence babylonienne pour les nombres sexagésimaux, c'est-à-dire les nombres divisibles par 60, est par ailleurs à la base de l'usage grec de diviser le cercle en 360 degrés.

Les premières observations égyptiennes sur les apparitions héliaques de Sirius, l'étoile du Chien, sont antérieures à celles de Babylone : elles remontent à la septième année du règne de Sésostris III (vers -1870). De même que les astronomes-prêtres babyloniens ont séparé le ciel en 12 signes du zodiaque, les scribes égyptiens ont divisé le ciel en 36 secteurs, nommés « décans ». La première division céleste égyptienne apparaît dans le tombeau de Senmut, qui a vécu durant le règne d'Hatchepsout (-1478 à -1457). Cet usage ne renvoie pas à la tradition babylonienne des nombres sexagésimaux, mais aux 36 « semaines » égyptiennes de dix jours.

Ce furent les scribes égyptiens qui, pour la première fois, divisèrent la journée en un jour et une nuit de 12 heures. Le premier texte à le confirmer a été trouvé en 1889 par Ernesto Schiaparelli dans le tombeau d'Amenemhat, un fonctionnaire qui mourut sous Thoutmosis Ier (vers -1500). Cette division de la journée en 24 heures s'est perpétuée jusqu'à aujourd'hui. En outre, les astronomes de l'Antiquité préféraient le calendrier égyptien de 365 jours, jugé plus facile à utiliser pour le calcul des grands cycles, que les calendriers lunaires avec plusieurs mois intercalaires, comme le calendrier babylonien. Ainsi, le zodiaque donnait aux astronomes les repères standardisés d'origine babylonienne pour établir les positions des étoiles, et le calendrier égyptien constituait la mesure standardisée des durées astronomiques.

Un autre indice de la circulation des savoirs provient des Grecs de l'Antiquité, qui se prétendaient souvent les héritiers de traditions diverses : babyloniennes, égyptiennes, et même perses et indiennes. Il est difficile d'estimer la fiabilité de leurs écrits. Cependant, l'analyse récente au scanner à rayons X du mécanisme d'Anticythère, un calculateur astronomique du IIe avant notre ère, a révélé que l'astronomie grecque d'avant Ptolémée était plus avancée que ce que les modernes pensaient.

- L'épuisement de la terre, p 160
Daniel Nahon, Odile Jacob, 2008, 236 pages

Savez-vous que la surface de sols cultivables de la Terre représente 22 pour cent de celle des terres émergées, c'est-à-dire seulement 50 fois celle de la France ? Et si la principale menace sur notre environnement n'était pas le réchauffement climatique, mais l'épuisement des sols ? D. Nahon rappelle que le soubassement essentiel de notre civilisation et de toutes celles qui l'ont précédée est le sol cultivable. Or personne, sinon les scientifiques qui l'étudient - les pédologues - n'a conscience que ce soubassement s'use plus vite que la nature ne le reconstitue. L'auteur veut donc sonner l'alarme.

Le dernier chapitre explique que la coïncidence de la diminution de la surface des sols (érosion, stérilisation par salinisation ou bétonnage...) et de l'augmentation de la population mondiale nous conduit à de nouvelles famines. Il est grand temps de prendre des mesures correctives pour protéger les sols.





La Recherche no 424, Si le boson de Higgs n'existait pas


- Les virus des profondeurs, p17

Plus on descend dans les profondeurs océanes, plus les virus interviennent dans la mortalité des bactéries. Ils sont responsables de 16% de cette mortalité dans les sédiments côtiers, de 64% entre 160 et 1000 mètres, et de 89% au-delà.

C'est une découverte que je trouve extraordinaire car elle me semble prouver que les virus font partie du génome d'une espèce dont ils assurent la régulation, en particulier en fonction du nombre qui provoque une explosion de la virulence à partir d'un seuil de densité. Les fonds marins étant très pauvres en nutriment un développement incontrôlé peut rendre le milieu stérile alors que la multiplication des virus non seulement limite le nombre de bactéries mais permet de nourrir les bactéries survivantes avec les restes des bactéries infectées. Il se pourrait que si les autres espèces ont moins de virus participant à leur régulation, c'est peut-être que cette régulation est intégrée au génome puisque les dernières études sur le ver Caenorhabditis elegans semblent montrer que sa durée de vie est génétiquement programmée.

- La lente invention du néolithique, p18

Des travaux récents suggèrent que la domestication des plantes s'est sans doute étalée sur des milliers d'années, au lieu de la transition rapide, en quelques siècles, qui prévalait jusqu'alors.

C'est effectivement un changement de paradigme mais on sait depuis peu qu'il y a eu une longue période pré-néolithique au moins dans la région du Sahara lorsque ce n'était pas du tout un désert encore mais une terre luxuriante. Le passage de la cueillette à l'agriculture aurait été très progressif. Il n'empêche, qu'à un moment (à l'occasion d'un déluge ou de toute autre catastrophe) s'est coagulée une nouvelle façon de vivre, une nouvelle civilisation, une nouvelle représentation du monde, de nouvelles religions...


- Les débuts de l'ère viking, p18

Il est intéressant de constater que ce n'est pas le progrès technique ni la pression démographique qui explique les invasions viking, leurs bateaux militaires ayant 4 siècles lorsqu'ils commencent leurs pillages et leur expansion. Comme toujours ce n'est pas la technologie mais la politique et la logique de puissance qui est déterminante. Ainsi, c'est plutôt l'effet de la menace de Charlemagne qui les aurait poussés en retour à s'unir et se hiérarchiser, dans un second temps seulement à utiliser leur nouvelle puissance pour s'enrichir en pillant le voisinage et gagner en prestige ou en troupes supplémentaires.

- Nous inventons une autre physique, p 38
Interview de Christophe Grojean

Pour ma part, je n'arrive pas à croire au Higgs qui me semble pure invention alors que la masse devrait dépendre simplement de l'énergie ! Une des raisons de ne pas croire au Higgs, c'est que son spin devrait être nul, ce qu'on n'a jamais vu (pas plus que le spin 2 du supposé graviton). On n'a que des spins 1/2 (fermions : électron, quarks) ou 1 (photon). Par contre, de même que 2 fermions peuvent faire un boson (1/2 x 2 = 1), une combinaison d'hypothétiques "techniquarks" pourrait avoir les propriétés du Higgs qui ne serait donc plus une particule élémentaire mais un objet composite. Plus spécifiquement, la théorie qu'il élabore se passe du Higgs en supposant une dimension supplémentaire, la masse résultant de la façon dont la particule rebondit sur ses bords.

- Laurent Schwartz, la conception métabolique du cancer, p60

Cela fait longtemps que des voix isolées ou des "médecines alternatives" en avaient fait l'hypothèse (que j'ai reprise dans "La dégénérescence de l'homme" récemment) mais c'est désormais un homme du sérail, le cancérologue Laurent Schwartz (pas le mathématicien!), qui tente de convaincre ses pairs que c'est l'inflammation qui est déterminante dans le déclenchement des cancers. En tout cas, c'est ce que semble démontrer le caractère cancérigène de l'amiante. Ce n'est pas qu'il n'y ait pas de mutations génétiques, il y en a tout le temps, c'est que l'inflammation chronique est favorable à la prolifération des cancers débutants (en fait, je pense qu'il y a sûrement certaines mutations en cause malgré tout, comme celle du gène anticancer p53, mais l'inflammation serait déterminante dans la plupart des cas).

De nombreux cancers commencent par une bronchite chronique, une cirrhose du foie, voire une simple irritation chronique telle que causée par l'amiante. Les tissus enflammés sont chauds et douloureux, ils consomment une quantité accrue de nutriments et en particulier de glucose. Cette idée n'est pas neuve. Dès 1920, des chercheurs allemands comprennent le métabolisme cellulaire. Parmi eux, Otto Warburg, un des grands biochimistes d'alors, futur prix Nobel, observe que les cellules tumorales consomment une plus grande quantité de glucose que les cellules normales et produisent un excès d'acide lactique. En d'autres termes, elles fermentent. Pourquoi ? Parce qu'il y a un blocage dans les cellules cancéreuses : elles ne tirent que très peu d'énergie du glucose qu'elles consomment. Pour obtenir la même quantité d'énergie qu'une cellule normale, elles doivent consommer 18 fois plus de sucre. Ce dernier n'est pas complètement dégradé. Les déchets de combustion incomplète du glucose s'accumulent et réagissent entre eux. La cellule grossit et en grossissant, elle se divise. Le cancer serait donc une maladie métabolique.

Une équipe canadienne a récemment testé l'effet d'une molécule le dichloroacétate ou DCA, sur les cellules cancéreuses. Cette molécule stimule une enzyme au sein de "l'usine" énergétique de la cellule, la mitochondrie. Testée in vitro, elle a provoqué la mort des cellules cancéreuses et in vivo, chez le rat, elle a limité la croissance des tumeurs.

J'avais fini par douter des potentialités du DCA, n'ayant plus aucune nouvelle depuis plus d'un an, au point de retirer mon article sur le sujet mais, non, les recherches se poursuivent et ce que disait l'article reste apparemment pertinent.

- Un robot très curieux, p76

En construisant un robot uniquement motivé par la nouveauté comme proposé par diverses théories, nous avons constaté qu'il passait son temps à regarder les feuilles d'un arbre tombant une à une, "fasciné" par leur imprédictibilité. Cela lui ôtait toute disponibilité pour un apprentissage : il fallait un mécanisme supplémentaire (désir de progresser).

Rappelons que La Recherche a ouvert un blog des livres intéressant, avec pas mal de critiques de livres plus ou moins scientifiques. On aimerait tout de même que ce soit un peu plus de sélectif et une division par catégories au moins.




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