VIVE MARS, PAUVRE TERRE!

Nous venons, à quelques semaines de distance, de vivre un contraste saisissant : d'un côté la réussite saluée par tous les medias et glorifiée avec emphase par le président américain de l'envoi d'un robot sur la planète Mars ; de l'autre l'échec du second sommet de la Terre, dû en grande partie au refus américain d'assumer les engagements pris cinq ans auparavant à Rio en matière de limitation des émissions de gaz carbonique. A continuer dans cette direction on finira effectivement par rendre la Terre invivable et l'humanité - c'est une des justifications les plus sérieuses avancée officieusement pour la conquête spatiale - devra un jour trouver refuge dans des planètes de remplacement.

Nous n'en sommes heureusement pas encore là. Mais les effets destructeurs d'un réchauffement de l'atmosphère terrestre dû à un dégagement excessif de gaz carbonique sont suffisamment graves pour que le vaisseau Terre s'interroge enfin sur le problème de son pilotage.

Une question cruciale se pose cependant lorsqu'on aborde cette nécessité d'une gouvernance mondiale : comment la fonder démocratiquement ? Pour l'heure il existe en effet deux dangers qui peuvent être complémentaires mais qui ne sont pas de même nature. Le premier tient à l'absence de toute régulation politique, juridique et écologique à l'échelle de notre planète. Comme les deux domaines où la mondialisation est la plus avancée, celui de la finance et celui des technologies de la communication, sont aussi les plus rétifs à toute forme de régulation - on l'a vu encore récemment avec le rapport d'Ira Magaziner, un proche de Bill Clinton, consacré à Internet - il faudra une volonté politique forte pour la faire un jour prévaloir. Mais, et c'est le second problème, il existe aujourd'hui une tendance lourde - nous l'analysons plus précisément à propos de l'Europe dans «Repères» - pour laquelle la démocratie est incapable d'assumer ces fonctions de gouvernance. Des projets comme celui du Forum de Davos qui a créé sous le nom de «Welcome» un club des deux mille plus grands décideurs mondiaux illustrent bien cette perspective, celle d'une gouvernance non démocratique. Face à ce double risque, c'est bien le projet d'une démocratie mondiale qu'il faut inscrire comme la grande aventure du XXIème siècle. Un projet destiné à donner aux humains le goût et les moyens de demeurer sur leur planète...