Nouvelles de la physique (03/09)

1er  mars 2009 | par Jean Zin


-  Le boson de Higgs détecté au Fermilab ?
-  La preuve de la théorie des cordes ?
-  Le retour de l’axion
-  Et la soeur caméléon de l’axion...

-  Des neutrons qui tournent autour du noyau

-  Une nouvelle vue des restes de la supernova de Tycho
-  La Lune manque d’eau
-  Mesure de Titania : les astronomes amateurs plus forts que Voyager !
-  Le graphane, du graphène avec de l’hydrogène


Brèves du mois : physique - climat - biologie - santé - technologies

Revue des sciences 03/09



cosmologie, astronomie, physique quantique



- Le boson de Higgs détecté au Fermilab ?

On ne sait pas encore si on l'a vraiment détecté car le dépouillement des données prend des mois. Son existence étant très controversée (je fais partie de ceux qui n'y croyaient pas), ce serait une très grande nouvelle même si le boson de Higgs ne pourra être vraiment étudié qu'au LHC à des énergies supérieures. Cet article vaut surtout pour sa présentation imagée du mécanisme de Higgs d'une résistance de l'espace à l'accélération, comparée d'habitude au déplacement dans une foule :

Cette particule scalaire serait responsable de la masse des particules de l'Univers observable depuis le moment où celui-ci s'est suffisamment refroidi pour que se produise une transition de phase, analogue au passage de la vapeur à l'eau liquide. En effet, si l'on s'imagine que le champ associé au boson de Higgs était l'analogue de la vapeur d'eau dans l'Univers primordial, les quarks et les leptons pouvaient alors se déplacer comme s'ils étaient sans masse car le champ de Higgs n'offrait alors pas de résistance notable aux mouvement des particules. Tout a changé lors de son refroidissement. En poursuivant cette analogie, il est devenu l'équivalent de l'eau liquide.

On se déplace moins facilement dans un liquide que dans un gaz ténu... Pour des particules comme l'électron, cette résistance au mouvement est donc l'analogue de l'apparition d'une force de frottement. Mais au lieu d'être proportionnelle à la vitesse, elle est proportionnelle à l'accélération. Avec cette explication, très simplifiée, on peut donc se rendre compte de ce qu'est le boson de Higgs.

- La preuve de la théorie des cordes ?

Non, pas vraiment, mais quand même ! Des étonnantes similitudes de comportement (liquide parfait) entre des phénomènes aussi éloignées que le Big Bang ou des atomes ultrafroids semblent donner raison à la théorie des cordes. Il faut dire que celle-ci étant principalement une généralisation mathématique unifiant toutes les forces, on peut comprendre qu'elle mette en valeur des comportements identiques entres différents processus (y compris les supraconducteurs et l'évaporation des trous noirs!), un peu comme les fractals. Tout cela reste incompréhensible au commun des mortels.

Lors d'un récent colloque de l'American Association for the Advancement of Science (AAAS), des physiciens de trois branches différentes ont fait le point sur une spectaculaire convergence apparue il y a quelques années entre la physique des atomes ultra-froids et celle des collisions d'ions lourds, recréant les températures infernales du plasma de quarks du Big Bang. Le lien commun est la théorie des cordes...

Il semble bien que l'on soit là en présence de correspondances profondes entre des théories et des systèmes physiques très différents. D'un coté la théorie des interactions fortes entre quarks, de l'autre la physique de la matière condensé avec des atomes et finalement, faisant un lien mathématique entre eux, la théorie des cordes sous la forme de la conjecture de Maldacena.

On reste pantois devant le fait qu'un système refroidit à 10-7 K puisse renseigner sur ce qui se passe dans un système porté à 1012 K. Ce dernier étant en effet dix milliards de milliards de fois plus chaud !

Les physiciens durent se rendre à l'évidence, le plasma de quarks-gluons, encore appelé quagma, qu'ils observaient dans les collisions de RHIC se comportait comme un fluide parfait ! La « boule de feu » créée entraient alors en expansion à la façon d'un ellipsoïde d'un fluide à la viscosité presque nulle, à la façon de l'hélium superfluide donc.

Ainsi, l'évaporation d'un trou noir dans un espace-temps à 10 dimensions avec un rayonnement de corps noir se trouve reliée mathématiquement aux phénomènes se déroulant lors de la formation d'un plasma de quarks-gluons. Rapidement en effet, la boule de plasma devient une sorte de boule de mésons pi et de hadrons chauds, s'évaporant selon la même loi du corps noir mais dans un espace-temps à quatre dimensions.

Remarquablement, il existe un système physique qui doit lui aussi se comporter comme un liquide presque parfait et conduire à l'analogue de l'expérience de RHIC. Il s'agit d'un gaz d'atomes de lithium ultra-froids piégés à l'aide de lasers.

On commence donc par refroidir à l'intérieur d'un piège optique ces atomes qui forment alors des paires de Cooper, comme les électrons dans un supraconducteur. Plongées dans un champ magnétique adéquat, les interactions entre les paires d'atomes disparaissent à l'exception d'effets quantiques et le tout se comporte comme un fluide quantique parfait. Si l'on coupe les lasers, les atomes de lithium confinés en boule entrent en expansion à la façon du quagma dans les expériences de RHIC. La boule prend rapidement la forme d'un ellipsoïde.

- Le retour de l'axion

L'axion est une particule hypothétique dont on reparle régulièrement car les équations de la QCD (ChomoDynamique Quantique) semblent imposer son existence mais les expériences ont toujours échoué à la détecter. La nouvelle hypothèse sur son rôle dans les rayons gamma n'a rien de décisif mais, en physique, ce sont ces questions irrésolues qui sont les plus passionnantes.

Dans le cas des interactions fortes entre quarks transmises par l'analogue des photons, les gluons, deux termes devraient y être présents. Cependant, si le premier terme est bien constaté expérimentalement, le second ne l'est pas. Il conduit en effet à l'existence d'un moment dipolaire électrique pour le neutron... jamais observé.

Pour éliminer l'influence de ce second terme, un autre champ de particules fut postulé. Remarquablement, il pouvait servir à expliquer la présence de la matière noire. Parce que l'introduction de cette nouvelle particule résolvait le problème dont était entachée la théorie de la QCD, le prix Nobel de physique Franck Wilczek la baptisa du nom d'une marque de lessive, axion...

Cette particule, que même le Soleil doit produire, doit être très légère et interagir très faiblement avec la matière pour être passée inaperçue dans les expériences en accélérateurs. Toutefois, elle se manifesterait, si elle existait, par un phénomène remarquable. En envoyant un faisceau laser en direction d'une paroi opaque devant laquelle règne un puissant champ magnétique, une partie des photons du laser se transformeraient en axions capables de traverser aisément la paroi pour ensuite être retransformés en photons éclairant un écran derrière la paroi.

Les rayons gamma à ultra hautes énergies semblent se déplacer plus facilement que prévu sur des distances cosmologiques. Cette énigme suggère à certains théoriciens l'existence de particules analogues à l'axion. Couplées aux champs magnétiques des galaxies, ces hypothétiques particules rendraient compte de la surprenante transparence de l'Univers pour les photons gamma.

En voyageant sur de longues distances cosmologiques, la probabilité d'une création de paires de photons par les rayons gamma n'est pas négligeable et devrait conduire sur Terre à un faible flux de ces rayons, plus faible que ce que l'on observe.

Pour expliquer cette transparence trop élevée, deux groupes de physiciens ont eu l'idée de faire intervenir la conversion des photons gamma en axions dans les champs magnétiques galactiques. Cela semble de prime abord résoudre le problème.

Sauf que pas vraiment mais "On ne devrait pas tarder à en savoir plus" !

- Et la soeur caméléon de l'axion...

Particule hypothétique, l'axion constitue peut-être une partie de la matière noire. Une autre particule hypothétique, lui ressemblant beaucoup, dont la masse et l'effet sur les particules de matière normale pourraient varier en fonction de la densité de matière, pourrait, elle, expliquer l'énergie noire.

Rappelons que l'énergie noire ne semble se manifester qu'à des distances énormes, au niveau des amas de galaxies, et qu'elle accélère l'expansion de l'Univers. Elle se comporte donc comme une sorte d'anti-gravité.

Selon Khoury et Weltman, on pourrait imaginer que la particule soit massive et avec un couplage très faible au niveau du système solaire et des galaxies, mais au contraire légère et avec un couplage fort au niveau des amas de galaxies, là où la densité de matière est beaucoup plus faible. Ceci permettrait alors de réconcilier les observations. S'adaptant selon son environnement, une telle particule a donc tout naturellement été nommée une particule caméléon.

Les équations proposées par Khoury et Weltman décrivent un champ scalaire qui ressemble beaucoup à un autre invoqué pour résoudre la problème de la matière noire, en l'occurrence l'axion.

Il s'agit toujours de la technique consistant à faire passer un faisceau laser dans un lieu où règne un fort champ magnétique. En l'occurrence, en pénétrant dans une chambre à vide aux parois massives plongée dans un champ magnétique intense, les photons du laser se convertiraient en partie en particules caméléons massives. Ce faisant, à cause de la conservation de l'énergie, elles ralentiraient fortement et resteraient un certain temps dans la chambre à vide. Or, si l'on coupe le faisceau laser mais que le champ magnétique existe toujours, les particules peuvent redevenir des photons que l'on peut détecter avec un photomultiplicateur à la sortie de la chambre à vide.

- Des neutrons qui tournent autour du noyau

La structure en halo du noyau exotique 11Be révèle un neutron orbitant selon les principes de la mécanique ondulatoire autour d'un noyau de 10Be. Le rayon de l'orbite, 7 femtomètres, est presque 3 fois supérieur à celui du noyau central.

Bien que la description probabiliste sous la forme de fonctions d'onde rende compte de la structure de tels halos de neutrons, leur existence même est paradoxale et doit provenir de propriétés encore mal comprises des forces résiduelles entre quarks et gluons, responsables des liaisons entre protons et neutrons dans les noyaux.

En effet, ces neutrons se trouvant souvent hors de la zone ou classiquement s'exerce la portée des forces nucléaires mésoniques, ils ne devraient pas être liés aux noyaux et pourtant ils le sont !


- Une nouvelle vue des restes de la supernova de Tycho

Elle montre la scène plus de quatre siècles après l'explosion brillante de l'étoile dont Tycho Brahe et d'autres astronomes de cette époque ont été les témoins.

- La Lune manque d'eau

Dans une série de quatre articles, les chercheurs japonais font le bilan des observations et des mesures effectuées grâce à la sonde Kaguya-Selene, la plus importante mission lunaire depuis le programme Apollo, lancée en 2007. Comme le prédisait la théorie de sa formation, la Lune semble bien très pauvre en eau.

Il y a 4,533 milliards d'années, soit environ 34 millions d'années après la formation de la Terre, une petite planète de la taille de Mars (6.500 km de diamètre) aurait heurté la Terre. L'impact se serait fait tangentiellement, arrachant une partie du manteau terrestre. La violence du choc aurait conduit à la fragmentation complète et à une vaporisation importante de ce corps céleste qui a été baptisé Théia.

Probablement déjà différentié, le noyau ferreux de Théia se serait incorporé à celui de la Terre et un océan de magma aurait recouvert notre planète. Pendant ce temps, une partie du matériau du manteau terrestre et des restes de Théia seraient restés en orbite autour de la Terre où ils auraient fini par s'accréter pour former notre satellite.

Or, cette absence d'eau est précisément ce à quoi on doit s'attendre si la Lune provient bien de l'accrétion du matériau de Théia. Portée à de hautes températures par le choc, cette planète a dû perdre ses composants volatils dont, notamment, l'eau.

- Mesure de Titania : les astronomes amateurs plus forts que Voyager !

J'ai mis la brève à cause de l'image, même si le rôle des amateurs dans la science est à souligner, surtout en astronomie (mais pas seulement).

En 2001, une centaine d'astronomes amateurs et quelques professionnels ont suivi l'occultation d'une étoile particulièrement brillante, SAO 164538, par Titania, l'un des satellites d'Uranus. Résultat étonnant : ces observations ont permis de surpasser en précision la détermination du diamètre de cette lune effectuée lors de son survol par la sonde Voyager 2. Mieux encore, de nouvelles bornes sur la présence d'une éventuelle atmosphère ont aussi été obtenues.


- Le graphane, du graphène avec de l'hydrogène

Aujourd'hui, les deux co-découvreurs du graphène en 2004, Andre Geim et Kostya Novoselov, viennent d'étendre encore le champ des applications du graphène en trouvant le moyen de lui ajouter des atomes d'hydrogène. Par analogie avec les alcanes, les molécules de carbone hydrogénées comme le méthane ou le propane, on appelle ce nouveau matériau du graphane.

Ce matériau avait était prédit théoriquement il y a quelque temps par Jorge Sofo. La structure produite rappelle celle du diamant et comme on s'y attendait, le graphane est aussi un isolant. Les circuits électroniques sont des assemblages de conducteurs et d'isolants et il est intéressant de voir la perspective dans un avenir proche d'obtenir à volonté des composants de ce genre à partir d'un seul matériau de base. Les chercheurs pensent ainsi partir d'un feuillet de graphane qui pourrait être en quelque sorte gravé avec une pointe appropriée libérant les atomes d'hydrogène. On aurait ainsi de véritables circuits conducteurs en graphène tracés sur du graphane. Plus généralement, le graphane pourrait porter des zones conductrices, semi-conductrices et isolantes. On n'en est pas encore là...

Une autre application intéressante est que le processus de fixation des atomes d'hydrogène à l'aide d'un courant de gaz et de décharges électriques sur le graphène peut être inversé simplement en chauffant le graphane. En puissance, on aurait là un matériau permettant de stocker dans un faible volume de grandes quantités d'hydrogène facilement libérable. Ce serait donc une clé importante pour des voitures à hydrogène sûres et fiables. Le problème est que si l'on peut fabriquer facilement de la poudre de graphène, des feuillets de quelques centimètres carrés coûtent des sommes astronomiques dépassant largement le million de dollars.




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