Repenser les biotechnologies

3  mars 2008

DANIEL THOMAS, ANDRÉ-YVES PORTNOFF, Éditions Futuribles

Pourquoi « repenser » les biotechnologies ? Parce que les apports des nouvelles biotechnologies dans l’ensemble des secteurs, de la santé à l’agriculture en passant par l’industrie sont en partie retardés ou gâchés. L’un des exemples les plus graves se situe en médecine. On produit dans le monde de moins en moins de nouvelles molécules médicales et l’accroissement du coût des recherches médicales rituellement invoqué est loin d’expliquer ce désastre intervenu malgré la réussite du séquençage du génome humain.

L’une des raisons tient à un effort d’innovation qui se relâche relativement dans de grandes entreprises pharmaceutiques. Une autre cause tient au fait que les espoirs placés dans le séquençage du génome humain ont fait négliger les autres champs des sciences du vivant, la microbiologie par exemple. Ceci à cause d’un raisonnement réductionniste, faisant croire que le séquençage allait permettre de découvrir quasi mécaniquement une manne de médicaments nouveaux. Or les causalités de la majorité des maladies sont multiples et ne peuvent être analysées que par une pensée complexe.

Une biotechnologie systémique est en train d’émerger, il importe que la France et l’Europe soient des acteurs majeurs dans cette rupture et réinvestissent fortement dans l’ensemble des disciplines de santé, sans naturellement relâcher l’effort sur l’étude du génome. Ce n’est pas seulement une question de meilleure allocation des ressources, c’est aussi une question de réduction effective des cloisonnements administratifs, culturels, psychologiques, qui rendent si difficiles au pays de Descartes d’organiser des formations, des recherches, des équipes pluridisciplinaires. Or tous les problèmes majeurs de santé sont pluridisciplinaires par essence. Une meilleure exploitation des biotechnologies modernes dans ’ensemble des secteurs permettrait de développer, par des procédés plus propres et plus sobres, une industrie plus « durable ». En agriculture et agroalimentaire, les auteurs pensent que les problèmes sont trop souvent mal posés. « Dans le vaste champ de possibilités ouvert par les biotechnologies, si on laisse faire le marché seul, des positions monopolistiques vont s’affirmer et on peut douter qu’elles favorisent toujours des choix respectueux de l’intérêt général à long terme. » Mais la bonne question n’est pas de se prononcer de façon là encore réductionniste pour ou contre les OGM. Il s’agit non de diaboliser tout type d’organismes génétiquement modifiés mais d’identifier les modifications uti- les pour la société, pas seulement pour l’économie de court terme. Les craintes pour la biodiversité sont légitimes, mais l’adversaire de la biodiversité, c’est l’agriculture intensive, qu’elle soit OGM ou pas.

Le propos est donc d’inventer de nouveaux modèles d’agriculture durable, et pour cela, la pire des options pour la France et l’Europe serait de laisser l’expertise sur les OGM entre les mains d’un petit nombre de multinationales et de se priver des moyens scientifiques et industriels de peser conformément à nos valeurs sur la suite des événements au plan mondial. De même sur le plan pharmaceutique, il faut trouver un modèle d’innovation novateur, sans doute par la mise en réseau de laboratoires privés et de petites et moyennes entreprises.

L’ouvrage apporte au citoyen aussi bien qu’aux différents responsables des bases pour comprendre les nouvelles biotechnologies, évaluer leurs enjeux, prendre position dans des débats très actuels.

Daniel Thomas a fondé l’unité mixte de recherche Génie enzymatique et cellulaire du CNRS. Professeur à l’université technologique de Compiègne (UTC), il préside la section Biologie moléculaire, biochimie du Conseil national des universités.

André-Yves Portnoff, directeur de recherche à Futuribles international, professeur associé à la HEG de Fribourg (Suisse), est un spécialiste de l’innovation.

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